OCÉAN VERS (1826-1884) Par Victor Hugo MANUSCRITS 24 787, 24 788 ET 24 789 DES NOUVELLES ACQUISITIONS FRANÇAISES À LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE MANUSCRIT 24 787 1826-1851 Fo 1 Le travail, qui. me reste à faire apparaît.à mon esprit comme une mer. C'est tout un immense horizon d'idées entrevues, d'ouvrages commencés, d'ébauches, de plans, d'épures à demi éclairées, de linéaments vagues, drames, comédies, histoires, poésie, philosophie, socialisme, naturalisme, entassement d'oeuvres flottantes où ma pensée s'enfonce sans savoir si elle en reviendra. Si je meurs avant d'avoir fini, mes enfants trouveront dans l'armoire en faux laque qui est dans mon cabinet et qui est toute en tiroirs, une quantité considérable de choses à moitié faites ou tout à. fait écrites, vers, prose, etc. - Ils publieront tout cela sous ce titre : Océan. J'écris cette note le 19 novembre 1846. F° 3 68/192. Vers 1870. On a des familles dans l'esprit. Les idées forment des groupes. Les Feuilles d'A., les Ch. du Cr., les V. int., les R. et les O. adhèrent. Les O., les Ch., les Ch. des R. et des B., la L. des S. sont à part quoique reliées aux autres groupes par une foule de points communs. Les Contemplations et ce livre vont ensemble. Ce livre pourtant contient, si on veut prendre la peine.de le regarder de près, un rayon nouveau. Le rire franchement mêlé aux. souffles lyriques. La Femme I les Comédies et les Idylles II l'Amour V. H. Fo 4 147/479. 1826-28? Ah! nos pères ont vu l'orgueil républicain Adopter pour niveau la verge de Tarquin. Nos pères vous ont vu, sages pleins de démence, Faire du peuple au peuple un holocauste immense; Ils ont vu quelle nuit, s'amassant par degrés, Nuit affreuse, éclipsa tous vos rêves dorés, La loi souillant les moeurs, un pouvoir d'imposture, Étendant sur la France une vaste torture, L'homme au nom de ses droits dans les chaînes jeté, Et les prisons, manquant à votre liberté! Cromwell, Cromwel - Buonaparte, Bonaparte. Combien au pilori qui n'y devraient pas être, Et combien n'y sont pas que j'aimerais y voir! * Un régicide (Dulaure) ' appelait la bastille une ruche de cachots. La Cour (retension, restriction mentale) Arrête que le dit Cellier sera secrettement étranglé après l'exposition sur la roue. (Signé de deux conseillers) Comme le maréchal seigneur de Maillebois a prouvé qu'il est en possession paisible de brûler les hérétiques condamnés par les inquisiteurs de Carcassonne. Caresse, coup - tangente, sécante La différence de la parallèle à l'asymptote. F° 5 147/471. 1827-28. Or il mourut, eut sépulture à Chàrtre. Jamais esprit sous son nom ne revint, Et si j'en crois une gothique chartre Que fit un moine en l'an treize cent vingt Son donjon prit deux ailes et devint Moulin à vent sur la butte Montmartre. F. 6 70/27. 1828-30. découper les archipels La cendre, les os noirs brûlent les plaines vertes, L'air charrie un poison, les maisons sont ouvertes, Tout fume de sang ou de feu. Sur le front de la lune il passe des fantômes. 1826-1851 919 Je me lève à midi, mais quelquefois plus tard. La vieille lamentait une vieille ballade. les épaules armoriées L'épaule armoriée aux fleurs de lys du Roi. * Par des chemins connus de la seule- avalanche LeS creusements de mines éventrent la plaine. la cathédrale - le haut du clocher Nous voici dans le flanc de la.vieille géante nous nous plongeons dans ses entrailles. Ses obscurs corridors, ses noires spirales, ses voûtes tortueuses et comme souterraines vont aboutir brusquement aux cieux. chapel appel Et comme un riant groupe De fleurs dans une coupe Dans nos mers se découpe Plus d'un frais archipel. Ces ruches de cachots et leurs mille alvéoles, Leurs trapes, leurs guichets, leurs tôurs, leurs sombres geôles Fo 7 Après le 12 mars 1827. l'instrument de colère Lève en ses bras sanglants son fer triangulaire. Tricorneau Là double majesté du trône et du malheur Tel Oreste croyait, échappé de l'Erèbe, Aux feux de deux soleils voir une double Thèbe 2. Venez, gens de la banlieue Voir la joute solennelle Du géant Grisegonelle Et du nain Manquesouris. Tous vos saints qui d'honneur n'ont pas le sens commun, Qui s'échauffent à froid en disputant à jeun. On voit se succéder dans un homme qui meurt enragé le spasme au délire Et l'emprostothonos à l'opistothonos 3. la croix... C'est le glaive et c'est le marteau. F° 9 147/174. Le soir... L'ombre, montant des mers, assombrissait les cieux. [1840?] Le cheval blanc qui paît au haut de la falaise, Le drapeau rouge aux mâts d'une frégate anglaise, Un squelette, au chantier, sonnant sous le marteau, Couché nu sur la grève, attend qu'on le revête Du bordage au flanc noir qui le fera corvette. [18531 F. 10 1839. regardez bien C'est un magicien! un grand magicien! D'un oiseau dans les cieux il va -diriger l'aile Selon la sphère droite, oblique, ou parallèle. (il lui prend sa bourse) égoûts et, journaux Paris... Verse sa fange aux flots par cent bôuches de pierre (Rotschild) De nos jours l'or jaillit de la verge d'Aaron, Job est millionnaire et Moïse est baron. F° 11 147/470. 1839? Qu'avez-vous donc? vous reculez comme si vous aviez mis le pied sur un créancier! Ô! je voudrais bien, madame, Que ce grand soleil de flamme Sortît du nuage encor. Quand il reluit, tout flamboie, Les champs ont un air de joie Et la fumée est en or. '1826-1851 921 Les quatre tours de Paris. F° 12 70/67. Vers 1834. Les prières en pleurs... Qui s'en vont en boitant, des palais dédaignées, Retournent vers le peuple, et leurs mains indignées Filent la corde, du tocsin. F° 13 Vers 1832. Il.est nuit. C'est l'heure où le pêcheur, qui se glisse sans bruit, Des ondes de la Manche ou des flots du Bosphore, Retire ses filets ruisselants de phosphore. Ô femmes que vous êtes D'étranges animaux! F° 14 Vers 1835. La brèche par où l'oeil voit du vieux château fort Sortir affreùsement les entrailles de pierre. Vois Mars, Jupiter et Saturne, .Faisànt leur tâche sous nos yeux, Varier dans le ciel nocturne Leur triangle mystérieux. F° 15 74/43. 1833? Cr [ou A?] (à part) (bouteilles etc.) . comme cela vous.monte. L'imagination 5 L'espérance vaut mieux que la réalité. A ce sujet, monsieur, écoutez ce, que dit Philippe de Comine, un -Français érudit : - Ceux de Flandre = et je suis,. Monsieur, de la province, - Aiment toujours le fils de leur prince, et leur prince Jamais. J'ai vu le Grand Mogol rire et jouer aux dés Assis sur son fauteuil..Deux beaux oiseaux brodés Dont le plumage étend ses couleurs dans, la frange Sont au dos du fauteuil. L'un boit et l'autre mange 6. St Il defonse F° 17 139/219. 1831? Catani Frascatani burin voiturin Les ocres des coteaux déchirés par les pluies'. Les saules ='on dirait de gros bras décharnés et noirs séchés au soleil qui sortent de terre avec une poignée d'herbe au poing. Les contraires qui se ressemblent : un aqueduc et un pont. La nature, c'est la grande lyre a. C'est Dieu qui... Et fait fleurir les arts, ondoyantes verdures, Au penchant ruineux des révolutions. Ce saule avait l'air si affligé que je croyais que c'était lui qui avait pleuré cet étang 9. F° 18 Vers 1832-33. pauvreté Logis malsain. L'hiver le vent, pas d'air l'été. L'homme arrive au banquet, puis il s'en va, pareil Au vase qui vient plein et s'en retourne vide. l'égoïsme, l'ennui Les viles passions, l'avarice insensée Mangent le coeur de l'homme et rongent sa pensée. Gonflé d'amour, joyeux, jeune, éclatant, vermeil, Il arrive au banquet, puis'il s'en va, pareil Au vase qui vient plein et s'en retourne vide. F° 19 Océan, 134, p. 176. Acteurs du théâtre Seveste '° Auxquels, on retourne leur veste Et, qu'on abreuve avec de l'eau, ' Vous'allez "jôuer A'ngelo Jeunes actrices de Montmartre Que Seveste, Véron sans dartre, Conduit, par sa caisse absorbé, Vous allez jouer la Tisbé!' C'est bien. Je vous en félicite. Vous aurez joie et réussite, Car les braves batteurs de chaux, Lesquels se font, tant.ils sont chauds, 1826-1851 923 Une carrière du théâtre, Vous. applaudissent comme plâtre. 37br 1835. F° 20 Fin 1831. Ô Paris, à minuit, lorsque de chaque rue. La foule lentement se retire décrue, Bien souvent j'ai cru voir, dans ce.moment obscur, Rembrandt seul et rêveur s'accouder sur un mur, Tandis que soù regard, dans les carrefours sombres, Flottait tout ébloui dés clartés et des ombres. L'immense batterie aux cent gueules de fonte, D'où la fumée à flots monte, tombe et remonte, Sur les mûrs, sur les ponts, sur les toits, sur les tours, Vomissant les boulets et vomissant toujours, Bat en brèche la ville; et comme une charrue, A travers les maisons ouvre une horrible rùe: Tablettes politiques et littéraires de Gririgoire F° 21 70/55. Fin 1831. le peuple au roi Ce peuple de valets qui vient baiser ton ombre Entre les deux pavés de ta cour qu'il encombre Ne nous laisse pas même un peu d'herbe à brouter. 70/51. Fin 1831. Océan, 123, p. 163. Ô foyer paternel! ô foyer domestique! Toi que je nomme ici saint, vénérable, antique, Allume-toi, rayonne et la nuit et le jour, Vous, vertus, qui portez chacune une couronne, Famille dont le juste en tout temps s'environne, Faites cercle à l'entour! Oh! dans les nuits d'hiver, enfants, troupe folâtre, Venez, les doigts ouverts, velus serrer pres de l'âtre; Riez-vous de l'hiver à la porte resté, Surtout près du fauteuil où dort l'aïeul livide, Laissez, laissez toujours une escabelle vide Pour l'hospitalité! F° 23 74/76. 1832. Écoutez-moi - j'ai vu deux anges du Seigneur En rêve cette nuit. - Écoutez-moi : deux anges! F° 22 Vous n'avez jamais vu de ces, choses étranges, Vous souriez? - Malheur à vous si vous doutez! Leur oeil serein jetait de sanglantes clartés, Comme un ciel de juillet où brille un éclair sombre. Tous deux à haute voix comptaient ensemble un nombre. Le nombre vingt. Celui de vos ans. Et leur voix Après avoir fini, recommença trois fois. Puis ils parlèrent bas. Puis des pensers funestes Leur vinrent - chose horrible à des esprits célestes! Leur front pur devint morne et triste. Alors, ô Roi, Je devinai qu'enti-'eux ils se parlaient de toi! Soudain l'un d'eux cria : sais-tu-ce que va faire Don Carlos? - L'autre dit : il va tuer son père! Un écho qui venait de la terre, ou je crois Du ciel, ou de la terre et du ciel. à la fois, Reprit, en grossissant comme un bruit de tonnerre : Que va faire Carlos? il va tuer son. père! - Oui. Carlos, toi. - Je vis les deux anges debout Grandir avec ce cri qui montait de partout. La colère gonflait leurs puissantes poitrines, Et ton nom emplissait leur bouche et leurs narines. Moi, qu'ils ne voyaient' pas, éperdu de douleur, Je criai : Grâce! - alors comme un. chant d'oiseleur . Fait fuir deux passereaux, les archanges fidèles S'envolèrent tous deux avec un grand bruit d'ailes! 10 février Richelieu s'appelait le marquis du Chillon, Mirabeau Rignetti, Napo- léon Buonaparté. F° 24 148/160. Vers 1832. Un ange alors, s'abattant sur la terre, Prit les devants, Et s'écria. d'une voix qui fit taire Les flots mouvants : - Nul de ces morts n'a conquis la lumière. Tremblez, vivants! - Puis, formidable, il jeta leur poussière Aux quatre vents! 5 ' 148/152. 1832-35? Ces césar, ces pompée... Ces conquérans déjà placés plus haut que l'homme Dont les chars de triomphe allaient à travers Rome Avec un attelage immense d'éléphans. 1826-1851 925 L'orgueil est lion, la vanité est chatte. ... la terre change de pôles Les nations, de rois, l'humanité, de Dieu! Fo 26 74/27. 1831-32. Le golfe de Fontarabie Le soleil blondissait les voiles des nacelles, Les vitres scintillaient comme des étincelles... B-ORGIA inspiration intarissable du génie. De toutes parts La nature le presse et le fait déborder. Le naturaliste Perrotet affirme avoir vu à Samboangan des chauves- souris dont les ailes n'avaient pas moins de quatre pieds d'envergure. Ceux que Jupin veut perdre, il les rend fous ". La vieille en parlant mâchait sa langue avec ses gencives. Marquis... Vous êtes bien marquis de quelque chose, N'est-ce pas? - d'Astorga. L'enfant - Je n'étais pas toute seule. J'étais avec la grande poupée de la petite Paulin. Je frémis en songeant qué de choses -le sort Sur la tête d'un fou peut mettre en équilibre! Au premier vent qui change, au moindre bruit qui vibre, L'édifice effrayant s'écroule tout à coup, Et c'est ainsi - souvent qu'un monde se dissout.!. Océan, p: 364. sais-tu, comte du Puy, Quel est l'arrêt de mort :que l'on signe aujourd'hui? Et l'immense forêt que l'on dirait vivante, S'amuse à secouer ses.grands panaches- verts 15. Le monstre, pendant deux actes. Il paraît qu'au très, beau, jeune, etc. faut-il, s'il vous plaît, qu'on le mette Dans la ménagerie avec une étiquette? 926 'OCÉAN VERS F° 27 Vers 1832. La forêt, l'océan, la verdure et l'azur, Se baignaient l'un dans l'autre, et l'horizon obscur Était plein de plis noirs et de lignes profondes Où les touffes au loin continuaient les ondes. Le soleil rayonnant dans les gloires du soir Se posait sur un mont, magnifique ostensoir. quelqu'un plane au-dessus Pour l'homme Jéhova, pour la femme Jésus. Elle est Comme la rose, à qui-l'aube à peine avait lui, Qui se sent, pauvre fleur, pour le plaisir d'autrui, Arracher à la vie, à sa tige, à sa feuille, Et verse son parfum sur la main qui la cueille. 8 . Pour rendre heureux les enfants et tout ce qui m'entoure, Je regarde la nuit les étoiles tranquilles Et je sens pénétrer dans, mon coeur par mes yeux L'ineffable douceur dü ciel mystérieux. Fo 29 Voici la:loi, disait Jésus-Christ aux apôtres. '- Se châtier soi-même et pardonner aux autres. Donc ne me parlez pas des censeurs d'aujourd'hui, Pour eux-même indulgens, sévères pour autrui. Fo 30 ' Vers 1835. Bruits plus doux que les bruits qui tombent du zénith. lundi 2 h. Rougemont 16 mardi 1 h 1/2 P. plus préoccupé du battement des coeurs que du mouvement des esprits. M.C. Un prêtre... bon vieillard, fort poltron médiocre martyr Peu tenté du martyre Qui s'était marié 'devant la guillotine. oeil mystérieux invisible veilleur. . cet oubli vertueux Qui rend à leur-insu les,fronts majestueux ". 1834-35. 1832-34? 1826-1'851 927 Fo 31 = Vers 1835. et quelquefois j'aventure mes pas :. - Dans ma funèbre promenade O Dante, jusqu'aux bords du'gouffre hasardeux Où tes strophes de marbre aux chapiteaux hideux Dressent leur sombre colonnade. La nature est la source et ton âme est la poupe. ... comme une fleur tardive' Dont novembre flétrit la beauté maladive. F° 32 1836-38. Les culs-de-jatte ont jeunes les Maintenons que les grands rois ont vieilles. D'avance, et c'est peu de chose, - -Scarron fit Louis cocu: - Les-culs-de-jatte bnt la rose 'Les. grands rois le gratte-cul: Scarron, d'avance, étrange chose! - Fit Louis quatorze cocu. Donc les culs-de-jatte ont la rose' Et les grands rois le gratte-cul. damus, domine, . septem feminae et sex homini octo nemini'B. Fo 33 Vers 1836. Donc, courtisans impurs,.voilà comme vous êtes! O lâches intrigans!.démons! maudits! allez!. Vous ne.,me pourrez pas conduire où vous voulez. Tout noble coeur s'indigne à votre vuè infâme. Oh! qu'il n'est pas, aisé de perdre, une jeune âme! A vous, surtout! - fût-On près du. bord arrivé, Il suffit de vous 'voir polir être préservé. Comme le feu 'répand une fumée épaisse, Toujours 'autour dé vous volis répandez sans-cesse La crainte et le dégoût de vous être pareils! En le voyant, mon père... J'ai'senti tout d'abord ce dégoût vertueux Que l'homme droit ressent pour l'homme tortueux. Air des Alpes... Air qui portes la voix des abîmes béans Aux neiges éternelles, Air sonore et profond où les aigles géans Volent à- pleines ailes! F~ 34 148/157. Vers 1835. la foule Te contemplait de loin dans ton rayonnement, Sur l'estrade en drap d'or debout superbement, Entouré de lauriers et de bannières blanches. Soudain on n'a plus vu sous tes pieds que des planches, Et l'on s'est étonné du peu de temps qu'il faut Pour que le piédestal se change en échafaud. F° 35 137/227. 1849-50. Alors on entendit, palais [dôme] des Invalides, Un bruit pareil au bruit que ferait l'escadron, De trois cents chats captifs [grattant] dans ton vaste chaudron! 6 ' 70/52. 1830-32. Cf. Ch. Cr., IV. De ce banquet d'un jour où nous nous asseyons, Et que vous éclairez, Seigneur, de vos rayons, Chaque année est un mets que, du soir à l'aurore, Tout homme de sa place avidement dévore. Mets etc. Jusqu'en [sic] que décembre en grelottant arrive, Et le prenne, et l'emporte avec plus d'un convive. Janvier, c'est l'hiver. L'homme commence en larmé, l'année en pluie, Tout ici-bas commencé tristement Comme si tout savait comment il faut finir. Nous sommes ballotés par tous lés vents,' Nous nous réfugions dans toutes les pensées, dans tous les systèmes... Nous demandons asile à tout, même aux cavernes, Même aux antres profonds où le vice, où l'orgie, etc. Mes jours pleins d'ennui, d'amertume etc. passent tristement sous mon toit assombri, - et pourtant sans trouble et sans mélange, Des enfants pleins de joie et de sérénité Les beaux jours innocents rayonnent à côté. 1826-1851 929 Un jour ils se diront de ces mêmes années (si tristes pour nous hommes) O jours charmans! ô fleurs hélas! trop tôt fanées! Oh! qu'on était heureux alors etc. Et nous, vieillards amers et, tristes, nous rirons De voir leurs yeux s'éteindre et se rider leurs fronts. Une pensée austère,,.et lugubre, et profonde, c'est qu'en ce monde dans le bien, dans le mal, etc. Misérable ou triomphant, L'homme passe, toujours envieux de l'enfant! F° 37 67/48. Vers 1843. Il chasse le remords qui s'en va, noir 'fantôme, Et voyant un rêveur qui marche dans le chaume, L'aborde, et lui donnant un fer sous son manteau, Lui dit : va, c'est ton tour, vengeur! puisqu'il me chasse, Puisque Dieu, du palais où règne son audace, Sort avec le remords, entre avec le couteau! F° 39 176/15. 1845-50. Il était devant moi, muet, les yeux en flamme, Souriant et béant; figurez-vous, Madame, L'objet le plus charmant et le plus convoité Contemplé par un oeil épris de sa beauté, Un faon gras,et dodu regardé par un tigre, Un liard regardé' par le marquis d'Aligre " F° 40 1834. Ô cathédrale immense! ô clocher, monstrueux! Grande tour bourdonnante aux bases évasées! Ruche de pierre ouverte à l'essaim des pensées! 