Les Emotions Poétiques. (1858) Par Alfred Cauvet. (18??-19??) Les musiciens qui désirent traiter avec l'auteur pour les romances, sont priés de lui écrire 58, rue Neuve St-Augustin, près de la rue de la Paix. TABLE DES MATIERES. Lettre De M. De Lamartine A l'auteur. Epître A Lamartine (Les Zoïles.) Viens Te Mirer Dans L'Eau. Espérance Et Charité. Pastel. Le Maudit. Les Trois Heures Du Jour. Jean Le Philosophe. La Malédiction. La Nouvelle France. La Muse De Béranger. Lettre De Béranger A L'Auteur. Le Fratricide. Portrait D'Après Nature. La Jeune Mère. Premières Souffrances. Guitare. Si J'Etais Chansonnier. Clairette. L'Ame Du Chansonnier. La Tour Saint-Jacques. Paris Depuis Napoléon Ier. Lettre De M. De Lamartine A L'Auteur. Montceau, près Maçon, 18 février 1858. Monsieur, Vos beaux vers déjà lus deux fois se représentent sous mes yeux , et j'aurais un remords de coeur si je ne vous disais pas avec quelle satisfaction ils sont relus. On jouit d'avoir des Zoïles , quand ces Zoïles vous suscitent de pareils vengeurs! Hélas! je leur pardonne parce qu'ils ne savent pas le mal qu'ils font et parce que s'ils le savaient, ils ne voudraient peut-être pas le faire? En ce moment même je succombe sous leur coalition de malveillance, et deux cents familles de pauvres cultivateurs déracinés avec moi de leur sol, comme le gui avec le chêne, vont pleurer leur ruine et leur dispersion que je cherchais à prévenir par le travail. Je livre mes biens à mes créanciers. Soyez remercié, Monsieur, d'avoir eu, et d'avoir si admirablement exprimé en beaux vers, des sentiments meilleurs que ceux de mes ennemis , quoique si exagérés par la bienveillance. Mais l'exagération de la haine c'est la cruauté et l'exagération de la bienveillance ce n'est que l'illusion des belles âmes. Vous serez pardonné dans le Ciel et aimé sur la terre. A. De Lamartine. Épitre A Lamartine. Les Zoïles. Pascitur in vivis livor, post fata quiescit. OVIDE. Vivants, la haine les déchire; Morts, on leur dresse des autels. Le corbeau, l'orfraie avec le hibou Insultaient de loin l'aigle au vol immense, Lorsqu'un passereau sortant de son trou Osa de leur roi prendre la défense: Peut-être se taire eût-il valu mieux Car, pour les braver, l'aigle vole aux cieux! I Maître, je ne suis pas de ceux qui, d'une fée, Reçurent, au berceau, l'héritage d'Orphée; Coeur loyal, rien de plus, mais aussi rien de moins, De ta vieille énergie un des jeunes témoins, Heureux d'avoir vécu dans le siècle d'un homme Qu'on eût divinisé dans Athène et dans Rome, Et qui seul,quoi qu'en dise aujourd'hui maint Fréron, Vaut Homère et Plutarque, Horace et Cicéron! Que dis-je? ces héros de l'histoire païenne, Leur gloire doit un jour pâlir devant la tienne, Et la postérité, qui met tout en son lieu, Te nommera le barde et l'envoyé de Dieu; Elle te montrera, l'oeil en feu, jeune encore, Comme autrefois David, prenant ton luth sonore, Devant notre Saül, l'Athéisme en courroux, Chantant de Jéhovah le nom terrible et doux! II La France alors sortait de ruines sans nombre; L'impiété vaincue enfin rentrait dans l'ombre; Un poète manquait, dont l'éloquente voix Osât préconiser le Martyr de la croix. Tu parus... aussitôt, tout fiers de ton audace, Mille nouveaux croyants volèrent sur ta trace. Nous n'avons point vu, nous, ces jours si glorieux, Mais en sommes-nous moins les héritiers pieux? Dans tes livres, brûlants d'une divine flamme, Quide nous n'a souvent embrasé sa jeune âme? Qui de nous, bénissant la nouvelle Sion, N'a suivi dans les cieux ta Méditation? Qui de nous, écoutant ta divine Harmonie, N'a rêvé l'idéal qu'a trouvé ton génie? Dans tes Recueillements, pleins d'un souffle sacré, Avec toi, devant Dieu, qui ne s'est inspiré? Enfin l'Humanité salua son poème: Jocelyn, l'homme-prêtre, ou mieux l'âme elle-même. Ta muse, en un sentier jusqu'alors ignoré Nous conduisit... Malheur à qui n'a point pleuré! Puis, un jour, tu partis pour la région sainte Qui des pas de Jésus garde encore l'empreinte; Là, pèlerin auguste, on te vit plein d'amour, Rendre une ombre dévie à ce morne séjour; Là, le Christ consolait l'orphelin et la veuve; Là, Job sortait vainqueur d'une effroyable épreuve; Là, toi-même éprouvé!... mais voilons ce tableau, Ou plutôt, non!-Jetons des fleurs sur ce tombeau. Julia, dans les cieux, te sourit et t'appelle: Dans sa fleur d'innocence, heureux qui meurt comme elle! Mais, de retour enfin, connus-tu le repos? Non, non. -De la Gironde évoquant les héros, Tu peignis, d'un pinceau qu'eût envié Tacite, Le sombre Robespierre et sa farouche suite; Charlotte et Barbaroux, Vergniaud l'audacieux, Puis l'austère Roland, et bien au-dessus d'eux Son épouse virile, au profil sympathique, Souriant à la mort comme un héros antique, « Léguant, comme pour prix de son sang répandu, « Une mâle pensée à son peuple éperdu! » III La Révolution, cette autre Girondine, Surgit, et te trouva, comme ton héroïne, Grand écrivain, grand coeur et plus grand citoyen. Sauveur de ton pays, tu fis régner le bien. Brisant des factieux le drapeau sanguinaire, Un seul geste, un seul mot fut ta Catilinaire. Tu t'en souviens toujours, maître de ces combats, De ces cris du Forum, et de ces pleurs, hélas! Alors que les trembleurs criaient sur ton passage: Salva nos,peri