1835-40. Le destin, qui nous prend par nos passions mêmes, Mêle au même réseau les sorts les plus extrêmes, Le conquérant qui va d'Arcole à Waterloo, Le prêtre au coeur de feu que la cendre recouvre, Le roi, pasteur du peuple,' envieux dans son Louvre Du vrai pâtre qui chante 'à l'ombre d'un bouleau, Et le pêcheur; de l'onde insouciant monarque, Qui s'en revient assis au rebord de sa barque, Laissant pendre ses pieds dans l'eau. Pauvres autels ornés par des sculpteurs de proues. F° 41 F. 42 1835-37. -Je vis, extase sublime, ' Le voile bleu de l'abîme Se déchirer à mes yeux, Je me 'levai, plein 'de crainte, - J'aperçus, vision sainte, Les' ouvertures des cieùx. Près de moi tout était sombre, mais J'entendis dans ces ténèbres Quelqu'un me parler tout bas. Fo 43 129/11. Vers 1850? Tu connais mes travaux, mes rêves, mes labeurs, Mes amours, et mon âme, après tant d'aventures, Pleine d'inscriptions et pleine de ratures. Au sommet des monts noirs Vois l'aube épanouie! Rêver! chercher! sonder les mystères de l'être, Dieu, l'homme après la mort et l'âme avant de naître, Le moi, l'éternité que le doute assombrit, Ces problèmes profonds' et noirs où la pensée Les trouvant sur sa route, entre et rôde glacée, Ces cavernes où va l'esprit! Quoi! plonger dans cette ombre où l'esprit nous emporte Et n'en jamais sortir que 'par la même porté! Entrer, errer, fouiller et ne rien voir jamais! 4 129/15. 1845-50. Le prêtre : Seigneur, jadis un homme, ayant la, foi pour base, Était un temple ouvert à toute sainte extase, Où votre hymne montait vers les cieux nuit èt jour, Où d'invisibles voix, qu'il avait en lui-même, Vous louaient, Dieu vivant, vous chantaient, Dieu suprême! Où toute idée était un vase plein d'amour! Il croyait. Depuis , les systèmes, les chimères, les passions, les voluptés, etc. le doute,. 1826-1851.. 931 Ayez pitié, de -lui - Seigneur, cette grande âme où sont tant de démences, Où l'on voit aujourd'hui des ténèbres immenses Comme les nuits du pôle et les Ombres des monts, Cette âme est maintenant, de rêves visitée, Comme une cathédrale en ruine, hantée Par! les spectres et les démons. Alors il se lévâ tranquille ét dit' : ô père! Écoutez-les. Aÿez pitié de moi, môn Dieu, Car je ne suis qu'un homme et je dois vivre peu, Mais je ne, suis pas ce qu'on-pense. F° 45 144/245. Vers 1840. Et nos. jours de bonheur et. de prospérités, Par un souffle-inconnu pêle-mêle emportés, .Ont la.vitesse des nuées. F° 46 1834-36. Toute lumière vient de Dieu : - clarté du jour, Rayon -intelligent, de, l'astre plein,d'-amour,, Regard splendide du poète!. F° 47 1836-38. C'ést là que dort ce juste, homme religieux. ' Lés projets,qu'il.poussait, insensés ou possibles, Toutes voiles" au 'ent vers des ports invisibles. l'illusion changeante Iris qui joué à l'oeil 'sur' la face de tout.' À peine si parmi les jasmins et lés roses, On distingue la place où gisent tant de choses, Une pensée, un coeur, un homme anéanti, Hélas, tout :ce qu'y voit le passant solitaire .C'.est :une croix qui sort de terre Mât de ce navire englouti. La terre prie et le ciel aime, La belle illusion. riait à;mon; côté. et me disait . tout homme passe et tombe, Surface avant la mort, poussière après la tombe. Surface avant, poussière àprès. F° 48 147/89. 1834-36? Ta vie est sombre, hélas! ta 'joie est éphémère, L'ombre est sur tes chemins... - Fils, ne reproche rien à ton père, à ta mère. Prie et baise leurs mains. Oui, le noeud de la vie est un fatal lien, La joie est éphémère, Exister, c'est souffrir... - fils, ne reproche rien A ton père, à ta mère! Ouvre le livre saint que Dieu même inspira, . Et lis ces mots funèbres : Qui maudit ses parents, sa lampe s'étèindra Au milieu des ténèbres. 9 129/61. 1848-50. Vivants, songez! méditez! tandis qu'il en est temps encore! Car voici ce que dit le poète pensif : Oh! de quel oeil les morts regardent ce que font Ceux à qui Dieu donna le ciel bleu pour plafond! ou : les morts, qui sont sous cette pierre, D'un oeil fixe et 'rêveur regardent ce que font Ceux à qui Dieu donna le ciel bleu pour plafond. Les prophètes n'étaient que d'avèugles rêveurs Avant que les rayons de Jehovah frappassent Leur sourcil, sombre arcade où les visions passent. Les prophètes ... ardents. L'éclair de leur pensée illumine au dedans Leur sourcil, sombre arcade, où les visions passent. F. 51 1838? Car, tristes âmes abaissées, Coeurs rongés d'appétits secrets, Nous jugeons les grandes pensées , 1826-1851 933 Avec nos plus bas -intérêts! Car dans nos villes couronnées De tant d'impures cheminées.. - Qui du ciel souillent, les rayons,. Le plus vil foyer qui s'allume De sa vapeur immonde enfume Le front sacré des panthéons. Fo 52 , Vers 1840. Arnal Ah! madame.! ah! fort bien! Souffrez un compliment à la mode romaine. On. quitte Pulchérie avec beaucoup de peine Mais on aborde Iris avec un vif plaisir: 3 70/109. 1835. Dans un des carrefours du monde, Pilori qu'on voit de partout, Au bruit d'une fanfare immonde, Dont l'orchestre était dans l'égout, Affreux souvenir qui nous pèse! Voilà ce qu'en mil-huit cent- seize, Du haut d'un 'tréteau profané, Montrait:aux passans l'Angleterre Ce charlatan -qui court la terre, Vêtu de'rouge'et- galonné. ' 4 Vers 1840. Je regarde le ciel Car je ne vois là-haut ni. tombeaux, ni; décombres, Ni fureurs, ni combats, , Et les choses qui sont dans le ciel sont moins sombres, Que celles d'ici-bas. et ceux qui vont derrière l'insensé; Ramassant ses paroles, -. Se montrant l'un à l'autre, avec un ris moqueur Pour tout ce qui le.-touche, . Les fragmens de lui-même et de son propre coeur Qui tombent de sa bouche. - Le rire du méchant, sinistre et vénéneux, Raillant l'âme en extase, Ressemble au bruit que font des sarmens. épineux Qui brûlent sous, un >vase 20. Quiconque ouvre un tombeau fera sortir la mort, Qui blesse aura sa plaie. Qui navigue se noie, et la vipère mord Celui qui rompt la haie. Fo 55 Vers 1832? qui rongent le mors Complète chez les morts! On entendrait hennir des chevaux invisibles, Quand il s'agit de relever une grande nation injustement outragée Comme d'ardens oiseaux dont il contient les ailes . Dieu garde dans sa main des heures solennelles Qui s'envolent au jour marqué. Voici, France une de ces heures! etc., etc. F° 57 148/187. 1837? Les templiers (selon Saint Bernard) ils portent une armure De foi vive au dedans et de fer.au dehors. Ils ont la dureté de la vie et du corps, Jamais de femme au camp ni de vin dans leur verre, Le front hâlé, l'oeil fixe et le regard sévère. FO, 58-59 139/189. Décembre 1840. Comptez souvent sans vos amis, ne comptez jamais sans vos ennemis. Ami ardent, ennemi ardent, le plus chaud des deux, c'est l'ennemi. Chose triste, mais prouvée à quiconque a vécu, la haine a une plus grande capacité de calorique que l'amitié. Morne poète, presque prophète - dès Louis XV il entrevoyait 89, dès 89 il apercevait 93. ....en 93 Penchant sur l'avenir sa vaste rêverie, On voyait par moments sur sa face assombrie Et dans. ses yeux obscurs, Passer, comme un reflet d'une lueur voilée, Je ne sais quelle vague et confuse mêlée, Spectre des temps futurs! Il murmurait : il faut un bras! il faut un maître! Puis soudain sur son front on voyait l'espoir naître, Si... On verrait Pour défendre la tombe triomphale Se lever tout à coup la garde impériale 1826-.1851 935 Comme si son oreille, ô rêve! ô vision! Entendait haleter dans cette ombre terrible Le vent mystérieux de la forge invisible Où Dieu.faisait Napoléon! Vingt-cinq ans! le temps de commencer un chêne. Le temps de faire un homme ou de changer le monde! Pour nous un quart de siècle,! un quart d'heure pour Dieu! Angleterre . la France Faut-il que cette mère encor te remercie De lui rendre son enfant mort? décembre C'est le mois d'Austerlitz - et du couronnement Et c'est'le mois des funérailles! Le poète chante les bois, les prés, la nature, l'amour. Mais quand on insulte, la France, quand on menace.son pays..: Alors , Immobile et.debout sur son char olympique. Soulevant sous sa roue une poussière épique,. Le poète, rêveur formidable et serein,. Fait haleter la guerre et les clairons d'airain, Et la rumeur des camps et le bruit des mêlées Aux naseaux hennissants de ses strophes ailées. Vers 1840? Le sépulcre pour lui s'ouvre: la forme humaine Tout en s'y dissolvant s'y divinise -alors, Et, poussière au dedans, se fait bronze au dehors; -,Un monument sacré sur cette ombre abattue Se pose, et du cadavre il sort une statue! . 144/70. Date incertaine entre 1835 et 1845. Je tremble, ô vaste poète, O poète des géans, Lorsque je vois sur ma tête Tes branchages effrayants. Ton ombre où se meut un monde M'épouvante et m'éblouit. Les olympiens. de marbre Les dieux F. 60 Fo 61 Comme des oiseaux dans l'arbre Volent dans tes grands rameaux. Du fond de ma solitude Et de mon silence obscur Poète où le ciel rayonne Je t'offre Mon vers qui en secret La fleur des clairières donne Son parfum à la forêt 21. F° 62 148/153. Vers 1835. Hélas!... en peu d'années Ce que pensent les hommes, Ce qu'ils rêvent, ce qu'ils. disent, ce qu'ils font Comme c'est emporté dans un oubli profond! Le vieux roi dépossédé et captif.au conquérant Mon peuple, mes sujets, mes enfants, mes familles, Le vieil honneur des lois, les racines de tout, Les tombeaux des aïeux, les traditions saintes, Qu'est-ce que tout cela vous fait, à vous, passant! Fo 63 Vers 1838? Madame Charlemagne Madame Patriarche Le vieillard Dans ce même jardin Comme un oiseleur aux aguets, Tous les jours sur ce banc, pendant que les muguets Pourchassent les moineaux avec leur sarbacane, Les mains sous son menton, le menton sur sa canne, Le chapeau sur les yeux, les jambes faisant l'X, Il s'assied, contemplant la fenêtre d'Alix. Océan, p. 509; croquis. .... la rue où vont passant Carrosse, palefroi, mule et cheval de croupe, Les écoliers par bande et les soldats par troupe. F° 64 147/346. Vers 1845. Le serpent dans la cave attend qu'il ait des ailes. Crains l'être sans beauté, sans fierté, sans amour, 1826-1851' 937 Qui rampe avec l'espoir de s'envoler un jour! Crains ce jour-là, s'il vient! l'âme est toujours troublée, L'homme a toujours horreur de voir la haine ailée. -ou: La nuit fait peur, l'éclair glace l'âme troublée, Mais rien n'est effrayant comme 'la haine ailée. C'est Satan. ou : Ce jour-là, jour maudit, montre à l'âme troublée Cette chose hideuse à voir, la haine ailée! Fo 65 144/222. 1838-40. 'M. Philis, chanteur Mlle Glycère, danseuse Pauvre vieux aigle dans sa cage Laissant voir sa chair dépouillée, Sa plume saignante et souillée Pendait à travers les barreaux. 147/447. Vers 1845? C'était l'été, la nuit, la mer calme, un ciel pur, Nous étions sur la poupe assis, plusieurs, d'Athènes, Et nous considérions. les astres dans l'azur 22. il parle ainsi : Comme de la fournaise une noire fumée, La colère sortait de son *âme enflammée. Jadis, l'esprit rêveur, les paupières baissées, Je donnais audience à de grandes pensées. Les joies d'une âme triste. 129/135. 1838-40. C'est l'heure où dans les.champs s'appellent les corbeaux, Où la lune apparaît derrière les tombeaux Tandis que les chacals, les rats et les belettes Rongent les pieds des morts liés de bandelettes. F° 68 1840-42? Quelle prospérité veut-on qui s'enracine Dans la cendre des. morts? Fo 66 Fo 67 J'ai souvent contemplé la forêt Cette sombre cité des arbres et des plantes. Ils sentent dans leur coeur qu'émeut la nuit obscure ' Pénétrer par leurs yeux La tranquillité douce, intelligente et pure Du ciel mystérieux. F. 69 168/353. 1839? Nous serons des esprits le pôle et le milieu; Nous briserons tout sceptre et nierons tout génie; Nous raillerons en face et pendant l'agonie Louis qui s'est cru roi, Jésus qui s'est cru dieu! Fus 70-70 bis 70/98. Océan, 126, p. 166. Adieu, Paris, cité princesse, Palais d'ennui Où demain est - masqué sans cesse Par aujourd'hui! Adieu, Paris où tout est plâtre, Tout, peuple et roi, Plâtre l'église et le théâtre, Plâtre la loi! Ville où, pouvoir, science, idée, Rien n'est debout, Où de temps en temps une ondée Emporte tout! Adieu! - Que m'importe, mes maîtres, Votre fracas, Et ce sceptre qui va des prêtres Aux avocats! Et, professeurs, tribuns, ministres, Tout ce que font Et tout ce que disent vingt cuistres A l'air profond! Que m'importe vos temples vides, O mes pédants, Sans l'art dehors, maçons stupides! Sans Dieu dedans! Et votre Sorbonne importune Qui sonne creux! Et votre bavarde tribune, Tréteau peureux, Où sur la patrie opprimée On pleure à sec, Où vous sculptez la renommée En jupon grec! 1826-1851 939 Que me font vos poches souillées Que l'or emplit, Vos austérités débraillées . Au pied du lit Vos bannières de sang rouillées A chaque pli, Vos prétentions barbouillées D'un fard vieilli; Vos unanimités sifflées, Vox populi; Vos ambitions essoufflées , Au pied sali; .Vos popularités gonflées, Grosses d'oubli! 9 août 1836. Fo 71 1836. Océan, p. 515. Pour nous montrer Dieu - il sorte V Un rayon du berceau, de la tombe un éclair. La vie est une mer pleine de gouffres. Pauvres mères toujours, sans redouter les lames, Vôus' mettez Votre amour, vos coeurs, vos 'soins craintifs, Votre espérance èn Dieu, votre avenir de fèmmes, Tout ce' que vous avez, dans les bérceaux plaintifs. - ' Vous embarquez vos âmes ' Dàns ces frêles esquifs! L'herbe, les fleurs, les nuages, les arbres sont doux et fraternels pour l'enfant Car on sent palpiter pour l'humble créature Le sein universel - de l'immense nature, Maternel océan où vont tous nos ruisseaux, Qui berce en même temps sous les mêmes sourires Tous ces petits 'navires ' Qu'on nomme des berceaux! . Prends mon âme sur tes ailes, Laisse. mon coeur à tes pieds. Laisse-moi rêver, ô femme,. Un Dieu bon comme ton âme, Un ciel beau comme tes yeux 23! Oh! ma pauvre mère; dit-elle, je ne l'ai pas connue. Sa vie avait été bien sombre et bien abandonnée. Elle est morte en me faisant naître. Elle est morte sur mon berceau comme un nageur fatigué au moment où il met la main sur l'esquif qui l'aurait sauvé. Reçois, mon bien céleste, . Ô ma beauté, Mon coeur dont rien ne reste, L'amour ôté 24. Fo 72 129/78. 1836. Océan, p. 284. L'homme, tenant en main ou des dés ou des cartes, Joue avec la fortune un jeu mystérieux. Sera-t-il grand, petit, infâme ou glorieux,. Heureux ou malheureux, faible ou fort; pauvre ou riche? Jeu sombre. L'homme joue et la fortune triche. Quand un homme est heureux, ses ennemis sont tristes. Quand il est malheureux, il connaît son ami. Quand un roi te parle tout bas, Prends tout ce qu'il dit pour un songe. Donnez et recevez, sanctifiez votre âme! (ou : Donner et recevoir, c'est sanctifier l'âme.) Crois à ta conscience avant de croire aux codes. Le jour qui luit dans l'âme est le meilleur, crois-moi; La justice de l'homme est écrite en la loi; La justice de Dieu s'écrit au coeur du juge. Océan. 90, p. 129. F' 73 1839-40. Océan, p. 514-515. Quand la mère va errant sous les arbres du cimetière Mère, ne pleure pas, dit la grande nature. Ton fils est partout autour de toi. - Le sombre océan dit avec sa voix étrange : - Ne pleure pas. Ton fils est un doux alcyon. - Ton fils est un parfum, ton fils est un rayon, Disent l'aube et la fleur, rien ne meurt et tout change. L'arbre penché murmure : - il. est toujours vivant; Ton fils est un soupir qui passe dans le vent. Le ciel dit : - ton fils est un ange! La mère pleure et.dit : - j'aimais mieux mon enfant. Certes la fleur est douce, l'arbre est beau, etc. Mais j'aime mieux mon enfant que... J'aime mieux mon enfant, ô ciel, que tes étoiles . Et que vos anges, ô mon Dieu! 1826-1851" 941 Rendez-le moi, ruisseaux, fontaines etc. Ame du monde, rends-moi l'âme de mon foyer. Rends-moi mon enfant, Seigneur 0 Dieu .Qu'importe à ta splendeur profonde Une perle de plus dans l'ondé, Un 'astre de plus dans l'éther! Ce lit glacé' en proie au ver Qu'assoupit d'un bruit monotone La feuille qui tombe en automne, La neige qui tombe en hiver! Ce cri de ta douleur, ô mère, Dieu l'écoute. Mais il a ses lois. Vous regardez trop peu, quand vous êtes heureuses, La nature, les champs, les arbres du Seigneur, Vous êtes toutes dans vos enfants alors Dieu prend votre coeur Il le broie et le mêle à la création. Va, crie, pleure, regarde, aspire, Le bois profond, l'eau sombre où l'esquif s'aventure, La tour qui jette aux ans de solennels défis, La colline, le vent, le fruit d'or, la fleur pure, Tout désormais aura pour toi dans la nature Comme une- vague odeur de l'âme de. ton fils! Fo 74 - :1836-37. Nous sommes à nous deux le foyer, domestique, J'en suis la cendre, et toi la flamme.. Tant ce, feu pur jette une. pure flamme! Tant ce doux lys répand',un doux parfum.! Tant ce beau corps exhale une belle âme! Qu'on voit un four, figure 'effrayànte et sévère, Sur le seuil de, sa porte apparaître le père Avec d'horribles cris; et l'eclair dans les yeux, Et ses cheveux mêlés à ses doigts furieux. elle ' Marche mieux qu'un ange ne vole. je sentais S'entrouvrir mon front plein de rêves 25 les rêves et les fées Que le vent dans ma chambre apporte par bouffées 26- F° 75 67/163. 1840. Nous disons cela tandis que Venant de ma fenêtre au coin noir de ma chambre, Sur l'ombre qu'il franchit brillant plus vif encor, Un chaud rayon, changeant en mille étoiles d'or La poussière qui joue autour de mes vieux tomes, Fait resplendir aux, yeux l'univers des atômes. Fo 76 129/115. 1834. en frappant dessus sans cesse La haine fait d'un nom une cloche sonore. Si tu n'étais pas grand, ils ne seraient pas petits. Envieux. Cache les nudités de ta haine impudique. Tu n'ébranleras pas cet homme glorieux. Le jour a la splendeur, la nuit a l'harmonie. Le jour a le soleil, l'ombre a le rossignol. Fo 77 129/20-21. 1836-40. La nature travaille à tout ce que fait l'homme. je contemple la nature et je crois Je crois sentir, perdu dans l'herbe et dans la mousse, Dans sa grànde âme un peu de ton âme si douce! (Car) j'ai toujours aimé toutes ces douces choses, Tous ces dons gracieux, charmants et vénérés Qui font les vieillards saints et les enfants sacrés; L'innocence première et la candeur antique, Cette douceur qui plaît au foyer domestique, Et qui, faisant rêver les. coeurs religieux, Révèle on né sait quel voisinage des cieux! Double rayonnement de l'âme et du visage. Fo 78 1836. le couvent A cent fenêtres au midi qui.... Et dont les vitres allongées 1826-1851 943 Jetant leur spectre ardent dans le couloir obscur, Tandis que le soleil chemine dans l'azur, Dans les rayons de l'aube ou du couchant plongées, Se trament des pavés au mur. 9 - 129/161. 1840-45? Alors L'océan monstrueux fit d'immenses murmures; Les étoiles du ciel, devant'mon oeil rêvant, Tombèrent à grand bruit comme les figues mûres Qui tombent d'un figuier agité par le vent. Le ciel se referma comme un livre qu'on roule. Une main apparut, la foudre m'éblouit, La main prit l'eau, là terre et les êtres en' foule, Les ôta de leur place, et tout s'évanouit. [cf. Apocalypse, VI, 13, 14] 0 1836. Vieillards... Cadavres ébauchés, par les ans pour la tombe. Madame la Dauphine Dieu qui fait si souvent, tant 'ses fins sont profondes, Peser sur l'innocent, isolé dans Sion, La part visible aux yeux de l'expiation, Condamna cette femme à pleurer, ô misère! Comme fille toujours et jamais comme mère! Louis XVI, le jour de sa noce fatale, etc. Toute Eve a une pomme. Qu'elle convoite, qu'elle cueille ou qu'elle mange. Ou qu'elle nous fait manger. F° 81 Vers 1845. Quand le voyageur, seul dans l'immense campagne, Marchant au crépuscule à pas plus incertains, Sent que l'orage vient et que la nuit le gagne, Et qu'il entend tomber de montagne en montagne Les longs écroulements des tonnerres lointains. Et parmi les rameaux penchants, les feuilles vertes, Dans le vague lointain des clairières désertes, Quand le ciel répand l'ombre et le jour à la fois, Ces lueurs de soleil qu'on voit au fond des bois. F° 82 144/257. Vers 1840? Une fourmi qui' traîne une mouche dans l'herbe. L'univers est un gouffre et l'âme est un abîme. La patrie est un point et l'homme est un atôme. Ne me comprenant pas ils m'appellent barbare. (Barbarus hic ego sum qui non intelligor illis) 27 Laissons faire le temps, le temps mystérieux! Océan. p. 516. Homme, à quoi bon,tant de peine? Pourquoi tant de sueurs, de labeurs, de travaux? Que te sert de t'essouffler pour de misérables intérêts? Car tu ne te reposes jamais Car tu mènes le boeuf avant le jour au sillon. Car A l'heure où l'oiseau dort dans les forêts perdues, On entend, sous ton fouet qui les presse et les suit, Sonner les clairs grelots des mules éperdues, Courant aveuglément dans les routes la nuit! A quoi bon tout cela? ne faut-il pas mourir? Ne faut-il pas s'en aller dans l'ombre? Moins de labeur et plus de contemplation. Cherche Dieu dans ton âme! Aime! voilà la loi. F° 83 147/58. Vers 1840. Sentir dans mes cheveux cette petite main! Vois! les brumes du soir, sous le souffle des nuits, Se dispersent dans l'air comme des plumes blanches. Une étoile paraît dans l'ombre entre les branches. 4 129/73. 1845-50? ... il espérait en Dieu, Ayant toujours lui-même usé de la clémence. Il priait, l'oeil au ciel, pour tout un peuple immense, Comme un grand chêne épand son ombre sur un bois. Et, groupe suppliant, tous, en foule à la fois, La veuve en deuil. qui pleure et qui se désespère, L'orphelin dont les yeux cherchent partout un père, 1826-1851 945 L'étranger sans abri, le mendiant rêveur, Le coupable, implorant sa grâce, humble faveur, L'aveugle, l'indigent courbé, le misérable, Embrassaient les genoux de ce roi vénérable! F° 85 129/99-100. 1840-45. Chélifa - le Bédouin rêve et dit': Elle plaît au regard, elle est charmante à voir Comme l'ombre d'un bois ou l'étoile du soir Depuis quelques instants levée, Comme la plumé blanche ôu le; bec entr'ouvert De l'autruche qui fait son nid dans le désert Et chante auprès de sa couvée. Zinat-al-Nissa, jolie figure, âge moyen, yeux noirs, longs cheveux, petits pieds, petites mains. Favorite de Firuz-Shah. 6 147/203. 1845-46. contre Ninive 28 Roi d'Assur! Roi d'Assur! Regarde tes palais et regarde ta- ville. Personne dans la ville et personne au palais. 'Appelle donc ton peuple, et dis : amenez-les! - Ton peuple s'est allé cacher dans la montagne. Plus un prêtre à l'autel! plus un esclave au bagne! Tout s'est évanoui! - Les pierres de tes murs Tombent comme de l'arbre on- voit choir les fruits mûrs. Le'chacal inquiet flaire ces noirs décombres. Tes gardes sont couchés devant les portes sombres Qui gardaient ton sérail, tes femmes, tes trésors. On les croit endormis et l'on voit qu'ils sont morts. - Tout s'est évanoui! - . Ville disparue. F° 87 1836? Les étoiles. du ciel, braises mystérieuses, Agitaient leurs clartés folles et furieuses. ... avec sa racine Cherchant sous le granit -un abri calme et sûr Ce chêne a remué les pierres du vieux- mur, Comme une chaste enfant qui, pour qu'il s'y dérobe, Dérange avec son pied les longs plis de sa robe. Fo 88 - 1838-40.. Océan, 130, p. 171. Les funérailles de Daphnis à Hécate Par instants la vapeur sombre Du brasier toujours accru Semblait former comme l'ombre De ce beau corps disparu; Le bûcher saisissait l'âme Et l'épurait, et la flamme Montait vers l'Olympe bleu; Car tu le sais, ô déesse, Le ciel tire à lui sans cesse La chevelure dû feu. Fo 89 Océan, p. 521. Copie Daubray. Bonaparte Ouvrier formidable, et qu'on voyait, grande ombre, Passer et repasser sans cesse en la nuit sombre, ' Les mains pleines du poids des grandes actions, Dans la fournaise en feu des révolutions. De son marteau sonore et de ses bras puissants, Douze ans il a frappé des coups retentissants. Sur l'Europe, éclairé par le brasier qui fume, Que n'a-t-il pas forgé sur cette immense enclume! Fo 90 Après le 27 avril 1837. Océan, 92, p. 131. Toi qui seule toujours, planes au fond du ciel,. Quand sur la terre en proie. aux- hommes pleins de fiel, Sur la terre que le deuil couvre, Tu descends un moment,. lasse d'un vol trop haut Justice, oiseau divin, tu te poses plutôt Sur un chaume que sur un Louvre. à la cuisine du Marquis de Fuentes hymne. - le pain qu'il trempe en ta fumée. [cf Ruy Blas, 1, 2] Fo 91 1838-40. Plus la lune s'élève, auguste et souveraine, Plus le ciel s'éclaircit, plus la terre se tait. Il.sentit en parlant.que son esprit montait Vers une région de plus en plus sereine. 1826-1851 947 Océan, p. 507. Faites, ai je pensé, pour moi je ne crois,pas Que la haine soit bonne. Plutôt que... que... etc. Que d'être l'araignée étreignant dans ses toiles La mouche au vol joyeux, je pense qu'il vaut mieux Regarder les étoiles: Je crois qu'il est meilleur, etc. (la nature). L'injure - N'a rien qui déshonore. En le heurtant toujours, la haine fait d'un nom Une cloche sonore. '. La corde est là qui pend, et le premier venu En passant' la secoue. les sentiers des fourmis Traversent ceux des hommes. Moi j'erre dans les bois. De là j'entends mon nom qu'on agite à grand bruit Bourdonner sur la ville. F° 92 1840-42. Il gèle. Le chemin uni comme un manège, Brille au soleil. Le vent siffle à travers les mâts. Et là-bas... J'aperçois à travers un tourbillon de neige, Un kiosque rococo qui se poudre à frimas. . Vers 1840.' Océan, 62, p. 101. Ô temps! si l'on pouvait dans ton urne profonde Puiser des jours nouveaux comme on puise de l'onde, . J'en voudrais bien encor! Je dirais à la vie : oh! que ta fleur renaisse! Et je reposerais sur mon front la jeunesse, Cette couronne d'or! Océan, p. 505. Et l'eau, ce don du ciel, L'eau, qui couvrant la plaine ou suintant d'une -voûte, S'épand tantôt par flots et tantôt goutte à goutte, F° 93 948 OCÉAN. VERS L'eau qui baigne la fleur, L'eau qui de ses baisers presse la terre aride, Seule chosé ici-bas qui sans vieillir se ride Et pleure sans douleur! F° 94 Vers 1835. Les jeunes, les beaux meurent! Hélas! qui connaît l'avenir! etc. Depuis Adam, sur la terre, A travers le genre humain Passe le fatal mystère Que contient ce mot : demain. Pas d'aube mélodieuse Pas d'étoile radieuse, Au levei paisible et beau, Qui ne soit vite obstruée Par cette sombre nuée. Que dégorge le tombeau. F° 95 1837-39. Et nous sentons le mal se dissoudre en nos âmes Quand, ô poète saint, sur nos vices infâmes, Ainsi que le soleil sur la> neige qui fond Tu fixes ton regard éclatant et profond. À la noce de Chimène Avec Ruy Diaz le Cid', Chimène eut sa gorgerette Pleiné de fleurs et d'épis 29. la fête... Et qui, le soir, jette en l'air des poignées De fleurs de feu. Que disais-tu, ' Newton... Quand sur les hommes, foule obscure, amas sordide, Tu rabaissais ton oeil, fixe, clair et splendide, Aux étoiles habitué. Voie-lactée Fo 96 1833-35. Enfans... quand vous serez hommes... etc, Frappez avec le front plutôt qu'avec le pied. 1826-1851 " 949 Que l'humble banc de pierre où l'indigent s'assied Soit plus saçré pour vous qu'un trône. Ce qu'on donne au malheur, c'est. Dieu.qui le reçoit. Donnez l'aumône au pauvre, au pécheur, quel qu'il soit, L'indulgence, cette autre aumône! 67/132. 1840-42. Comprendre, ou du moins croire! - ô problème! ô mystère! Perpétuel effort dé l'âme sur la térre! Étudier le germe, étudier le fruit! Sonder le bleu du ciel et le noir de la nuit! Toujours rêver! F° 98 . 176/30. Vers 1846. Océan, p. 516. Tu connais comme moi ces choses de la rêverie presque impossibles à exprimer. Un refrain de chanson qui vous revient sans cesse, L'horloge dont le bruit vous suit comme une voix, Un vers latin qu'on dit dans une heure cent fois Tantôt d'une façon, puis d'une autre -manière; Mille ornières où va la bête routinière Tandis que dédaignant ce que les sens lui font, La pensée est ailleurs dans quelque ciel profond! F° 99 Vers 1845. Les vendangeurs antiques Qui marchant deux à deux portent sur leur épaule Un long bâton qui plie au poids des raisins mûrs. Mon esprit est calme, mais une révolution ou une passion et soudain Ma' pensée à qui' rien ne pèse En vers de feu va tournoyer Comme au" soufflet d'une fournaise" Les étincelles du brasier. Ô roi! ô Louis seize! ô carrosse du sacre or, pourpre, soie, - acclamations dont le panache ondoie Traîné par huit chevaux au panache mouvant - et bien souvent Dans l'ombre côtoyé par l'invisible roue D'un tombereau hideux que le pavé secoue! Fo 97 F.100 147/382. Vers 1845. Océan, p. 518. Jamais, fût-ce en avant, fût-ce vers la lumière, On ne fait faire un pas de force au genre humain. ou: Fût-on Napoléon, Voltaire ou Robespierre, Jamais, fût-ce en avant, fût-ce vers la lumière, A moins que Dieu ne pousse et n'aide votre main, Ou ne fait faire un pas de force au genre humain. Au verso, ébauche de Contemplations. III, 2. Vers 130-134. Poésie I, p. 332 `. F. 101 144/274. 1840? Le soleil pénétrait la vague souple et bleue. Les alcyons sont deux sur les flots verts et souples, vole.en essaims, et les cygnes par couples. Le lion, le poète et l'aigle vont tout seuls. .Homère, le lion et l'aigle vivent seuls. La mer immense emplit l'horizon jusqu'aux bords, L'immensité de Dieu remplit la mer immense. 02 70/78. Vers 1840. Celui qui démentant ce qu'il pense en son âme, Déclare le méchant juste, et le juste infâme, Celui-là, c'est un homme abominable à Dieu. F.103 1840-45. Sages qui feuilletez les vanités humaines. Que peut devenir, la pensée Quand déjà les sens sont usés? La volupté, bouche glacée, Eteint l'âme sous ses baisers. Fo 104 69/196. 1840-45. Oh! n'enviez pas, mes frères, Le riche au coeur ténébreux, L'impie aux voeux téméraires, - Le méchant, qui semble heureux! * Éditions Robert Laffont, collection Bouquins. 1985. 1826-1851 951 Dans vos douleurs méritoires, N'enviez pas leurs victoires, Leurs succès qui durent peu,. Leurs faux biens, leurs grandeurs vaines, Et leurs prospérités pleines De la colère de Dieu! Si vous saviez, ô fidèles, Quel lendemain ils auront! Leurs âmes qui n'ont plus d'ailes Dans l'abîme tomberont! F.105 67/158. 1838-40. Lecteur, je connais fort l'homme dont vous parlez 70 jeune encore - front haut ... dont Un sourire assez doux corrige l'oeil sévère. un homme Doux et ferme, fidèle à ses ennemis comme A ses amis. Pourtant incapable de haine, mais tout mépris. ... toujours Vêtu de noir depuis qu'il a perdu sa mère. Répondant rarement aux lettres.qu'il reçoit. et se faisant raser Chez le barbier du coin comme les grands d'Espagne. Fo 106 70/12. 1846? Seigneur! Seigneur! je viens à vous plein d'épouvante. Moi, votre serviteur, fils de votre servante, Homme faible et chétif et qui doit vivre peu ". Nous ne comprenons pas ce qu'on fait sur la terre. Qui donc pourrait juger ce qui se passe au ciel? Fo 107 144/38. 1840, ou plus tard? je songeais ' A ces hommes puissants, colosses de l'histoire, Qui flottent lumineux au souffle de la gloire, Qu'on regarde passer dans leur rayonnement, Rois, conquérants, héros, et qui, subitement, Saisis par le destin ou leur propre démence,' Tombent précipités d'une hauteur immense. F° 108 1840-42. Midi - beau temps - Les villages dans l'eau miraient leurs toits candides. Le soleil pénétrait' de ses rayons splendides Le -flot vitreux et clair; L'ombre des grands vaisseaux chargés d'agrès sonores Errait sur les coraux et sur les madrépores Dans le fond de la mer. A midi. Soleil et vent sur les routes. Une fournaise de poussière. Car rien n'est plus facile, et tu dois le savoir, Que de me tromper, moi qui m'en reviens le soir Les yeux fixés sur les. étoiles. À l'angle d'un vieux mur un sphinx vous questionne 32 Fo, 109-110 1840-45. J'ai devant ma .croisée un bois sombre et profond [religieux] Les collines, les eaux, les plaines, les forêts Sont meilleures que l'homme. Comme.de la parole il use mal souvent, A l'onde heureuse et pure, Aux herbes, aux grands bois remués par le vent, Dieu donne le murmure. Afin de réveiller dans le coin le plus doux Des âmes repliées Les choses d'autrefois qui se plaignent en nous Vaguement oubliées. Seigneur... Je regarde passer sur le bois sérieux Agité, mais paisible, Cette brise de l'air, souffle mystérieux D'une bouche invisible, Qui porte à toi, son Dieu dont rien ne le distrait, Les bruits que tu recueilles, Et dont chaque bouffée ouvre dans la forêt Des cavernes de feuilles. Je reviens calme des bords de l'océan Mon âme... ,1826-1851 953 Elle s'est échangée avec le gouffre amer. La mer, grande et hautaine M'a 'jeté son écume, et moi, j'ai dans là mer 'Jeté- touté ma' hainè.. Ceux qui parlént - mal du' sourd lequel ne peut entendre, ceux qui Mettent devant les pas de l'aveugle des choses Qui peuvent le faire tomber. F~ 111 1838-40. Ce' qu'il allait chercher, vous le savez, étoiles, Qu'enfant il contemplait sur lés nocturnes voiles, D'un oeil mouillé de.;pleurs,, Et vous, son bois natal qui, vous mirant aux ondes, Retenez au passage en vos feuilles profondes .L'odeur vague des fleurs! Ce qu'il allait chercher, lili, l'ignorant poëte, Dans°ce pays de miel qu'on rêve et qu'on souhaite, Sous ce ciel riche et beau, Dans ces vallons si doux, dans ces forêts si pures, Tu le sais, sombre mer qui maintenant murmures Autour de son tombeau! Ce qu'il. devait trouver dans son île adorée, " C'était l'affreuse mort, la mort- prématurée, La tombé à vingt cinq ans, Sans bruit, sans l'escadron que la bataille effare, Sans le deuil des guerriers, 'sans la noble fanfare Qui sonné au front des camps! C'était, près d'un rocher que les flots amers gardent, Un de ces noirs combats que jamais ne regardent Les yeux de Jehova, Puis une balle au' ventre et 'le râle à la bouéhè, Et le sourire froid d'un ennemi farouche Qui se venge et s'en va. F~ 112 1838-40. toute chose d'en haut, Que 'ce, soit la puissance ou que ce soit l'idée Toujours avec colère, est d'en bas regardée. Tout pouvoir à tout homme, hélas! semble oppresseur. Le sujet hait le roi, le roi hait le penseur. F° 113 1838-40. Vous ne voyez pas même, en votre enivrement, Le mendiant qui passe avec sa barbe en friche. Vous êtes jeune, beau, bien habillé, fort riche, Et vous vous amusez! C'est tout simple, pardieu! F° 115 Océan, 125. Louis ", je te connais. Quoi que dise l'envie Je ne crains rien pour toi. Tu dépenses ta vie En festins, en chansons, en tendres rendez-vous. Jeune, tu ris; vieillard, tu seras grave et doux. Au champ dont le Seigneur est le semeur et l'hôte, Ami, tu viendras -tard, mais tu viendras sans faute. Frère; entre les meilleurs nous te verrons briller. Il est plusieurs saisons où l'on peut travailler; On prend part en tout temps à là tâche des anges. Tel manque à la moisson qu'on retrouve aux vendanges. 26 octobre 1839. 144/41. 1840-42. Stamboul, assise au fond du golfe d'or J'ai vu Constantinople assise au bord des mers Dans son délabrement terrible et magnifique. Naples qui dort . Londre J'ai vu Paris qui pense et Rome qui trafique. Rome qui prie F° 118 70/97. 1840. Oui,.mon respect pour vos grandeurs est nul, Gens du Sénat et de l'aréopage. Caligula fit son cheval consul Et Léon-Dix fit cardinal son page '°. F° 119 1840. Les siècles m'ont bâtie assise par assise, Plus auguste qu'un panthéon, O France! Charlemagne a posé la première, Et j'attends maintenant cette dernière pierre La tombe de Napoléon 75! F° 120 146/50. Août-septembre 1847. L'ennemi vient - F° 117 1826-1851, 955 il investit la ville - La famine et la mort pressent les assiégés, Comme ils n'ont plus de pain; ils mangent des racines. Derrière les talus et lestas de fascines L'assiégeant cauteleux avance pas à pas; Dans la tranchée où vont et viennent les soldats La terre ouverte à vif ressemble au flanc d'un zèbre. F° 121 1840. pour moi.la queue. du paon A des regards.mystérieux ton nom, Seigneur De chaque étoile blanche, azurée ou sanglante, 'Sort un ardent ruisseau de lumière tremblante Qui vient aboutir à notre oeil. la planète avec son cône d'ombre La comète, astre paon, dans la nuit pâle et bleue, Ouvre splendidement les flammes de sa queue, Où les étoiles sont des yeux. [au v° des passages versifiés d'Ecclésiaste, V, VIII, 'IX, X] F° 122 67/90. 1840. La femme qui porte dans son sein un grand homme le sent. ' Le gland qui doit être un chêne tressaille dans le flanc de la terre autrement que le grain de mil Ciel! on ne faisait pas des choses plus infâmes quand Perse était là avec ses tenailles ' ' ' quand Juvénal... poëté souverain debout, formidable, - Par eux suivi d'un oeil oblique, - Au réchaud du boùrreaù sur la place publique Faisait rougir son vers d'àirain. F° 123 1836-37. Reims - Saint-Denis '. sacre - funérailles . Reims qui vit se lever tant d'aubes! Saint-Denis Où tant de soleils se couchèrent! ... et qui toutes deux s'inclinant L'une sur des grandeurs, l'autre sur du néant, S'inclinent sur la même chose! F° 124 1836-37. Océan, p. 519. . Le peuple... c'est de la poussière. C'est l'air C'est l'eau sur la grève C'est au pied du passant la poudre qui se lève. Hélas! tout cela est tranquille longtemps. Mais ne vous y fiez pas. L'eau dort, le sable joue autour des caravanes, L'air s'embaume en courant sur l'herbe des savanes, Jusqu'au jour où la voix qu'écoute l'océan Dit au sable, à la vague, au vent que rien n'arrête : Poussière, deviens trombe! onde, deviens tempête! Air, deviens ouragan! F° 125 67/7. 1840-42. Je vole dans l'ombre sans bruit, Mon maître est Dieu; mon nom est nuit, Et j'ai des ongles à mes ailes. F° 126 147/51. 1846. Elle s'en va, chantant à gorge déployée. Sa course folle égaie et trouble les vallons, Et de toutes les fleurs, dans l'herbe non frayée, Fait s'envoler les papillons. F° 127 148/192. 1840-45. Ils tenaient La plaine; nous tenions le bois et sa lisière. Nous en vînmes gaiment aux mains. Dans la visière Ils avaient le soleil et nous avions le vent. Leur chef était hardi, le nôtre était savant; Nous étions tous divers d'armes, et de langages. On était, en comptant les hommes des bagages, Des deux parts à peu près autant de combattants. La partie est restée indécise longtemps; Puis la chance a tourné. Leur armée éblouie A croulé tout à coup comme un nuage en pluie, Et tout s'est dispersé... nous avons fait un pas Et nous étions vainqueurs. Comment? je ne sais pas. La prouesse est finie, et nous estimons, sire, Plus aisé de la faire encor que de la dire. F° 130 Océan, p. 520; copie Daubray. Temps où... Où déjà l'on voyait, aube encor vague et sombre, 1826-1851 957 Derrière la montagne, effrayant amas d'ombre, . Poindre Napoléon, Le Seigneur... Il nous prend nos flambeaux et les écrase à terre. 'Il éteint... Les Bourbons dans le sang, les Condé dans la fange. (Berri) . Livre L'époux à Ravaillac et la veuve,à Judas.36 Charles X,alla à Holyrood Confrontant leur faute à sa faute S'expliqua avec les Stuarts. Où étiez-vous, Bourbons, quand Bonaparte apparut? Vous ne faisiez rien pendant., qu'il. faisait tout. Que faisiez-vous, hélas! famille inaperçue',. Quand penché sur l'Europe, à grands coups de massue, Coups que l'histoire encor dans le lointain entend, Superbe, il enfonçait, colosse haletant, Dans l'esprit orageux des peuples et dans l'onde Des Révolutions débordant sur' le monde, Arcole, Marengo, Saint-Jean d'Acre et Lodi, Ces pilotis géants, où, bâtisseur hardi,' D'avance il asseyait, que le 'flot gronde 'ou dorme, Le rêve' monstrueux d'un édifice énorme. Fo 132 ' 147/92. 1846. Penseurs, qui venez dire aux hommes Le mystérieux avenir, Ne vous lassez pas! que Dieu sème En vos coeurs force et volonté! Son jour' approche; il est le même Que le jour de' la liberté! Voici l'aube! la nuit s'écoule'. Enseignez, penchés sur la foule. 'Attendez sur le haut dés tours. La nuit s'en va. ' Voici l'aurore! Enseignez, enseignez encore! Attendez, attendez 'toujours! Ô passant, dit le pâtre rêveur, tu regardes ces écroulements. Dieu jadis Visita cette ville au milieu des tonnerres. Fo 133 147/22. Après le 11/7/46. Trumeau Les Chinois ont des chats comme les autres hommes. Un mandarin lettré devait de grosses sommés; Il ne savait comment s'acquitter. Il avait Un chat qui chaque nuit dormait à son chevet. F° 134 1840-45. Océan, p. 366. Oh! que vous regardiez le couchant ou l'aurore, Français, le vrai drapeau de France est tricolore; Mais il prend. notre gloire entière dans ses plis, Il est pour Fontenoy comme pour Austerlitz;- Il sait tout consacrer comme il sait tout absoudre; Sur sa zone de pourpre il a l'aigle et la foudre, Et sur sa zone blanche il a les fleurs-de-lis. Rien n'y manque, ô drapeau! seule vraie oriflamme! Le vieux coq de Brennus, effaré, l'oeil en flamme, Y brille dans l'azur comme' dans un ciel bleu. . 129/155. 1840. Océan, 141, p. 184. Mon fils, "on a souvent entrevu dans ces bois Des spectres qui parlaient dans l'ombre à demi-voix. Des voyageurs, passant la nuit dans ces clairières, Ont entendu des morts réclamer des prières; Parfois, comme l'oiseau par une hydrè attiré, Ils ont suivi, tremblants, hagards, l'oeil effaré, Des fantômes hideux, pâles comme des marbres, Qui s'évanouissaient en entrant sous les arbres. 7/202. Océan, 97, p. 136. Partout l'Ombre, partout le désert froid et mort; Les monts semblaient de grands décombres; Un ancien pont allait de l'un à l'autre bord Entre deux escarpements sombres; J'y passai; le couchant d'un lointain reflet d'or Éclairait les arches massives Comme ce pont croulant, mais qu'on traverse encor, Le souvenir rejoint deux rives. 11 nov. 1850 [surcharge 1840?] Fo 138 67/174. Env. 1845. À Rome Tandis qu'une foule vulgaire d'hommes sans âme rampe et végète sur le pavé des rues Des figures de marbre et de pierre et d'airain Fo 136 F° 137 1826=1851. .959 Le terme, la statue au geste souverain, Nymphes, déesses, dieux, formes surnaturelles, Vivent sur les frontons et conversent entr'elles. Fo 140 69/93. 1840. les rois sont là-haut' débout: Leur glaive Sinistre et flamboyant, sur le siècle se lève. La pâle humanité croit que tout Na. finir, Et ne voit plus, comme Eve interdite et frappée, Qu'à travers les lueurs d'une effrayante épée Le vert éden de l'avenir! 41 144/184. 1843? :.. vous voyez d'ici le paysage. C'est une plaine rousse et des châtaigniers verts, Avec un grand chemin qui serpente au travers. Les tableaux que je vois, vous les voyez aussi :. L'étang, le pré; les boeufs paissant dans la jachère; L'idylle d'un bouvier avec une vachère; Des chevaux jusqu'au ventre entrés dans l'abreuvoir; De beaux enfants faisant la prière du soir, Et puis tout ce que verse à notre âme qui rêve Le soleil- qui se couche et l'aube qui se lève. Et pour le petit' pied, et pour' la taille mince Figurez-vous Pepa, du théâtre du Prince. Fo 142 139/397. Océan, 122. A Mlle L.B. " Vos vers sont un lac pur. Tout s'y mire. Leur onde Réfléchit.le bois vert, l'astre d'or, l'aube en feu, Et sur leurs bords charmants et dans leur eau profonde On voit vivre la fleur et l'on sent vivre Dieu. 1° janvier 1842. Le Temps : ennemi terrible; chose étrange! parce qu'il fuit. Deux choses sortent incessamment de la bouche de Dieu, une parole, l'évangile, un souffle, la création. F° 143 1840-44. C'est là que tout enfant, comme un aigle qui rêve, Tantôt sur un grand mont, tantôt sur une grève, Debout, grave et joyeux, Il composait, du ciel levant les triples voiles, Des rayons du soleil ou des feux des étoiles La splendeur de ses yeux! F. 144 1842-44. Océan, 138. Force dômes bossus"comme des calebasses, Une porte cintrée entre deux portes basses, C'est la mosquée Achmet. Entrons-y, s'il vous plaît. Bête et barbu, l'iman est un homme complet. Assis sur son gros cul, il lit dans un gros livre, Et frappe par moments sur un tambour de cuivre. Cet être vénérable ignore tout. Aussi, Comme il a le coeur vide et le cerveau moisi, L'Egypte le mettrait dans sa boite aux momies; Il serait parmi nous de trois académies. F° 147 67/169. Vers 1845. Qu'il passe par l'esprit d'un peintre chimérique 98 D'ajuster un visage au cou d'une bourrique, Puis des plumes d'autruche ou de pluviers dorés Amis, en voyant l'oeuvre, à coup sûr, vous rirez. F. 151 1838-40. Océan, p. 398. Pauvre oiseau nu! Sa voix douce Charme Dieu qui le bénit. Dieu le couve dans sa mousse, Et sa petite aile pousse, Pendant qu'il dort dans son nid. N'a-t-il pas la providence Ce grand oeil ouvert sur tout? Le trône et l'échafaud ont le même squelette. Oh! si l'esprit pouvait lire Dans les soupirs d'un cyprès,. Si la mort pouvait sourire, Si la tombe pouvait dire, N'est-ce pas que tu dirais : 1826-1851.- 961 -F° 152 Vers 1846. . À M'' B. - 39 En vain mille - rivaux - voudraient d'un trait de flamme Atteindre votre coeur prompt à les oublier. Un mari sage et bon sauve votre jeune âme. L'amour a le carquois-et vous le bouclier. F0.153 143/106. Vers 1845. Voilà, sans m'expliquer, et vous savez pourquoi, Ce que je dis à vous, ce que je dis à toi, Toi, face vile, infâme, impure, indigne, en somme, Du soufflet d'une femme et du crachat d'un homme! 67/166. Vers 1845. Océan, p. 388. Car Dieu tout à la fois et sans se contredire;. Dans notre coeur profond que rien n'a tout entier, Met L'instinct du voyage, et l'amour du foyer Car une intime -loi, bien rarement troublée, - Unit l'arbre immobile à la semence ailée. 1845-46. elle y songeait sans cesse *Partout, le jour, la nuit, aux champs, à la maison; Il était sa pensée, hélas! non sa raison. Donc, regarde la vie avec sérénité. Vois-la.telle qu'elle est, faite d'iniquité, De misère,- de deuil 'et de trahisons viles, Mauvaise dans les champs et pire dans les villes. Il faut, sur cette terre où le malheur nous suit, Où tout est précipice, abîme, embûche et nuit, Accoutumer son âme à rêver d'autres choses Que des amours portant des guirlandes de roses. F° 157 129/131. Vers 1845. Océan. 27. Phidias, Jean Goujon, Michel-Ange, Coustou, Maîtres du marbre blanc, créaient presque des âmes; Rêveurs, ils contemplaient toujours toutes ces femmes Qui portent sur leur front la beauté, pur rayon, Et que le flot vivant de-la création, Plein du souffle de Dieu, devant nos yeux amène, Exemplaires divins de la statue humaine.. F° 154 F° 156 Fo 158 1842-44? Comparant ma pensée avec les bois épais, Dans les champs, dans les prés, j'erre et je vis en paix Avec.la sereine nature; Et le petit enfant, candide et fraternel, Vient me questionner comme l'oiseau du ciel Qui vient boire dans une eau pure. F0 ' 159 69/190. 1846-47. Quinze ans le monde s'étonna Contemplant cette renommée Debout sur notre France armée Cette grande flamme allumée Au sommet de ce sombre Etna! 60 148/215. 1844-45. Océan, 109. Le vieux ... Ô dur renversement des choses naturelles! Quoi! c'est toi que voilà! quoi! c'est moi que voici! Il n'est pas juste, ô Dieu, que cela soit ainsi! C'est fini:- Fini! - Quoi! tu n'es plus où nous sommes, Enfant! tu n'entends plus le bruit que font les hommes! Est-il possible, enfant! que tu n'entendes plus! Quoi! je suis triste et vieux, soixante ans révolus M'ont blanchi, m'ont brisé, je suis une ombre obscure! Toi, tes cheveux sont noirs, ta face est jeune et pure, Tes yeux étaient remplis d'un rayon du matin!... C'est une chose étrange, hélas! que le destin Ait dérangé la place où nous mettaient nos âges, Que, malgré la raison et les justes présages, Il te prenne, et me laisse avec mon noir dégoût, Et que tu sois couché lorsque je 'suis debout! Fo 164 67/289. 1843-44. Je vis venir à moi dans les broussailles Une guenille informe, un manteau d'arlequin Rapiécé de haillons comme un vieux baldaquin, Quelque chose d'affreux. Sous cette carapace Cheminait une vieille à l'air fauve et rapace. Fo 166 147/88. 1844-46. Seigneur, je souffre trop. Je ne puis vous cacher ce qui se passe en moi! Je ne puis vous cacher ces lugubres batailles Ce désespoir profond. Quand Dieu souffle sur l'homme, il ouvre ses entrailles Et le voit jusqu'au fond. 1826-1851- 963 F. 167 148/151. Vers 1845. . Le clou rongé de rouille Est là dans 'ce vieux. mur depuis plus de cent ans. ... l'hirondelle au printemps Venait faire son nid dans cette brèche ancienne Bien avant ta naissance et bien avant la mienne. FO, 168-169 129/127. 1844. Océan, p. 525. - La fontaine Molière 40. L'une est la. fantaisie et l'autre est la pensée. Deux déesses. Deux soeurs: L'une rit, l'autre songe. Leurs bouches Charmantes toutes deux et toutes deux farouches. Elles aiment ' Les lacs virgiliens, les antres frais, l'asile Où rit le vieux Silène, où dort le beau Mnasyle, L'air qui toujours se plaint, l'eau qui gémit toujours, Et les vastes rameaux des bois profonds et sourds. ... mêlent leur doux visage Aux projets de l'enfant, aux chimères du sage; Et la nuit, quand il dort, viennent, chaste faveur, Baiser le large front du poète rêveur. Toutes deux vont glanant sur terre et dans les cieux. Toutes deux 'd'ornements divins et gracieux Aiment à rehausser la gaze de leurs voiles; Mais l'une y met des fleurs et l'autre des étoiles. Elles mènent et emportent à travers l'espace comme des oiseaux étranges Les hippogriffes bleus, les Pégases dorés, Tous ces chevaux divins, frissonnants, effarés, Qui, fils des anciens luths et des lyres nouvelles, Sur les parnasses verts ouvrent leurs grandes ailes. Puis elles redescendent à terre Et le matin le pâtre errant dans les clairières Voit dans l'ombre du taillis... Où le ciel disparaît dans les branches jalouses, Voit leurs pieds nus empreints au velours des pelouses. Oh'! les chastes beautés! oh! les pudiques soeurs! Comme elles vont des prés foulant les épaisseurs! Comme elles ont l'amour de la nature! et comme, Déesses qu'elles sont, elles méprisent l'homme! Ce sont elles pourtant, ces vierges aux fronts purs, Que deux magiciens font vivre dans nos murs Et que montrent aux yeux de la foule accourue Molière sur'la scène et Pradier dans la rue! F. 170 129/82. 1845? Seigneur, châtiez et récompensez dès ce monde les méchants seront confondus dès cette vie ... et les bons récompensés Et les vivants, alors, voyant le juste heureux Et le méchant frappé sur la terre où nous sommes, Diront : c'est que sans doute un Dieu juge lés hommes! Après tant de choses passées, Tant de pas perdus dans le bruit, Le vieillard aux veines glacées Met de l'ordre dans ses pensées Quand il sent approcher la nuit. Il est comme celui qui mène La caravane à l'abreuvoir, Et qui, de l'arbre à la fontaine, Prend des mesures dàns la plaine Pour dresser les tentes le soir. Fo 171 69/169. 1852-53. Le grand arbre sera traîné près des 'fournaises Et les femmes mettront, pour augmenter les braises, Ses branches sous l'urne d'airain. les rois Prendront feu comme une herbe sèche flèche et l'archange sonnera du grand clairon Les lâches en livrant leurs frères et leurs pères, Disent : chacun de nous de crainte est affranchi. Vivons. Ce n'est pas nous que mordront les vipères, Nous sommes les amis du sépulcre blanchi ". pierres angulaires ' colères Riches, le pauvre a droit dè manger et de boire. C'est quand la bouche a faim que l'âme devient noire. Les petits. enfants, les pauvres femmes etc. ne sont pas faits pour ramasser les miettes sous vos 'tables, etc. 1826-1851, 965 Voilà ce que dit la terre, ce que disent la mer, le vent Ce que dit la montagne atix forêts de sapin Ce que sur lés côteatix redit,la, vigne mûre, Et voilà-ce.que murmure Le blé ' dont on fait le pain. Nous entendons quelqu'un derrière nous dire : C'est ici le chemin. 67/324. Vers 1848. .... La mer au gré du vent Ridait sa sombre moire où se jouaient les algues. - Je ne sais trop comment amener l'abbé Salgues 42, Seule rime possible à ce mot du démon. Mais si je remplaçais algue par goémon? Vous mettrez goémon, lecteur; moi; je passe outre. Le douanier. enfonça sa casquette de loutre Et vit un bâtiment filer à l'horizon. Fo 173 67/326. 1846? Mon père m'apparaît l'épaulette étoilée La large plaque d'or aux écailles pourprées .... .jeune, éclatant à voir, Son panache, qui flotte à la brise du soir, Sur son front tour à tour se redresse et se couche, Comme un feu de berger qu'agite un vent farouche. Bruit, foule et multitude, L'homme au temps est jeté; Dieu, c'est la solitude Et c'est l'éternité! Fo 174 - 129/104. 1845? Pareil à ces volcans, puits où fondent les marbres, Et dont le souffle brûle autour d'eux tous les arbres, Son oeil rempli d'éclairs n'a ni cils ni sourcils 43. Fo 175 142/16. 1846? Dieu! nous sommes perdus si tu ne nous délivres! Ils viennent, ces soldats et ces hommes nouveaux! Ils ont l'épée au poing, ils soufflent dans des cuivres, Les uns mènent des chars, les autres des chevaux, Et tous sont furieux comme des hommes ivres. F° 172 Fo 176 67/5. 1844-46. Océan, p. 288. Ce gibet où l'agneau rend' un céleste oracle, Vous le déracinez du milieu: des rochers. Vous le multipliez par un affreux miracle, Et du bois de la croix vous faites des bûchers. Fo 182 129/133. Juillet-août 1846. la comète peut-être si nous étions moins loin et si nous pouvions distinguer Verrions-nous passer dans le ciel Traînant à son talon infâme Cet effrayant globe de flamme, Satan, le forçat éternel! 85 147/102. 1846? ... Je tremble quand, parmi ces funèbres études, Le vent de nuit, soufflant du fond des solitudes,. Passe sur mon esprit. 86 147/103. Vers 1840. Au temps où les sculpteurs antiques Ciselaient sur les grands portiques Le centaure au double poitrail. Fo 187 70/6. 1845-46. Océan, 23. Oh! dans les temps anciens, mère des Nations, Vieille Asie obscure et voilée, Les peuples, flots chargés de généreux limons, Coulaient incessamment des flancs de tes vieux monts, Comme l'eau d'une urne fêlée. 88 77/126. 1846-47. Océan, 32. Ce vieux chêne,est si grand Qu'à l'horizon nocturne il semble un monticule. Souvent je suis venu le voir au crépuscule Quand Vénus à travers ses branchages brillait. .La verdure profonde et large de juillet Pend à cet arbre immense en haillons magnifiques. Autour de lui, forêts, vallons, champs pacifiques, Palpitent; on entend des murmures confus, Et des fourmillements de feuillages touffus; 1826-1851 967 On croit tout bas dans l'ombre ouïr souffler des lèvres. Il n'est point de berger, poussant moutons ou chèvres, Qui ne presse le pas en passant là les soirs; Car un esprit caché vit dans les rameaux noirs, Dans la -mousse et le jonc, dans l'herbe et la broussaille, Et la sombre nature au fond des bois tressaille. Fo 190 67/101. 1846-47. J'entends sans' cesse bourdonner ces mots sinistres à mon oreille : « Nous,, Étienne Denys duc Pasquier, pair de France, « Chancelier, président de la Chambre des pairs, « Ouï la cause, ouï le rapport des -experts, « Ouï le procureur général en ses dires... » Tous les plus grands forfaits, tous les plus grands délires! Fo 191 147/73. 1846? Ô beaux jours, trop vite partis! Rien n'est charmant comme l'aurore. Les parents tout jeunes encore, - Les enfants encor tout petits! Fo 192 Août 1847. Un trône est, si l'on ôte La soie ou lé velours, un échafaud tout fait. Le' soir, quand la mer monte et dévore ses grèves, Quand une lueur flotte au pôle boréal, A cette heure -où, parmi les astres et les rêves, L'oeil plonge dans les cieux, l'âme dans l'idéal. Fo 194 168/474. 1847-48. le siècle - les magistrats - les prêtres - les princes etc. les mères - les vierges En ce siècle ôù tout a des procédés pour être Les vierges - ont un chic qui les fait épouser. À madame D.- À Mme Doche'^ Je ne connais de vous, madame, Les vers souvent sont copiés, pue l'esprit, le talent et l'âme. Pauvres bons mots estropies, Rien de plus, hélas! mais voyez Par des copistes infidèles. Comme. lés gens sont infidèles! Comme les gens sont infidèles! On me fait parler de vos pieds; On me fait parler de vos pieds. Je n'ai jamais vu que vos ailes. Je n'ai jamais vu que vos ailes. lustres à lames plates - - Par.quels copistes infidèles pupitres à in-folios Nos vers sont-ils donc copiés! etc. F. 195 144/183. 1849-50. Océan, p. 528. L'enfant ignore. Hélas! la mère tremble et prie. L'avenir... Apparaît, sombre et triste, à son coeur maternel. O tempêtes! écueils; inquiétude, amère! C'est l'océan qu'on voit dans l'oeil bleu de la mère, Ce qu'on voit dans l'oeil bleu de l'enfant, c'est le ciel. ou : L'enfant rit, mais l'angoisse est au coeur maternel. O tempêtes! écueils! Avenir! vie amère! Ce qu'on voit dans l'oeil bleu de l'enfant, c'est le ciel; C'est l'océan qu'on voit dans l'oeil bleu de la mère. F° 196 1848? ... Mystères de l'âme Et secrets du coeur! Âme des poètes... incessamment Occupée à trouer la cloison qui sépare Le monde extérieur du monde intérieur. 147/101. Juillet-septembre 1848. Paix au pauvre pasteur, kabyle ou bas. breton, Qui chasse ses troupeaux avec un long bâton, Qui souffle dans des peaux ou dans des calebasses, Qui le soir danse et chante au seuil des huttes. basses, Et regarde; oubliant les heures qui s'en vont, L'un le désert sans fin, l'autre la mer sans fond! Paix à l'esprit qui rêve et gloire au coeur qui pense! F. 199 67/115. 1849-50. Chaque bête des bois, des déserts, de la grève, Est un fantôme obscur qui marche dans un rêve. Les animaux, troupeau vaguement endormi, Marchent confusément, ne vivent- qu'à demi. L'homme vit tout à fait. F° 202 1848-50. Secrét de toute chose entrevu par toute âme! Malheur à celui qui Dompté fatalement par un amour vainqueur, Met hors. de sa maison la moitié de son coeur. F° 197 1826:1851 - 969 F° 203 147/91. 1848-50. Un jour je vis passer Diane au fond des bois, Diane, la déesse effarée et superbe; Elle marchait courbant à peine les brins d'herbe; Elle avait dans les yeux les lueurs, des forêts. F° 205 1848-50. Vous ne savez donc pas qui je suis, imbéciles! Allez-vous-en parler latin dans les conciles, Chantez vêpres, chantez la messe, et coetera, Fabriquez un bon Dieu du bois qu'il vous plaira, En chêne, en chataignier, en sapin, en,érable, Donnez-lui, comme à vous, l'air bête et vénérable, Fabriquez un enfer plein de turcs africains, Moines, aux vieilles gens montrez ces mannequins, Mais ne prétendez pas, baladins pitoyables, Nous faire peur, à nous soldats, avec les: diables, Qui vous sortent fourchus, velus, noirs, encornés, De l'esprit, et les chants qui vous sortent, du nez! F° 206 144/73. 1848-50. Ils vont à l'opéra comme ils vont à la messe, Et le reste du temps sont aveugles et sourds; Toi que l'extase;tient.dans une sainte ivresse,. Contemple sans cesse, Ecoute toujours! F° 207 1848-50. Salle d'Astrée 4' La jeune et belle marquise de Castres veuve charmante grasse blanche et blonde Il lui arriva devant son amant un de ces petits événements inexprimables que madame de Sévigné, avec sa hardiesse de grand écrivain et son insolence dé grande dame, dit en toutes lettres, dont le président de Chevry régalait les ambassadeurs, et qui arrivaient à madame de Créqui chaque fois qu'un écuyer lui pressait la main. Elle rougit au bruit, ne sait où se mettre, Il fit ce sixain : Ce ne sont point là des désastres Pour les amours, ces dieux enfants; Un noeud secret joint, ô de Castres, Vos appas à ces accidents; Astreus, le père des astres, - Est aussi le père des vents. Toute honteuse au bruit que fit la chose, Oh! cria-t-elle, et Blanche devint Rose. F° 208 142/20. Été 1848. .... Et si quelqu'un leur donne asile, S'il se retire en quelque ville, Nous irons, des cordes aux mains. Nous lierons, après la bataille, Une corde- à chaque muraille, A chaque toit, petit où grand, Et nous traînerons, pierre à pierre, Et nous traînerons tout entière Cette ville dans le 'torrent. F° 209 147/452. 1848-50. Ô moissons de la mort! Vous marchez dans les plaines, Sombres épis s-mêlés à mille fleurs hautaines, Bannières,.cimiers d'or, drapeaux et pavillons, Vous flottez, vous allez jusqu'à l'heure fatale Où du sommet des monts l'aube effarée et pâle Vous verra tous fauchés, jonchant les noirs sillons. - les drapeaux sombres Qui semblent enflammés de la pourpre des soirs. F° 210 144/63. 1849. ... Le grand lion rêveur qu'on dirait endormi, Paisible et par moments frissonnant à demi, Aspire au fond des bois dans un calme superbe Cette sombre fraîcheur qui s'élève de l'herbe. F°211 Vers 1848. Haine des méchants, des traîtres, des lâches, etc. ...Dans ma poitrine sombre et de colère pleine, Avec un soin pieux je garde cette haine Comme un serpent sacré. F° 212 144/150. 1848-50. Ces hommes insensés, infirmes et superbes, Ce qui les guérira, ce ne. sont pas des herbes, Ni des baumes tirés de l'arbre ou de la fleur, Ni des simples cueillis à l'heure des orfraies, 1826-1851 971 Ni l'huile et l'élixir qu'oh verse sur les plàies, C'est 'votre parole, ô Seignéur! ' F° 213 148/189. Vers 1848. ... Mon père sous le tien fût mis en jugement, Je n'examine pas si ce fut justement, Mais on le condamna d'une façon oblique, Puis on l'exécuta sur la place publique... Fo 214 148/194. Vers 1848. Mais Eussé-je ' même agi, si j'en étais capable, De cette façon rare, effrontée et coupable, Eussé-je en ce mépris du devoir singulier . Eussé-je oublié tout, vous roi, vous chevalier, Vous devriez encor vous souvenir, en somme, Que je suis une femme et vous un gentilhomme. 15 -. - 176/26. 1849-50. ' vie rustique (axi "ornes de paysans) elle disait : Lorsque le maître meurt, mettez un crêpe aux ruches Sans quoi l'abeille d'or s'en va de la maison. ... dans un coin l'aïeule en cheveux blancs Bat d'un maillet de bois sur une table, en pierre La lande verte encor mêlée à la bruyère Pour en briser l'épine et la donner aux boeufs. Dans l'âtre noir flamboie et fume un feu tourbeux. (près de la mer) l'odeur marine Qui sort des champs fumés d'algue et de goémons Fo 216 - 67/355. 1848-50. je t'envoie, ami, sans peur, sans retenue, Ma pensée en chemise et même'toute nue; Car volontiers la muse, - -ou ce qu'on nomme ainsi, - Laisse tomber sa jupe 'et n'en prend nul souci. En chemise elle est femme, et -nue elle est déesse. Fo 217 129/66. 1846-47. L'envie habite au sein des sombres multitudes. Toujours, à chaque siècle, et qu'il s'appelle Rome Ou la France, un grand peuple a pour âme un grand homme. Ô Paris, Babylone, Écoute-donc alors, prostituée! Fo 218 129/67. 1849-50. Océan, p. 290. Ô chimère impossible! ô rêve! ambition! Vivre en la solitude avec tout ce qu'on aime! Et paisible, oublié, caché, bonheur suprême, Envoyer, dans sa joie et du fond d'un beau lieu, La bienveillance à l'homme et la prière à Dieu! Fo 222 69/74. 1848-49. pas de vengeance sur les ruines. et, plûs clément le peuple est plus grand que le lion. Un cadavre pour lui n'est pas une pâture, Le lion, à l'odeur des morts sans sépulture, Peut venir quelquefois, et le peuple jamais. Aristote suivit pendant vingt ans les leçons de Platon sans en manquer une seule. Fo 223 144/42. 1846-47. Vous vous enfuirez dans vos bouges Chassés par d'immenses sifflets, Et de blêmes devenus rouges Sous une grêle de soufflets. Fo 224 67/347. 1845? Invocation Viens, plein d'enthousiasme et d'admiration, Comme le bouc lascif devant le vert cytise 46, T'épanouir devant cette énorme bêtise! Jouis dans ton fauteuil: ou sur ton tabouret, Q bâtard de Platon que Zoïle avoûrait, O consanguineus, bélître médiocre, Rustre épris d'une muse aux cheveux couleur d'ocre Marouffle ténébreux, cuistre au jargon obscur, Fait pour dire Quia lorsque nous disons Cur! Fo 225 67/301. Vers 1850. C'est une vérité si douloureuse, hélas! 1826-1851 973 Qu'il 'semble en la disant que les penseurs blasphèment, Nous aimons nôs enfants bien plus qu'ils ne nous aiment. L'étrange obscurité des bois religieux. F° 226 1850. La ville, de murmures pleine, Qui bourdonnait si haut le jour, Ecoute la nuit à son tour Le bourdonnement de la plaine. F° 228 70/91. Nos. vacarmes et nos tapages Sont, madame, un bien triste bruit. Venez briller dans nos orages!- Soyez l'étoile et nous la nuit. 21 Xbre 1850 - avec deux-billets de l'assemblée 4' Ces cris, ces tumultes, ces rages, Sont, bel ange; un- bien triste bruit. Viens rayonner dans nos orages. Sois l'astre; nous sommes la nuit! Fo 230 1850. Océan, 30. La justice, l'amour, la force, -la beauté, Dans l'immobile azur des voûtes éthérées, Sont autant de lyres sacrées Qui chantent l'éternel 'pendant l'éternité. .ADDENDUM ' 79/241. 1840. Les. femmes de la cour en raffolaient. Vraiment C'était, sur ma parole; un mortèl fort étrange. Délicat et grossier, or et -clinquant, mélange D'un affreux saltimbanque et.d'un seigneur charmant. Tandis que jusqu'à lui s'inclinaient doucement Les plus hautes beautés éprises de sa grâce, Mon drôle dédaigneux se baissait vers les basses. ... Les plus galants. boudoirs s'ouvraient pour lui... Il était [à la mode Il était beau toujours, il n'avait jamais tort La soubrette et la duègne étaient à lui d'abord. Il embrassait Lisette, il cajolait Gertrude. La Montchevreuil l'aimait, quoique dévote et prude, F° 114 Plus que son confesseur, Madame de, Ligneul Plus que son nain, Flora plus que son épagneul. Il mettait galamment des mouches et du rouge. A midi dans un Louvre, à,minuit dans un bouge. Telle était son humeur, tel était son dèstin. La duchesse Amanda devant lui le matin Se mettait à genoux pour nouer sa cravate. Le soir Goton au nez lui jetait sa savate. F°' 128-129 1840. Océan, 140. Vous dites : De nos jours nul n'est impunément Calomniateur vil, impudent pamphlétaire. La loi force la haine et l'envie à se taire. La charte de juillet; code grave et jaloux, Met le droit de chacun sous la.garde de tous; La presse libre, fière, inquiète, morose, . Monstre aux milliers' d'yeux, regarde toutè chose. Qu'un gueux vienne insulter un juste, cent journaux Donnent confusément l'éveil aux tribunaux. Et coetera. Malheur à quiconque ose enfreindre!... Sachez que dans ce siècle un seul homme est à craindre, Un seul homme, est sacré, malgré plainte et clameurs, Celui devant lequel tremblent les imprimeurs, Celui qui peut en frais, chicanes arbitraires, Coûts et procès-verbaux, ruiner les libraires! Le reste, on vous le livre! - Oh! mais pour celui-là, Si jamais jusqu'à lui votre pamphlet vola, Vous ne trouverez plus un imprimeur qui veuille Auprès de votre nom signer un quart de feuille. Diable! n'y touchez point! vous. seriez hors la loi. Vous croyez à la presse, au procureur du roi? Bah! - Peignez votre siècle à la manière noire, Bavez sur l'innocence et crachez sur la gloire, Déchirez tout! Soyez le diable Légion, Niez famille, honneur, vertu, religion, Traînez le roi Louis-Philippe dans la boue, Souffletez Jésus-Christ sur l'une et l'autre. joue, Rimez en chenapan qui n'a ni feu ni lieu, Insultez l'empereur, maltraitez le bon Dieu, .N'ayez au cceur, que fiel, furie et frénésie, On vous laissera faire à votre fantaisie, Dire n'importe quoi touchant n'importe qui; Canoniser Marat, diviniser Fieschi, Et par les quatre coins incendier la ville, Pourvu que vous laissiez monsieur Cavé tranquille! Je relis après trente ans ces vers faits. en 1840, et je trouve inutile de les avoir faits. Pour.qui? contre qui? à,quoi bon? Aujourd'hui, je suis au grand point de vue de la vérité, et quand une chose me met en colère, elle en vaut la peine. H.H., mars 1870. LE MANUSCRIT 24.788 1852-1870 F° 1 " "148/278. 1853-60. Main blanche, au son '. Prénom Marthe. Lieu de naissance Le Paradis: Trombe - pluie immense lè ciel s'écroule en mer.; Effréné, flamboyant, fantasque, entier, cynique Et sublime; il était odieux aux pédants Comme toi; Rabelais,.et comme toi, Jordaëns. Le bois qui sert de manche à la cognée est traître 'À la-forêt.'- Si tu la dévoiles, je te démàsque. Si tu la démasques, je t'éventre. bateau à vapeur Les étincelles de la' cheminée qui tombent dans le flot noir semblent des étoiles qui vont s'éteindre dans le chas. `' orage -., L'éclair emplit d'un bout 'à l'autre les. nuages; Et la nuée, alors éventrée, àppai-aît ,.Avec des profondeurs de cave et de forêt, Ouvre subitement son, gouffre,.et, prenant forme, Montre une architecture intérieure énorme. Fo 2 69/171. 1852. Ils fuiront; ils fuiront hors du,palais superbe, Pareils au voyageur qui se hâte dans l'herbe Et quitte le chemin et court vers lé coteau A cause de la pluie échappée avec rage Et du vent de l'orage Qui gonfle son manteau. La rouille mord les hallebardes; arts. sciences De vos canons, de vos bombardes, génes progrès Il ne reste pas un morceau les idéals Qui soit assez grand, capitaines, Pour qu'on puisse prendre aux fontaines De quoi faire boire un oiseau. F° 3 1855-60? Océan, 24. Les prêtres du soleil, les vierges de l'aurore, Mêlaient le double choeur de leur groupe sonore, Jadis, devant le sphinx aux sourires amers, Tantôt aux bords du Nil, tantôt aux bords des mers, Sans ôter un seul monstre aux flots que les vents chassent, Et sans que leur musique et leur danse empêchassent Le fleuve sacré d'être insulté tous les soirs Par quelque vil passage insultant ses joncs 'noirs, Et de subir, apres les chants et les idylles, Le glissement du ventre affreux des crocodiles. F. 4 1853. Ta force est misérable et tes splendeurs sont viles. Tu n'es pas. Il suffit, pour jeter bas tes villes, L'arc romain, le fronton toscan, Et les créneaux hautains où tes drapeaux flamboient, D'un hoquet du Vésuve, et tes fleuves se noient Dans un crachat de l'océan., F° 9 147/299. 1853. Les hommes ont toujours torturé la colombe. Tout rédempteur, plus tard adoré dans sa tombe, Saigne sur ses bienfaits, par ses pleurs expiés, ' Le supplice est caché sous toute apothéose, Et l'auréole au front suppose Les clous aux mains, les clous aux pieds. tout ce que l'astronome Scrute, sonde, surprend, calcule, affirme et nomme. F° 11 67/68. 1852. Océan, 15. Dans cette rêverie où j'oubliais de vivre, Des visions passaient devant mes yeux- ravis, Sidon, Jérusalem, Babylone; et je vis 1852-1870 977 Apparaître à travers une brume. infinie Rome, et mon coeur battit. Rome au double génie, Géant aux yeux crevés qui porte deux flambeaux, Mêlant dans ses grandeurs ses lois et ses tombeaux, Le dur granit de Sparte ail marbre blanc d'Athènes, Ville des, orateurs, ville des capitaines, ' Tantôt dans là clarté, tantôt dans l'âpre'. nuit, Elle marche, et l'histoire aux yeux sereins 'la suit Tenant dans chaque main unè tête coupée, La 'nôtre, Cicéron, et la tienne, ô Pompée! Et moi je dis': aimez!"croyez! je suis semblable Au prêtre dont la main ne voudrait que bénir, Au pâtre qui croyant la nuit poindre, et venir L'heure où le maître veut que le troupeau s'abreuve, Crie et chasse à grand''bruit les buffles vers-le fleuve. 4 146/331. 1853-55. ' Règne de Louis XIV- L'âge du roi-soleil et de Phébus Louis, Grand siècle du vers roide et des têtes courbées, Temps où -toutes`-les fleurs du style sont tombées. F° 15 67/67. Fin 1853. 'ruelles écrouelles truelles Vous aussi, venez, reines, cruelles Comme la volupté, faibles comme la chair, Mères des noirs Hamlets et du Masque de Fer, Catherine la russe avec ta houppelande, Anne avec ton enfer de toile de Hollande 2,. Toi, spectre Brunehaut, toi, goule Médicis, Pâle Isabeau vendant ton roi fou Charles. Six, Lascive Marguerite aux' amours inquiètes Dont le lit convulsif se vide aux oubliettes, Tudor liant Stuart d'une corde aux poignets,. Toi, sanglante Marie, et toi, sanglante Agnès, Caroline de Naple -aux débauches funèbres, Ô fantômes hideux, sortez de vos ténèbres, Venez à.la. lueur de mon regard qui luit,, Et dressez-vous pareils à ces femmes de nuit Qui, le soir, agitant les linceuls. en guirlande Apparaissent dans l'ombre au milieu de la lande! F° 16 147/576. 1853-54. Vous qui soufflez dans nos décombres; Haine, amour, orgueil, bouches d'ombres, Ouragans dés passions sombres, Agitateurs du genre humain, F° 17 1854. ô Histoire Toujours, dans le passé, comme aujourd'hui, le glaive. Le squelette éternel sur les peuples se lève, Partout, au sud, au nord; Sparte pâle s'appuie au tombeau; Rome sombre Est au licteur; Venise a pour conseil dans l'ombre Les dix doigts de la mort. F° 19 1854. Dans cette obscurité qui flotte et qui se creuse, Les noirs papillons sphynx de l'ombre monstrueuse Volent d'un vol lourd et dormant; Une face apparaît, le vent chasse des formes, La libellule arrive avec ses yeux énormes Et nous regarde fixement. Toutes les visions de l'insondable grève Approchent et s'en vont, effroi de l'oeil qui rêve; La pâle horreur au front terni Passe; le songeur voit, sous des souffles funèbres, Croître et s'évanouir dans ces vagues ténèbres Les figures de l'infini. Hautain, dédaignant tout, que, ta nef vogue ou sombre, tu veux fuir. L'air dont vivait Adam t'étouffe. Ta colère Dit : toujours la même aube! On manque d'air ici. Tu dis. avec colère Toujours la vieille aurore! Pensif, il répondit à l'archange nocturne.. Jupiters Vénus louches astres chassieux essieux O vivants qui coulez comme l'eau des fontaines On entend dans la nuit vos paroles hautaines Tâchant d'humilier les cieux. F° 22 256/42. 1855. La fille de Jersey passa, l'éclair aux yeux, Des fleurs dans son panier; comme c'était dimanche, Elle avait le chapeau des îles de la Manche 1852-1870. 979 Fo 24 . 146/170. 1853-54. Océan, 20. Pour qui donc me prends-on qu'on parle de la sorte? Je suis l'homme de fer. O vieux hurleurs crasseux, Moines, tas de niais et tas de paresseux, Faites de l'huile sainte avec l'huile d'olive, Vendez des oremus, mettez de la salive A vos doigts pour tourner les pages du missel, Tondez vos crins, mangez de la bouillie au sel, Brûlez d'un air béat vos baguettes, de cire,. - Mais sachez.que je suis le baron votre sire! Ne venez pas croiser la route où nous marchons. Prosternez-vous devant le casque, capuchons!. Voici l'aigle : hiboux, prenez votre volée. L'épée est mon missel, mon froc c'est la mêlée. Je suis l'homme qui vient portant au poing l'effroi. Les chevaux effarés sôufflent autour de moi. Allez, psalmodiez, braillez comme des`ânes.- Midi met une flamme au bout des pertuisanes; Je n'ai jamais porté, moi, que ce' cierge-là! 5 68/115. 1851-53. Océan, 19. Aux fils des croisés Ainsi dans cette grande armure,. Maroufles, vous vous abritez! Et son formidable murmure Ne vous a pas épouvantés! Ô nain Triboulet, tu leur manques! Ces gueux sont les maîtres céans! Bien. Ébattez-vous, saltimbanques, Dans l'ombre que font les géants. Vous- vous dites fils de ces hommes Par la.femme forte conçus, Dignes à la fois des deux Romes, Faits pour César ou: pour Jésus! Ces hommes disaient : Que Dieu m'aide! Ils prenaient dague, estoc, poignard. Ils combattaient, c'était Tancrède. Ils parlaient, c'était Saint-Bernard. Passant les mers, les monts, les plaines Comme :un essaim prodigieux, Ils allaient, gens et capitaines, L'épée au poing, l'esprit aux cieux! Qui les poussait vers la Judée? C'était ce rêve étrange et beau, Briser les chaînes d'une idée Enfermée au fond d'un 'tombeau. Mais vous! 147/343. 1853. Océan, 112. Loin des rayonnements, des triomphes, des fêtes, Loin,de tous, les heureux riant sur tous les faîtes, Parmi les cyprès et les houx, Mes strophes par. moments avec extase flottent,. Le malheur, hallier noir où tant de voix sanglottent, Est le lieu des chants les plus doux. Calme! attendrissement! asile! en ces ténèbres Où gronde, âpre et saignant l'ïambe aux yeux funèbres, L'hymne de l'amour prend'son vol. L'ange obscur de la nuit fait avec la même ombre Le cri que jette aux bois l'orfraie oblique et sombre, Et la chanson du rossignol. F° 27 1856. Vous voulez me diminuer, peine inutile' L'homme ne peut souffler l'astre. D'ailleurs qu'y peut-il gagner? Je ne suis pas une piastre Pour qu'on cherche à me rogner. F° 29 68/181. 1854. Océan, p. 291. L'homme est la sombre mouche errante qui s'enfuit. Oh! que de fois mon âme a tressailli, la nuit, Quand l'eau.pleure, quand la nef sombre, Quand on voit frissonner au vent universel, Formidable et liée aux quatre coins du ciel, La toile de l'araignée Ombre! F° 30 Avril-mai 1853. Océan, p.404. C'est l'heure où le fantôme effacé quitte Électre, Où l'ombre quitte Hamlet, -le prince au coeur saignant. Le blême point du jour lève son front de spectre Derrière l'herbe noire et l'arbre frissonnant. [au v° ébauche pour Châtiments, II, 1] F. 26 1852-1870 981 Fo 31 66/86. 1854-55. Statues - chevaux de bronze - spectres équestres Je l'ai dit quelque part dans je,ne sais quel livre Le colosse d'airain 'dans- l'océan billon Se noie et fond; il flotte; échoue à la monnaie, Et reparaît courtier de commerce, il 'vend,- paie, Fraude et, vert-de-grisé par l'ombre.et le brouillard, De bronze devient cuivre et de héros liard. F° 33 256/50. 1854. Avant que l'archipel de la Manche existât 5, Étretat À l'époque où Jersey, baignant un flanc dans l'onde Qui la tient tout entière et l'étreint maintenant, Etait par -l'autre flanc. liée au. continent, Quand un clair filet d'eau lui servait de limite, Au temps où l'on jetait au-devant de l'ermite Une botte d'ajoncs pour passer le ruisseau; Quand on sautait de Herm à Serk sans être oiseau; F° 34 129/36. Début 1854. Détruire l'homme, tel est le but. Les éléments s'y efforcent. L'homme les aide. L'océan a les vagues et la foudre, nous inventons les flottes et le canon. (empereur) Les navires hideux -é heurtent dans l'horreur; Ils criblent en hurlant l'écume de mitraille; Et l'homme à la tempête ajoute la bataille. Fo 36 1855. Océan, 37. Derrière l'horizon lès rocs montraient leurs têtes, Et j'entendais le bruit monstrueux des tempêtes, Et dans le fond des cieux où ces clairons sonnaient Sur le grand chariot océan que traînaient Des millions de flots, les cavales de l'ombre, Je voyais se dresser l'ouragan, cocher sombre. Ce que disent au fond du crâne, ce caveau, Le squelette raison et le spectre espérance. F° 38 147/139. 1854. Sous le crâne, crypte sans flamme, Plafond du noir cachot de.l'âme, Elles éclairent l'orgueil nu, Et, jetant des lueurs au doute, Font pénétrer sous cette voute Le flamboiement de l'inconnu!. Poèmes végétation où Pan respire Ah! jetez la sonde aux abîmes la coupe Des mots que le vent entrecoupe Sortent de leurs lèvres d'airain. F° 39 1855. S'il faut à l'art un roi, la nuit; en écoutant Le vent plaintif gémir dans l'arbre palpitant, Plutôt que Richelet, nous préférons élire. Dieu, le luthier qui fit cette terrible.[ineffable] lyre. Abîme! La mer est, les flots sont, le flot n'est pas. Mystère! Dieu les hommes l'âme êtres l'être F° 40. 147/524. Vers 1856. L'archet de l'opéra qui dans ses vastes sons Tord le groupe lascif des danseuses cambrées; Les grandes nuits d'Isis par Chicard 6 célébrées. Ou le roi de Siam sur son éléphant blanc. ... Portant l'habit royal, manteau d'alcyons bleus. F. 44 147/531. 1855. Bien! lâche, lave-toi! bien, lave-toi, maudit, Et laisse tes secrets dans ta vaisselle plate! La cuvette [le lavabo] connaît à fond Ponce Pilate. 5 147/361..1853-54. Océan, 131. ... Au tournebride, Je vis un édifice énorme, étrange, hybride, Donjon d'un bourg quelconque omis par Vosgien, Je ne sais quel tas sombre et carlovingien, Des tours, des clochetons, des toits en colombage Faits par madame Dîme et monseigneur Jambage. 1852d870 983 Jadis une potence ornait chaque guichet. Dans l'ombre à chaque pas mon cheval trébuchait, Par bonheur, lé maudit progrès sous les poternes En place de pendus avait mis des lanternes. câprier prier cactus lotus aloès je reclouais Les clous d'or du fermoir d'un coffret d'aloès. F. 46 68/118. Vers 1854. La royauté commet toutes sortes de crimes', Met les règnes chaos sur les siècles abîmes, puis l'expiation vient; il le faut. qui est frappé? - ô providencé ô loi sombre des enfants, des vierges, etc. Et des reines alors, dans 'l'ombre où leur front penche, Recousent leur robe blanche Pour monter à l'échafaud. Fo 47 1856. Oreste Hamlet les penseurs, les songeurs - Dans les fatalités plongeant 'leur oeil farouche, Ils se montrent entr'eux et le doigt sur la bouche, Le meurtrier, l'empoisonneur, Des temps mystérieux ils ouvrent les registres, Et comparent, Argos, à tes- couchants sinistres La pâle lune d'Elseneur. F° 48 147/331. 1853. Cf. Massin, XII, p. 1529. La pluie épanche ses rosées; Le vent de nuit tord les buissons; Les âmes frappent aux croisées, Et disent : c'est nous qui passons. Océan, p. 407. Que de fois, poursuivi d'un tourbillon de rêves, J'ai lancé mon cheval au galop sur tes grèves 8, -O sauvage océan, Écoutant [regardant]; dans un hymne aux clameurs éloquentes Les vagues se mêler. [délirer, écumer] ainsi que les bacchantes Dans l'antique Paean! Et pensif j'écoutais les vagues- éloquentes Se parler, se répondre ainsi que les bacchantes - Dans l'antique Paean! 147/345. 1854. ... Et l'on voit dans la nuit se tourner vers la mort, Dur pourvoyeur des catacombes Qui va, jetant au vent les âmes et les os, Comme vers le semeur le bec noir des oiseaux, La mâchoire ouverte des tombes. 1854. Océan, 96. Tout marche; c'est la loi de l'homme. Planer, ramper; entrer, sortir; Paris suivra Corinthe et Rome; Londres suivra Carthage et Tyr. Ainsi flottent nos destinées, Pendant que, foules entrainées, Allant d'où nul n'est revenu, Nous errons, battus des tempêtes, Nous te regardons sur nos têtes, Ô nuit, dessous de l'inconnu! Tout marche. Il est seul immobile, Lui, le songeur du firmament, Que le prophète et la sibylle Contemplent éternellement. Jamais les gouffres sur leurs dalles N'entendent sonner ses sandales; Il ne change jamais de lieu, Tandis que l'ombre enfle nos voiles, Et c'est vous que j'atteste, étoiles, Clous de la semelle de Dieu! F° 52 6/218. Océan, 61. 'La branche de houx Jeanne disait : toujours je te serai fidèle, Et je t'adorerai toute une éternité. Un moineau franc Éternité! La branche de houx Et Jean lui répondait : tu seras toujours belle; Dieu dans le marbre blanc a sculpté ta beauté. Une éphémère Éternité! La branche de houx La jeunesse est sans fin! chantons! s'écriait-elle; Après le doux printemps vient le joyeux été. Fo 49 F° 51 1852-1870 985 Un feu follet Éternité! La branche de houx J'ai de l'or, disait Jeanne, et des troupeaux sans nombre, Le riche est toujours grand, puissant, et respecté. Une fumée Éternité! La branche de houx Elle mourut; sa bouche avait ce souffle sombre Qui semble un bruit-de l'ombre et de l'immensité. 'Une étoile Éternité! 24 janvier 1855. [Au v° une'version antérieure de Contemplations, I, XXIII] 3 147/133. 1854-55. Misère-prostitution-ignorance-les riches Et le soir ils courent aux antres Et, pleins de la sombre Vénus, Ils s'en vont regarder des ventres - Et des cuisses et des seins' nus; Et l'ombre est 'triste en sonnant l'heure, Et sur ses filles Ève' pleure, Spectre sinistre du chemin. Par le corps vil l'âme est tuée. Hélas! toute prostituée Est mère du grand deuil humain. Et cette nature immortelle De quelle façon pèse-t-elle Sur la lugubre humanité? Ô sombre meute [émeute] des tempêtes. F° 54 147/132. Vers 1855. Envie, affronts sans fin ni trêves, . Haines aux regards effrayants! Je t'entends passer dans mes rêves, Nuage des chiens aboyants. F° 55 1854-55. Ô noir Machiavel! es-tu ce que tu sembles? Machiavel - Ta pensée apparaît sinistre à tous les yeux; Ton livre a par moments des sens mystérieux Dont frissonne le moins timide, Comme on se sent parfois, la nuit, d'horreur glacé Lorsqu'on tâte en des lieux oùle meurtre a passé Une herbe vaguement humide. Fo 56 144/99. 1855-56. les grottes et les baumes Car les prophètes noirs songent au seuil des antres; Les lions en ont peur, et rampent sur leurs ventres Devant ces fronts qu'emplit l'esprit silencieux; Au fond le Sinaï surgit dans l'ombre horrible; Dieu fait sur ce piton terrible Tourner le gond.d'en bas de la porte des cieux. Fo 57 147/339. 1854. Un arbre qui servit autrefois de gibet A monsieur de Montluc, suivi de sa sequelle, Vieille fourche aux rameaux trop nombreux, à laquelle On a pendu jadis beaucoup de huguenots est là... sur une éminence - ... et l'on voit le bois, quand on passe en rêvant, Se dresser sur le haut de la colline au vent, Et, difforme, pareil au haillon d'un vieux crible, Trembler, noir et piqué de trous blancs, l'arbre horrible. Fo 58 147/352. 1856. (catastrophes) L'Etna flamboie et dans sa robe Prend Catané au front rayonnant. 2 La comète dévore un globe. 1 L'Océan ronge un continent. Fo 59 1855? Hommes, O voleurs du miel des abeilles des plumes de l'eider Et de la plume des oiseaux. du lait de la vache nos questions Nos doutes, nuages funèbres, Montent au ciel pleins de ténèbres Et redescendent pleins d'éclairs. 1852-1870 987 F° 60 . 1854? comète traînant sa queue hochequeue Ô sphères, ô concerts, tourbillons haletants, Souffles de l'infini,- vents, fluides! j'entends Vibrer l'iniménse lyre bleue. F° 62 Fin de l'exil? Hélas! dépareillé, «décomplété, je vis. fléaux prédits la maison de Thogorma vers l'aquilon Que César et que Pompée Te passe au fil de l'épee, Plus de maïs, plus de blé, Le vent sombre éteint ta lampe; Ah! peuple ingrat, pleure et rampe! Moi, l'Éternel, j'ai parlé! [en marge :] le futur vaut mieux F° 63 142/21. 1854. Ahmed cria : par Dieu, qui ne dort ni ne rêve! Le sage est fort. Il a, quand il, va dans la plaine, Un lion pour cheval et pour bride un serpent. Vanneau anneau panneau chicaneau ... je crée est moins que : je pardonne. C'est le signe d'un front qui passe l'ordinaire Que d'attirer, ainsi que les monts, lé tonnerre. F° 64 144/100. 1854? Alors fêtes, Paris, bals, théâtres et maintenant Des bruits, des cris, des huées, La nuit, la mer, la terreur, Des lueurs dans les nuées Et des ombres dans l'horreur. 5 146/398. 1854-55. En ce temps-là Cettigne avait pour prêtre et pour archimandrite Nicanor Niegus; homme d'un grand mérite... Caravanes - la diffa (repas du matin et du soir) 66/207. 1854-55. Océan, 492. Chatou - 1838 (été) ? ou Priscum (vérifier) Urbis amatorem Fuscum salvere jubemus Ruris amatores 9 - Ordre à Fuscus, ami des villes, d'être en joie. Signé, l'ami des champs, Horace. - Je t'envoie Pour bonjour ces deux vers stupéfaits dans mon trou D'être nés à Tibur pour renaître à Chatou. Je fais Ruy Blas, et lis Horace dans l'entr'acte. Que ma traduction ne soit pas très exacte, C'est tout simple, fais grâce à mes deux vers vaincus, Car je suis moins qu'Horace et toi plus que Fuscus. 69/91. 1853-54. Pour Dieu pensif qui voit les coeurs dans les poitrines, Le parfum des jasmins et des lys de Sâron Sort du fumier de Job, et l'odeur des latrines Du lit de roses de Néron. parce que parce que Parce que mon enfant est couché sous la terre' Avec les vers de terre et que ses os ont froid. F° 68 1855. passé! amours! rêves! chimères ailées! Tout s'en va. Qui te rejoint? Que de choses envolées Et qui ne reviendront point! Ne vaut-il pas mieux mourir? F° 69 146/247. Vers 1855. Oh! comme par moments, je te hais, vil soleil, Qui réchauffes l'armure exécrable, et câlines Sur la huque en drap d'or le fer des chapelines. F° 70 256/55. 1856. temple antique - brouillard -. Barbu, farouche, fauve, au centre du fronton F° 66 F° 67 1852-1870 989 Un masque de Bacchus couronné de corymbes .,Baigné d'un jour plus gris que la lueur des limbes Riait. F° 71 1854-55. Jadis On essayait d'ôter' la bataille aiix'Achilles; La virginité pâle et sombre de Scyros Était comme une tombe essayée, aux héros; Mais ils s'en échappaient pour entrer dans la vraie; Aux ramiers de Vénus ils préféraient l'orfraie. F° 72 74/2. 1856. Océan, 80. Histoire Est-ce Dieu qu'on entend parler quand le destin Dit aux jeunes Césars, aux jeunes Alexandres : - Roi, tu vas sous tes pas faire voler en cendres Les villes, les autels, les rois, le genre humain. Va! reçois tout de moi. Je mets tout dans ta main. Je te donne l'éclair, la foudre, la victoire, La puissance, le glaive et le sceptre, et la gloire, Étoile bonne à mettre au front de ton cheval. 3 147/384. 1854-55. Peine. de mort - guillotine des deux ombres Que font sur le pavé ces deux grands poteaux sombres L'une, et c'est toujours là ton double front, terreur, Jette aux pauvres l'effroi, l'autre aux riches l'horreur. Le sombre avenir dit à l'homme : Toi transparent, et moi masqué. F° 77 1855-56. Océan, 39. Les formes, les aspects sont des spectres qui flottent Sur l'unité; ceux-ci chantent, ceux-là sanglottent; Mais les besoins, les jougs, les sentiments sont uns; Les miasmes hier ont été les parfums; La fauvette est féroce et la tigresse est tendre; La nature est un gouffre, un centre où tout doit tendre. Dans la création nul être n'est exempt' De la dette 'd'amour, de la dette de sang; Et dans tontes les lois chacun à son tour entre; L'antre a des jeux de nid, le nid ades cris d'antre. F° 78 105/367. Vers 1855. Histoire Ils vous disent :... vos libertés, vos lumières, vos progrès - fléaux sans nombre. Votre peuple est une hydre au fond d'un égout sombre. Vos révolutions sont les terribles jeux De l'élément sanglant dans le chaos fangeux; Vos chants ont pour refrain la mort; ' vos philippiques Hurlent et font errer des têtes sur des piques., .- etc. et vous lui répondez : vos autels, vos religions, Vos rois sont des bandits, vos trônes sont des crimes. Et vos religions sont des antres de nuit. Fo 79 68/85. 1855. Grain de mil Schamyl 10 l'an mil Arbres coupés gisants sur terre Sombres cadavres du travail! Les liserons, ces vases de rosée Juvénal - à Syène " - Continuez; soyez fermes, virils et fiers. Soyez dans les jours noirs, soyez dans le temps sombre La protestatiôn du rayon contre l'ombre. Le bras Canopique du Nil le vent Du deuil et du nuage immense dissolvant [ici une ébauche (début et fin) de Contemplations, III, 27, 12 juillet 1855.] Aux premiers jours du monde beauté et bonté .descendirent du ciel mais ayant rencontré l'homme se transformèrent Fo 81 147/489. 1854-56. Un donjon en ruine, au fond de la vallée, Assombrit. de sa larve âpre et démantelée Un beau lac transparent plein de poissons d'azur, Dans les joncs que sous l'eau remue un souffle obscur 1852-1870 991 -Leur dos d'argent frissonne, et, saumons, carpes, truites, Glissent, et font trembler l'ombre des tours détruites. ... à un oiseau, l'hiver, mouillé Où vas-tu, quand le ciel est noir de tous côtés? Où donc, ô petit être, est-ce que tu t'essuies? A la robe des anges invisibles, répond l'oiseau. .. F° 82 176/13. 1856-58. Et les filles d'Edom qui portent sur leur tête leur cruche où grimace un nain bossu parmi des grappes de raisin Pôlichinelles de tous les peuples anciens et modernes : Maccus, Pappus, Bucco, Casnar, Pulcinella, Punch, ' Karagheuz, Papa-moscas ... Ô gai chardonnerèt peint de mille couleurs;' Lissant de ton bec noir tés plumes tout 'en fleurs, Chanteur, doux arlequin du carnaval des roses,... F° 83 1855. On croyait voir Euryanthe Ou sonnant du cor Quand cette belle 'riante Secouait ses cheveux d'or. F° 84 148/69. 1853-60. Je suis de fer, sur moi vous n'aurez pas de prise; Ce fut [?] votre t dont je me ris d'abord Je suis à claire-voie et je vous gêne fort; Le vent pousse une porte.et non pas une grille. F° 85 - 148/103. 1858? ... Il suffit d'un. forfait pareil pour-que les hommes Tombent du rang suprême où Dieu les avait mis. L'azur' clément se change en gouffres ennemis; Le vent jette indigné le miasme à leur bouche; La lumière irritée en éclairs s'effarouche... F° 86 ' 68/57. Vers 1855. - réaction J'entends sonner au cou des peuples la clarine; ' Ils rentrent à l'étable au sombre appel du'soir. O peuples etc. évasion la fille publique - Sombre. Spectre. vision la veuve des passants - Fo 87 1856. Homme plein de vices. Tu regardes le ciel, l'aube, l'étoile, l'azur, la nuit vierge, la vertu de l'aurore Tu sens frémir ton âme horrible Sous cette chasteté terrible De l'abîme et de l'infini. Fo 88 146/271. 1856-58. duel de Turnus et de Florian [Materne] 1 z (Yvetot, 900 ans). (Alsace, 2 400 ans) Le chêne d'Allouville et le,chêne d'Antrage Sont deux rudes géants; le vent qui les outrage Sort difficilement de leurs bras furieux, Et s'en va l'aîle, basse et boitant dans les cieux. Fo 89 147/390. Ô rive où nul ne passe et que ronge l'écume, Flots sans barque, rochers sans fleurs, arbre vieilli, Astres dans la nuée; 'église dans la brume, Vous nommez-vous.1:hiver? - nous nous nommons l'oubli. 22 juin 1855. bals masqués Tous les spectres du bruit, du rire et de la joie. F° 91 1856-58. Méchanceté de l'homme! . O sombres actions vainement averties! Remords dont on entend siffler le fouet d'orties! O tyrans qui riez au bruit des pas du temps, Et: qui ne voyez pas, sanglants, repus, contents, Tandis.que vous,songez couchés sur les victimes, Se pencher un front d'ombre au-dessus de vos crimes! 2 1858-60? Moi je suis indulgent plus que lui, le ciel bleu, L'aube, avril, tout cela vaut qu'on y songe un peu, Et les petits oiseaux, quel détestable exemple! Le jeune mois de mai, c'est l'éternel doux temple Où, vaguement raillés.par les merles siffleurs, Ceux qui s'adorent vont se cacher sous les fleurs. 1g52-1870 ' 993 F° 94 148/72. 1856-58. ... De larges rochers'bruns apparaissent hideux, Par moments sous le flôt, parfois hors de l'écume, Et ces bons charpentiers disent : moi, j'ai l'enclume, Moi, j'ai le soufflet sombre aux noirs poumons grondants, Moi j'ai la vrille, et moi la scie aux mille dents, Et nous travaillerions gaiment à la carcasse De ce vieux galion,que l'ouragan fracasse. aéroscaphe - on- eût cru voir. Le sombre emportement d'un monde dans l'abîme. F° 96 144/188. 1854. Le groupe éclatant des trompettes " les étoiles fuiront (à ce bruit). Et l'on verra courir sur.le. plafond des cieux Ces flamboyantes araignées. Maison appelée Sur-le-Grès/Surgrès 8 - 176/48. 1856-58. .1. Tel était ce bandit, grandiose après tout, Et digne, en vérité, des cavernes antiques. Je vous entends- d'ici, marchands dans vos boutiques, Chers avoués lettrés, notaires élégants : - Ces bandits! ces affreux montagnards! ces brigands! Ah! disons donc du-mal de's voleurs, je vous prie. Pardieu, si vous viviez' au fond d'une Asturie, Je voudrais bien savoir ce que vous feriez, vous. Vous finiriez par être un peu cousins des loups.. Vous qui vendez faux poids et qui faites l'usure, Et qui de l'indigent grignottez la' masure, ' Bourgeois, soyez moins durs aux pauvres scélérats; Le destin les fait ours, mais vous, il vous fait. rats. 147/131. 1855. Un vent sinistre, fauve, âpre; rauque, en fureur, Échevelant la terre et l'ombre dans l'horreur, Gonflant les eaux noires et. grosses, Soufflera sur la tombe et sur. l'être- à la fois, Et,-hideux, roulera les feuilles hors des bois Et, les cadavres hors des fosses. F° 101 F. 102 147/350. 1854-55. Laisse les flots battre la plage! -O songeur! songeur, que veux-tu? tout se relèvera Ô Dieu, si j'étais une flamme. Sur cette terre des vivants! Si je pouvais semer mon âme Comme on sème une graine aux vents! F.103 147/491. L'homme est comme un bourreau debout dans la nature. L'aube chaque matin voit l'homme qui torture Le grand, le beau, le vrai, Qui raille la justice et l'insulte et s'en joue, Et le ciel souffleté rougit comme la joue De Charlotte Corday. au levant Un long nuage étroit rougi par l'aube sombre Semblait un poisson d'or dans un océan d'ombre (matin du 11 )(bre 1855). F° 104 . 146/224. 1856-58. Les types Et quel. est celui-ci, diable? Le diable . - C'est un guerrier. Pourvu qu'un sexe l'aime et que l'autre le craigne, Tout - est bien. Ce gaillard est le dieu Mars. Il règne. Il est le papillon joyeux du régiment, Par les quinze ans d'Agnès regardé doucement, Ardemment contemplé par les trente ans d'Orphise, Il est sergent. Bourgeois, que ceci vous suffise. Un groupe de beautés l'adore, un tourbillon De déesses l'entoure au front du bataillon, Les amours et les ris l'escortent, il rattache L'essaim des Cupidons au croc de sa moustache. Et toutes les Vénus et toutes les Hébés Qui flottent mollement des soldats aux abbés. L'Olympe tout entier'le suit au corps de garde. Les étoiles font cercle autour de sa cocarde. Le tambour bat, les coeurs battent, France, en avant! C'est lui. 1852-1870 995 L'amour et le drapeau se gonflent dans le vent; C'est lui. Il ne craint qu'un séul homme au monde, la duègne. Ce menton barbu-là lui fait peur. F° 105. 69/65. 1854. Louis XI - Borgia - Torquemada - . temps monstrueux! On eût dit que la fange, essayant d'être mère, Voulait substituer à l'homme une chimère. Toute corruption germait sur ce fumier. Le dernier n'était pas- plus vil que le premier. 08 147/417. 1855. Qu'êtes-vous, fantômes?; Je nie, Je crois, je doute. Votre oeil luit. Etes-vous l'immense ironie De l'apparence et de la nuit? Ôtez vos masques, spectres blêmes! Faut-il que dans tous nos problèmes, Tremblants,. nous vous rencontrions?. Etes-vous démons ôu colombes? Etes-vous du drame des tombes Les formidables, histrions? - Qu'apportez-vous à la pensée? L'effrayant vertige ou l'essor? F, 109 - 147/428. 1855. Nuit, *qui viens aider sur terre ' Les éléments destructeurs, Spectre qui te laisses faire Par tous ces noirs malfaiteurs, Où sont le phare et l'étoile? Où sont le mât et la voile? Fo 110 147/287. 1855. Amoureux je regardais l'ômbre Car l'abîmé 'met l'âme en rut. Viens, me cria-t-il, viens,' te dis je! Viens, suis-moi! c'est l'illimité, C'est le gouffre, c'est le prodige, C'est la sinistre immensité. Viens! c'est l'horreur! c'est l'épouvante! Où jamais la forme vivante N'a hasardé son oeil de chair! Viens! F. 111 144/130. 1854. Il faut faire le plus de bien qu'on peut. Nos pères s'en trouvaient fort bien, et nos grands pères Et les vieux qui vivaient ayant tous ces vieux-là. la profondeur est bonne Car... eau profonde porte barque terre profonde porte blé. la même terre Est riche au laboureur et pauvre au vigneron. Et les arbres des bois et les herbes des friches. F0112 67/293. 1856-58. Océan, 100. Moins sonôre, moins pur, moins radieux; en somme A peu près la même âme et presque le même homme. Mais presque, 'c'est l'abîme, à peu près, c'est le mal. On est beaucoup moins ange, un peu plus animal. Voilà comme on déchoit. Pourtant n'allez pas croire Qu'on soit un drôle; non, on n'a pas 'l'âme noire. On est ce qu'on était, par la vie arrangé : Où croissait la chimère, il croît du préjugé. On est une personne honnête et point méchante; Seulement dans le coeur on n'a plus rien qui chante. Qu'est-ce qu'on a perdu? L'idéal. Rien de plus. Car la vie use l'homme en ses flux et reflux. Et toujours le principe avec le fait cômpose. La vertu, c'est un' vers que le sort met en prose. Fo 115 147/155. 1856. Océan. 119. Vie - apparences - visions de l'immensité C'est le même infini qui, mer bleue, ombre épaisse, Roule, apporte, retire et rapporte, sans cesse, Dans son flot que son flot poursuit, Le jour éblouissant, fantôme d'étincelles, Vivant et frissonnant sous ses millions d'ailes, Et le cadavre de la nuit. 1852-1870 997 Oh! qui, n'a pas tremblé quand l'heure la. rapporte, Quand-passe cette grande et formidable morte, Les yeux fermés, sourde à nos voeux, Traînant comme des joncs les longs frissons de l'ombre Avec les vents, les bruits, les nuages sans nombre, Et les astres. dans ses cheveux!, Fo 117 146/161. 1856? L'été quand les eaux coassent Dans les halliers, pleins de voix, Cela fait aux gens qui passent Prendre un sentier hors des bois. dans ses havres Le noir faiseur de cadavres L'ivrogne de sang humain. Et quant à,faire la 'guerre A monseigneur Godefroi Je ne le conseille guère Même à de pires que toi. Fo 118 1856-58. Cônfessons la justice avec la vérité! .Puisque la' tyrannie est une majesté, - Puisqu'à peine voit-on une lueur qui brille, Puisque le ciel immense est couvert d'une grille, Puisque sur le ciel bleu l'homme met une grille, Puisque les rois ont, fait du monde un cabanon, Dussions-nous en mourir, disohs tout-!* ô Zénon ", Il est temps de cracher ta langue du front du maître... F. 121 147/204. 1854-55. Océan, p. 387. Dieu calme et sombre écrit sur l'infini splendide Les constellations, phrases du firmament; Jamais on n'aperçoit la- main; mais par '- moment On voit errer, au fond, de l'ombre inabordable, La comète, sa plumé énorme et formidable. 22 146/163. Été 1856. la montagne Le saint. Tu n'es pas juste.. - Le comte . - r Paix! je suis- l'homme de nuit. J'arrive vite et droit, et je frappe, et tout fuit; Et je hais la justice, aimant peu' les boiteuses 15. F° 123 1856-58. Elles viennent, vous embrassent, Vous éblouissent et passent, Souriant, pleurant, rêvant, Vous consolent, vous désolent, Et que de choses s'envolent Dans ces visites du vent! F° 124 1856-57. Océan, 60. Elle passa devant la boutique du juif. Les bijoux y brillaient à la lueur d'un suif; Les coins obscurs avaient des flamboiements de mitres. Blanche, elle regardait comme une mouche aux vitres; Et rubis insolents, grenats, saphirs moqueurs, Taillés en forme d'astre ou de lys ou de coeurs, Chrysoprase ironique, émeraude narquoise, Cymophane, topaze, améthyste, turquoise, Aigue-marine, onyx, pyrite, diamant, Raillaient, en chuchotant entre eux confusément, Avec leurs dents de perle et leur rire d'étoile, Son jupon de futaine et sa jupe de toile. F° 126 147/436. Vers 1855. Point du jour. La terre est. noire, l'onde est grise; L'arbre n'est pas encor réel; Pas de nuage, pas de bise. L'étoile est toute seule au ciel. F° 127 1855. : Je.suis rein' d'Angleterre J'm'en fiche. J'ris, j'bois, j'mange et j'digère, Et j'm'en fiche. Je dis de vaincre à mes soldats, Tant pis pour eux s'ils ne l'font pas. Et voilà. Je ponds des princ's de Galle, J'm'en fiche, Boustrapa m'flanq'la gale Et j'm'en fiche. -1852-1870 999 Et je regarde de travers La p'tite Nini que bais'Bébert Et voilà. 28 Le géant chante 16 Pan a' fait les éléments C'est de son sôufliè 'noir qué l'ouragan est fait. Le rocher est son fils, la nuée est sa fille; Il lutte : avec cette âpre et farouche famille, L'éclaboussant d'écume ou de feu l'empourprant; Il les prend, les étreint, les lâche,.les reprend, Les bàise 'et les 'féconde' en ses vastes demences. Quel- redoutable prix à. ces oeuvres 'immenses! - [au.v0 ébauche pour Masferrer] F° 129 69/240. 'i859? ... C'était avant le Trèize vendémiaire 17. Simon Candeille alors dans la Belle- Fermière Faisait évanouir d'aise lès muscadins;,, Vaux-Hall offrait ses parcs et Marbeuf ses jardins; Paris dansàit la nuit, et, pour 'reprendre haleine, Allait rire à Jocrisse ou souper chez Balaine;,- F. 130 69/33. Vers 1855. Soldats, C'est la première fois que la Peur, ignorée De vos stoïques devanciers, Mêle ses poings crispés et sa face effarée- - Aux crinières de vos coursiers. Fo 131 67/226. 1860. Ce' que je veux, le voici : l'évident, l'absolu, seule autorité ... Le vrai dans les esprits et, le bien dans les coeurs; Ne plus souffrir, ne. plus. haïr, ne plus combattre; Le monde gouverné par Deux et Deux font Quatre; Un- flambeau, la science une loi, la, nature.- F° 132 67/258. Vers 1858. Entelle étourdissant Darès d'un coup de ceste 18, Le" cardinal Maï lavant un palimpseste, Bruxelles prodiguant du, bronze à Belliard, D'Aligre retrouvant dans sa poche un liard Ne sont pas.plus heureux F° 133 1858-60. Une oie auprès d'un aigle Une femme charmante, un sot mari C'est la règle, Le sort met toujours l'ombre à côté du rayon; II mesure la peine et l'expiation, Hélas! à la splendeur des plus divines choses, Et la laideur du ver à la beauté des roses. F° 135 Vers 1858. Océan, p. 260. Pour moi, c'est ma coutume et mon tempérament, Je souffre et je me tais; je sais stoïquement Laisser saigner mon coeur, laisser pleurer mon âme. Quand m'a-t-on entendu me plaindre d'une femme? F.136 147/2. 1850-52. Les détonations De tout votre Parnasse, antique taupinière, Être réduit en cendre, être mis en poussière Comme hérétique, au nom de Phoebus Apollo, Jebrave tout, depuis le tonnerre Boileau, Jusqu'à monsieur Nisard, allumette chimique. F. 138 144/121. 1856? Quand j'étais à Jersey, dans l'île fatidique, Où devant l'Océan l'âme éperdue abdique, Des syllabes passaient dans les souffles du vent, Et Dieu resplendissait sous la nature sombre. Je voyais des clartés sortir des fleurs dans l'ombre. Une voix me parlait dans le soleil levant. F° 139 176/19. Vers 1860. Océan, p. 259. . Pour m'endormir, mon cher, Il faut que j'aie autour de la tête de l'air; M'enfouir dans un lit de plume m'effarouche; J'étouffe en y songeant; le soir, quand je me couche, Je prends mon oreiller candide dans mes poings, J'en fais un fronton grec en rabattant les coins, Puis je pose mon front au sommet du triangle, Et je m'endors ainsi perché! Sinon, j'étrangle. F0142 147/214. 1858. Océan, 85. - dans. un cimetière Sur ces fosses éternelles, Dieu t'épaissit,- bois profond, 1852-1870 1001 Pour qu'on voie errer des ailes Aux lieux où les âmes sont; Pour qu'un bruit chàrme ces pierres; Pour que le vent sur les bières Puisse agiter des bercéâux; Et faire sur une tombe' Germer la graine qui tombe Du nid des petits oiseaux! Fo 143 146/413. 1856? ... Princes. Et quant à vos petits, me croit-on assez fou Pour m'éblouir, moi rustre et manant dans mon trou, Quand leur pied,s'affermit ou quand leur front se dresse, Pour célébrer, avec des larmes de tendresse, Le beau jour où l'on voit ces louveteaux mordant, Et pour m'apitoyer sur leur première dent! Que fais-tu là? = Je fais mon dernier brin de corde Dit l'homme. Le dernier, dit Robert [?], et pourquoi? Et l'homme répondit : - c'est que c'est vous le roi. - avais-je pas raison? Fo 145 148/219. 1856-58. Histoire Alors une- fumée affreuse 's'épandit; Capitaines, soldats, princes, peuples esclaves, Tout prit feu, tout coula comme un ruisseau de laves Et l'Europe apparut comme un puits. de l'Etna, La guerre alors, sonnant du clairon déchaîna Dans cette ombre un orage effrayant de bannières. Fo 146 147/563..1856? ... Et la comète court, masque au regard de braise, Nôir démon qui s'est. trop penché sur la fournaise Et qui s'enfuit avec du feu dans les cheveux. Fo 147 1856-58. Sais-tu notre malheur? C'est d'être tous oisifs. Nous ignorons. Fainéants Le czar Pierre eut raison. Sois d'abord ouvrier si tù veux être maître. Savoir un dur métier nous façonne au grand art' De régner, il se fit charpentier, et plus tard Trouvant une servante, il en fit une reine 19. 48 148/226. 1858? ô sombre instant! ô deuil! Il mourut. Regardez ma douleur éternelle; Vous trouverez toujours au fond de ma prunelle Cette heure-là figée en larme dans mes yeux. F. 149 148/343. Fin de l'exil? Un mourant Oh! ce dernier moment, le moment sombre, est beau! ... Si l'on allait Sortir de l'ombre avec de grands éclats de rire? les princes - les seigneurs - guerres injustes Qu'est-ce que leur épée? une prostituée. Pas d'armure qui n'ait quelque tache. Le droit, Le vrai, l'honneur, toujours faussés par quelque endroit, D'affreux viols, le sang du faible, qui ruisselle, Déshonorent la guerre en ce siècle! Il s'agenouille devant l'épée du Cid. O pucelle! F° 157 69/21. 1853-54. ... ces gueux de juges, je suppose, Vont à mon avocat faire perdre ma cause, Attendu que je suis proscrit, que j'ai raison, Et que je suis fort mal pour toute la maison, Les traitant 'de coquins, eux juges, et leur maître De bandit, et crachant, sur l'hosanna du prêtre. 1856-58. Océan, 26. ... ensemble! ensemble! ensemble! Janvier doit grelotter près du vieillard qui tremble; Mai doit s'épanouir près de l'enfant qui rit Autour de nous, selon l'état de notre esprit, Le monde doit avoir la figure de l'âme; Le ciel doit ressembler au cœur; l'homme est un drame Dont les choses, muets témoins, sont les décors; Il est entre eux et lui d'insondables accords; Le râle d'Ugolin veut l'ombre et l'oubliette; Il faut à Lear l'orage; il faut pour Juliette Et Roméo, tout bas soupirant : Addio! Un balcon de. Vignole ou de Palladio. L'unité c'est la loi; tout vit par l'harmonie. F° 159 1852-1870 1003 Fo 160 92/105. Été 1857. ... Faune rêve en sa grotte; il approche en silence Sa bouche d'un pot grec. dont un serpent fait l'anse; Il savoure, muet,, le vieux vin de Tibur..: Fo 161 144/212. 1856. Le pâle genre humain s'enfonçant dans la nuit Regarde les césars, les héros dont l'oeil luit, Passer, dieux monstres des mêlées, " Surgir sur lui dans l'ombre où tout descend Ces faces de lions qui font pleuvoir le sang De. leurs crinières étoilées. F° 162 1856-57. de quoi me plaindrais-je"? pour moi L'aurore chaque jour bâtit la galerie Des heures dont le luxe à chaque pas varie, Et le couchant construit au bout du corridor Des montagnes de pourpre.ét des portiques d'or. F° 163 127/11. Après 1870? Fascination - Il sent en lui la joie énorme dé l'abîme, Et subit, enivré de. soleils ef de cieux, L'éblouissante horreur des lieux prodigieux. L'abîme au fond, c'est-à-dire pas d'yeux. ' Le néant promontoires les noeuds Des flamboiements mêlés aux lacs fuligineux! Fo 165 148/70. 1856-58. au magicien? Qu'es-tu donc, ô destin, qu'est-ce que tu -nous veux? toi qui... ' Toi qui, mystérieux, fais dans le même abîme L'homme sans conscience et sans âme du crime Et le poisson sans yeux des fleuves souterrains? - ô Dieu, toi qui maîtrises Le fort dans ses forfaits, le traître en ses traîtrises, F° 166 1853. Point du jour. L'horizon blanc semble un rêve, L'étoile éteint son flambeau, L'eau blême éclaire la grève, Le matin sinistre lève [Le spectre matin soulève] Le couvercle du tombeau. 68 148/65. 1858-60. Afrique. C'est midi. Soleil à plomb: Sieste. - Et chaque cavalier Ayant défait son casque aux gourmettes d'acier, Dans l'ombre que lui fait l'immobile coursier Entre les quatre pieds de son cheval sommeille. L'Inde où les vers de terre en boas se transforment où les cavaliers dorment Dans l'ombre que leur fait le ventre des chevaux. F° 170 144/45. Vers 1852. Océan, 95. La pluie à flots pressés bat la vitre du bouge. C'est l'hiver, le soir tombe. Un homme en bonnet rouge, Accoudé sur la table et la nuit sur le front, Rêve et songe. On dirait que son regard profond Suit dans l'obscurité quelque objet qui recule. De moment en moment le blême crépuscule Offre un ciel plus lugubre à son oeil plus hagard. La bise entre avec l'eau par le toit du hangar. 71 7/157. 1857-58. Océan, 94. Pourquoi veux-tu passer près de la maison sombre? - C'est que j'ai mes parents, dit-elle, en ce tombeau; Quand je passe près d'eux, c'est comme si dans l'ombre Je leur apportais un flambeau. F° 172 147/153. Vers.1858. Océan, p. 505. Les perles de rosée et les pleurs des tempêtes Sont des gouttes des mêmes eaux; Le petit cri des nids répond aux flots sublimes; Le même pied remue, ô Dieu, tous les abîmes Et balance tous les berceaux. F° 173 1858. Épîtres ... Dieu de fraternité, d'égalité, de joie, D'amour, de liberté, Christ! gloire à toi! tu vins 1852-1870 1005 Réaliser les temps fabuleux et divins Et tous les rêves d'or où resplendit Astrée. Gloire à toi, nouveau-né de l'étable sacrée, Ton apparition est pareille au matin. Gloire!. dans notre coeur et dans notre destin Ta vene, ô Jésus, diminua l'abîme. L'instant où tu naquis fut un recul sublime Du crime, de la nuit, du mal, de la douleur; L'homme étonné sentit qu'il devenait meilleur; Un moment, sur la terre apaisée et bénie, On ne sait quelle tendre et sereine harmonie Remplaça la rumeur du genre humain criant; La tombe eut dans la nuit des blancheurs d'orient, L'étoile qui, depuis que l'homme agit et pense, Tâche de se mirer dans notre conscience, ' Pour la première fois s'y vit distinctement... 74 146/266. Été 1857. - Bas-reliefs 20 - ... que les sculpteurs coiffent dans leur extase Apollon du laurier, Mercure du pétase; Qu'ils nous montrent Cérès marchant la torche en main Des satyres couchés sur le dos, égrénant Des grappes de raisin au-dessus de leur tête latines Des actéons cornus et chaussés de bottines Luttant, l'épée. au poing, contre des lévriers; Qu'Alcippe et Phidias, ces deux bons ouvriers' ... etc. Fo 175 176/62. Printemps 1858. ... Quoi! la société te plaît telle qu'elle est? Quoi! tu ne frémis pas devant tant de misères, Devant, lés contrecoups fatals et nécessaires, Devant les questions que contiennent l'enfant, La femme, l'illettré, ceux que rien ne défend, Devant ce vagabond, fils du Caïn biblique! Quoi! tu ne, trembles pas de la fille publique, Cette chair formidable et livrée à la nuit... F° 177 88/4. Vers 1858. Ô Vulcain, roi hideux des feux que l'Etna couve, Qui boites en t'aidant d'un bâton, ce qui prouve Que le feu ne saurait se soutenir sans bois. F° 180 1858. Comédie Balminette, à Denarius Bon. Voilà que tu fais des mines au miroir. Es-tu coquet? Des yeux, des airs, des plis[?], des bouches, Ah! mon Dieu! Les tours avaient des trous où les bises aiguës Sifflaient en agitant les ronces; des ciguës, Exhalant une odeur horrible de souris, Fleurissaient sur ce tas de vieux créneaux pourris, Et des arbres, faisant des lestes d'automates, Se dressant à travers le toit des casemates, Frissonnaient au-dessus du F. 181 146/157. 1856? Cf. Romancero du Cid. Paroles du chevalier au roi Sans que rien m'en puisse distraire, Je suis loyal, j'en fais serment; Et quiconque dit le contraire S'il est dieu, rit, s'il est roi, ment: 84 141/51. 1857-58. Océan, 137. Aile-Courte raillait un jour Basse-sur-pattes, Et lui disait : - Toujours, ma chère, vous rampâtes. L'autre reprit : - Et vous, toujours vous voletez. Vous allez bourdonnant sans but de tous côtés. La pensée est fort belle alors qu'elle nous hausse; Mais tout ou rien; et nulle, elle vaut mieux que fausse; Vivre à moitié chemin est un fort piteux lot; Bonsoir; je suis la bête et vous êtes le sot. F° 185 256/20. Vers 1859. Alors... Devant l'avènement d'une race meilleure La guerre vieillissant trouvera qu'il est l'heure De quitter son vieux champ de bataille éternel. quand on verra sur la terre Commencer la déroute immense de la guerre. Quand, ainsi que des rêves, On verra dans la nuit s'évanouir les glaives. La guerre morte ayant enfin ployé son aile. 1852-1870 1007 Quand, rentrée au tombeau, La guerre aura suivi la mort, sa soeur jumelle. Fo 186 146/310. Été 1858. Les terres antipodiques - australes - Sombres plages! Là tout est gouffre, écueil, escarpement, récif; La sauvage Wahine 21 à l'oeil vague et lascif Nue et les pieds mouillés par la lame en furie, Y rôde, ayant au cou toute une orfèvrerie. De jade vert, de nacre et de dents de requins, Et les bruns mahouris aux fauves brodequins S'y dressent, l'arc au poing, coiffé de longues plumes D'oiseaux de mer encor tout humides de brumes. Fo 189 146/256. 1858. ... Ah! misérable gueux sans ciel et sans patrie! Mort, on te jettera nu dans quelque voirie Sans qu'on trouve quelqu'un qui veuille t'enterrer; Tous les oiseaux du ciel viendront te dévorer; L'aigle y viendra pour voir comment est fait un lâche... Fo 190 69/20. 1851-52. bientôt On entendra monter le flot, tomber la pluie, Et la foudre éclater sur la vague éblouie, Et les vents effarés souffler dans leurs clairons; Et l'heure formidable approche où nous verrons Apparaître - adieu, roi, prêtre, soldat et juge! Le genre humain dans l'arche et Dieu dans le déluge. Fo 191 148/129. 1858? Conseil des X. Les 10 doigts de la mort Carrés, et tout piqués de trous noirs par le temps, De grands cubes de grès roulent dans cette eau sombre, De sorte qu'il a l'air, ce dur torrent de l'ombre, De jouer dans l'écume aux dés avec la nuit. Fo 192 Vers 1850. Ah çà, j'espère bien que vous ne viendrez plus Si-quelque événement vous chasse en son reflux, Nous parler de liberté, de conscience, de droit, etc. Et qu'après avoir fait en arbitraire et tyrannie Le jour où par hasard vous eûtes la puissance Tout ce que vous aviez à d'autres reproché, Renonçant désormais aux grands airs de tribuns, Aux indignations, aux fiers courroux, aux blâmes, Vous aurez la pudeur d'être en silence infâmes. F° 196 69/232. 1858? ... C'est bien. Hurlez, sifflez, grondez, mordez, méchants! Moi j'aime et Dieu m'inspire, et je retourne aux champs Où mai répand ses fleurs et vide ses corbeilles Sur le flanc des ravins remplis de trous d'abeilles. 97 147/516. 1856-57. Le paquebot s'enfuit, laissant deux traces vaines, Son sillage dans l'onde et sa vapeur dans l'air. Son sillage à l'abîme et sa fumée au ciel. Qui tremblent dans l'azur des deux gouffres mouvants; Son sillage est aux flots, sa fumée est aux vents. 98 149/216. 1856? Astronomie. Astrologie. Satan raille. ... Maintenant au lieu d'Endymion, Phoebé Fascine' l'astronome au teint hâve et plombé, Et de ses.regards, bleus et fixes amadoue Le vieux Pilgram à Vienne et Toalde à Padoue 22, Tandis que son croissant aux deux angles pointus Porte sur l'un Varron et sur l'autre Aratus. F° 199 66/6. Fin de l'exil? Cependant l'horizon blanchit, et dans les champs, Le pâtre réveillé sous le chaume, son Louvre, Secoue à l'air la peau de mouton qui le couvre, Et jette, par-dessus les bois, les pins, les. eaux, Des brins de laine au vent pour le nid des oiseaux. Oh! si de pareils faits pouvaient être impunis Si l'équité d'en haut ne demandait pas compte A l'infâme justice humaine de sa honte, S'il fallait vivre avec cette blessure au coeur : L'innocence proscrite et le crime vainqueur, L'homme, espèce dé larve immonde et résignée; Finirait par sentir la nature indignée, -1852-1870 1009 Nul n'oserait. aller rêver aux solitudes Le songeur tremblerait d'entendre au fond des bois Des colères mêler confusément leurs voix, Et de voir, car le ciel s'émeut de nos désastres, Des diminutions de clarté dans les astres. ailleurs : crois-tu que le songeur Verra se lever l'aube avec plus de rougeur? 144/306. Avril 1870. Vous me dites : Nous repassons' toujours par le même chemin. Hier derrière' nous recompose demain. Tout est le même cercle autour du même centre. Ce qu'on nomme avenir, c'est du passé qui rentre. - Oui, pour Dieu. Non, pour l'homme. Et je réponds :... 147/330. 1858? ... Et pendant que les sphinx accroupis devant Thèbe, Contemplant les palais monstrueux de l'Erèbe, . Seuils que nul n'a franchis,, Fixent leur oeil profond sur les frontons des ombres, Un fellah turc bâtit entre leurs pattes sombres Sa hutte de torchis. . 02 147/159. 1854? L'immense Orphée émeut la Grèce; A son passage radieux La terre géante se dresse Et combat les éléments dieux. 92/103. 1858-59? ... Tout ces chevaux avaient une étoile au frontail, Tous se ruaient avec dés cris d'épouvantail, Tous, farouches, laissaient derrière eux des traînées De générations comme l'herbe inclinées, Et de peuples jonchant la terre sous leurs pas. Ces chevaux se nommaient Guerre, Gloire, Trépas... Fo 204 256/144. 1858-59. Vivons, chantons, oublions, Passons de l'extase à l'ivresse; Fe 200 Fo 201 F° 203 Que le changement d'allégresse Soit notre souci gracieux. Rions, pendant que sur nos têtes Les vastes ondes des tempêtes Envahissent les sombres cieux. F. 207 143/22. 1856-58? Océan, 14. La foule C'est une obscurité, c'est une immensité, Un grand flot d'où s'élève une rumeur de gloire, C'est une mer sans fond, sans bord; mais, dans l'histoire Que la foudre illumine à ses fauves éclats, Aussi loin que les yeux peuvent s'étendre, hélas! Partout le penseur voit, dans la brume profonde, Surgir des.archipels d'échafauds sur cette onde. F° 210 146/91. 1858-59. Océan, 58. Les Écréaux 2J. Écueil. Soudain - qu'est-ce que c'est? Le temps change. Frisson. Quelque chose d'obscur grandit sur l'horizon, Les immenses flots noirs font une rumeur d'âmes, Le vent saute, l'écume éclate au bout des lames, Et, brusquement, voilà la mer comme un chaos. Est-ce que quelqu'un sait le pourquoi des fléaux? A de certains instants dont le mystère échappe Même à ceux que la peine inexorable frappe, Tout à coup, de la part de l'Inconnu profond, La tempête vient voir ce que les hommes font, Et s'élance, et sitôt que dans le double abîme, Sur la mer monstrueuse et dans le ciel sublime, Laissant choir de ses plis le tonnerre vivant, Ruisselante d'éclairs, toute pleine de vent, Long suaire de flamme et d'eau, s'est déployée La robe de cette âpre et sinistre envoyée, C'est fini; tous les fronts se courbent sur l'horreur; L'épi frémit, le flot.hurle, le laboureur Tremble pour sa moisson, le marin pour sa vie; L'air fuit, de l'ouragan la rafale est suivie; Et l'ombre croît- avec un bruit prodigieux. Mettez-vous à genoux, priez, fermez les yeux, Dieu passe. F° 211 146/292. Océan, 25. A qui donc parle la tempête? La tempête parle à la mer. A qui donc parle le prophète? Le prophète parle à l'éclair. 1852-1870 1011 Ils sont jaloux tous deux. C'est que l'eau, sombre fête, Fait plus de bruit que l'air noircissant: le ciel bleu. C'est que.l'éclair. supplée au regard.du prophète Et comme lui 'ressemble à la lueur de Dieu. L'un. dit : je te vaux,,mer méchante! L'aùtre dit - passe ton chemin, Éclair.; je suffis, moi qui chante, À, la. terreur du genre humain. 12 juin 1859. . F0 214 148/90. Fin 1859. Il vient, le Dieu des épouvantes, -Il est là, le Dieu des clartés;. Voici.le puits des eaux vivantes . Chantez! F° 215 Début 1860. Océan, 82. ... Hélas! `comme un panier où jamais l'eau ne reste, L'homme est à claire-voie et Dieu passe au travers; Les esprits sont mauvais et les coeurs.. sont pervers; L'ombre reproduit l'ombre au ciel et sur.la terre; Le mal indéfini flotte dans le mystère; Un crime engendre l'autre; oh! rien n'a limité Le possible effrayant de la fatalité; .. Et que cachez-vous donc'sous vos ténébreux voiles, O gouffre,.ô profondeur sinistre des étoiles? ' 256/3? 1859? ... La cathédrale en flèche et la place en trapèze, Et la difformité des vieux remparts où pèse Un monceau monstrueux de huttes en torchis Dont les murs ont la lèpre et les toits le rachis... 67/264. Fin 1859. ... triste peuple, tu geins. À.fabriquer un tas d'instruments et d'engins D'où sort ton incurable et morne servitude. Quand redresseras-tu ta honteuse attitude, Foule? Oh! tu frémiras un jour, peuple au bras nu; Et j'entends déjà sourdre un tumulte inconnu. Fo 219 '148/277.'1859. ces infâmes Se font prêtres pour voir plis librement les femmes; Fo 216 F° 217 Ils lorgnent Cidalise en prononçant leurs voeux; Et, des bagues aux doigts et de l'huile aux cheveux, Ont l'air de fiancés et non d'anachorètes; Les pères cardinaux cachent sous leurs barrettes La luxure, le vol, la fraude, et ce qu'on a Dans l'âme quand on fait travailler Tofana Z', Leurs palais, où le vice infâme chante et râle, Font moins penser au jour qu'à la nuit sépulcrale D'où sort l'éclair vengeur et providentiel; Quand l'aube rougit Rome on songe au feu du ciel. 1862? Océan. p. 541. Pour je ne sais plus trop quel motif, cette fleur Était restée au lit plus tard que de coutume; Toutes les autres fleurs que prairial parfume Riaient depuis longtemps sur le bord du fossé Au grand soleil, qu'à peine elle avait commencé D'ouvrir le frais volet de ses pétales blanches; Sa paresse faisait fort jaser les pervenches, Les lys disaient : Voilà qui va faire du bruit! Quelqu'un aura passé chez cette fleur la nuit! Un sylphe! C'est affreux. Voilà comme on s'expose. Cette fleur était blanche et va devenir rose. Vous verrez. - Mais la belle, ajustant ses couleurs, Baîllait à la façon des femmes et des fleurs, De manière à montrer la lueur de son âme Et d'être encor plus fleur et d'être encor plus femme, Attachait un rayon à son pistil brillant, Lustrait sa feuille, et tout en se débarbouillant Avec de la lumière et dans de la rosée, Disait : 22 146/114. Début 1859. Amérique Verts chaos de rameaux, de feuilles et de fleurs, Sombres virginités des forêts, ô palmares, O savanes, ayant des océans pour mares! Fleuves, lacs, arbres, flots, sèves, débordements! palmares, forêts de palmiers F° 223 146/354. Fin de l'exil. On se rattache à la vie comme on peut. Les plus malheureux et les pires. Personne Ne veut mourir. ... L'affreux cardinal de Valence F° 220 1852-1870 - 1013 César 25 se trompe et boit lui-même son poison, Et par sa propre erreur pris dans sa trahison, Pour-ranimer le sang dans sa.veine abhorrée, Se plonge au corps fumant d'une mule éventrée.. Fo, 225-226 129/46. 1854-55. Nous voyons les vagues vertèbres Du noir chaos [ensemble].illimité; Et nous sentons,.vivants funèbres, Passer. sur nous dans les ténèbres Le frisson de l'immensité. Feuille de papier qui était dans le salon la nuit de la lueur. [21-22 février 1854?] Fo 227 147/505. 1857-58. Océan, 70. La statue est souvent une sombre ironie; La- pierre peut railler la foule; un noir génie Tord en spectres hagards le marbre et les métaux; Dagon écrasait Tyr; du haut des piédestaux Le bronze humiliait Rome molle et féroce Sous Commode géant et sous Néron colosse 26... Fo 228 67/247. 1859. J'aperçus une femme auprès d'une fenêtre. Le jour sur son visage était distribué Comme par Emmelinck 2' ou par Cimabuè, Si bien que le passant, au gré de sa chimère Pouvait. la rêver vierge ou la supposer mère. L'astre veut l'auréole et la fleur la rosée: Fo 229 146/307: 1859. Vis en Dieu. L'Eternel, c'est la haute retraite Celui qui, se vautrant dans un butin infâme, Prend sa part du profit d'un prime, hait son âme. Qui donc sait comment pousse l'herbe?- Homme, as-tu de tes mains vêtu L'aube blanche et le 'lys superbe? Fais-tu la fleur? fais-tu la gerbe? Quel est son nom? Le connais-tu? ... Le tigre alors le prit dans ses dents mâchelières. 1014 OCÉAN. VERS L'écriture dit : la sangsue a.deux filles qui disent : apporte, apporte. L'écriture dit il y a quatre choses qui ne disent point : c'est assez : l'eau, le feu, la femme et le sépulcre 2&. F°, 230-231 1861-62. Océan, 115. Tu sembles. étonné : je ne puis te comprendre. Est-ce que tout n'est pas comme il doit être enfin? L'envie est sur la terre une espèce de faim. L'homme, te voyant grand, réprime ce désordre. Le tigre ouvre sa gueule et le ver veut te mordre; On te jette l'injure et le rire et l'affront, L'homme à prendre un caillou sur ton passage est prompt, Le lâche te déchire et le puissant t'exile, Et tu te plains! de quoi? Veux-tu donc, imbécile, N'ayant fait que du bien, n'avoir pas d'ennemis? Les bons, les sages? Cherche où l'homme les a mis. Un juste, c'est gênant, et cela nous encombre. L'humanité, qui va comme elle peut dans l'ombre, N'a-t-elle pas craché sur un. nommé Jésus? Quand une croix se dresse,' il faut être dessus, Et non dessous. Je plains, non ceux dont le sang coule, Mais ceux qui sont l'escorte et ceux qui sont la foule. L'oeil tragique d'un saint dans le bûcher ardent M'attriste moins que l'oeil stupide regardant. Les durs tourments subis font la gloire viable. La chose par-dessus toute chosé enviable, C'est le partagé avec les martyrs généreux. Je suis jaloux de voir qu'ils gardent tout pour eux. Ce qu'on doit savourer avec d'âpres délices, C'est la dernière goutte au fond des grands calices. Le ciel qui s'ouvre emplit la mort de sa fierté; Oh! souffrons! quant à moi, je suis toujours tenté De demander leur reste aux buveurs de ciguë. aiguë bisaiguë ambiguë on aiguë exiguë contiguë F° 233 147/413. Automne 1854. Océan, p. 262. Les vagues par moments 'dispersent ma pensée Sous leur écumé au flot amer; Je demeure sans voix sous leur âcre rosée,. Et je regarde au loin fuir ma lyre brisée Par ces bacchantes.'de la' mer. Océan, p. 297. Arbre du bien et du mal. Science. Liberté. . Quelle étrange clarté dans. la fatale pomme Que la première femme apporte au premier homme, 1852-1870 1015 Qui livre Troie au coup mortel, D'où sort parfois l'épine et quelquefois la palme, Et que retrouve, au front d'un enfant doux et calme, La flèche de Guillaume Tell. Fo 234 67/280. Fin 1859. ... Gloire aux simples! J'admire et j'aime les poètes, Les sages, les héros, ces grands cceurs triomphants, Crédules et naïfs ainsi que des enfants, Et les puissants lions, ces buveurs d'eau limpide, lapide Fo 235 1858-60. la pauvre petite fileuse (l'araignée) Je hais le vieux pouvoir farouche Ayant un dogme dans sa bouche Et dans sa poitrine un glaçon, Et tous les fléaux pêle-mêle Dans sa main, et sous sa semelle, Ton araignée, ô Pélisson! Fo 236 146/192. Serk 1859. Le bagne - la galère - ... La touffe de cheveux qu'on jette hors du peigne N'est pas' plus répugnante à voir que ce vil tas De gueux tombés du gouffre à force d'attentats, Et de la foule humaine arrachés pêle-mêle. [au v° ébauche du début de L'Idylle de Floriane.] Fo 240 256/45. 1859-60. ... (Car) l'homme de crime et de honte Craint les ténèbres et les fuit; L'âme du juste seule affronte Les sombres regards de la nuit. Fos 241-242' 147/566. 1856. Océan, 12. Que votre gloire est courte, ô grands hommes. du glaive! Guerriers! comme'' un trophée est vite *un ossement! Comme vos panthéons s'en vont rapidement! Vos temples sont du vent; vos dômes - confus roulent, Vos arcs gisent dans l'herbe; et pendant qu'ils s'écroulent, On entend le rouet du fil mystérieux. Allez, passez, tombez,' rois, conquérants, faux dieux! La mort a pour fuseaux vos colonnes trajanes. 1016 OCÉAN. VERS Fo 243 Copie Daubray. L'homme est le maître; tout le nomme, Les monts, les plaines, l'air, le feu; La terre répète pour l'homme L'hymne que le ciel chante à Dieu. Fo 247 1860? Océan, 135. Qùerelle du 6 et du 9. Le 9 Le 9 sème, 'le 6 récolte. Le 6 Tais-toi, tu ressembles au g Le 9 Tu n'es que le 9, en révolte! Le 6 Tu n'es qu'un 6, découragé. 15 mai. Fo 248 1856-58. Océan, 68. L'homme esclave! de qui? De l'homme. O cieux profonds! Cieux purs! vous nous donnez l'âme, et nous l'étouffons. . Nous changeons l'onde en marécage. Toute horreur sort de nous. La douce Liberté Vient des cieux, bat de l'aile, et vit dans la clarté. Dieu fait l'oiseau, l'homme la cage. Fo 249 246/142. 1859-60. Sait-on ce qu'à la tempête Disent les flots écumants? Sait-on les signes de tête Que se font les éléments? La petite fleur des prés joue Avec l'aigle dans l'infini. Fo 250 147/578. Début 1856. Océan. 102. J'ai lu Dante. Quand j'entrai dans ce lieu sinistre, il faisait nuit. Le mal régnait. La guerre et la mort qui la suit, Et la couronne horrible et la tiare sombre, Et les sceptres couvraient la terre de, leur ombre. Et les peuples marchaient dans le sang et le feu, Le roi cachant la loi, le pape masquant Dieu. Je pris ce livre, écrit par une main de pierre. 1852-1870 1017 J'étais aveugle et jeune; et j'ouvris la paupière; ' Et quand j'en eus tourné vingt pages, j'étais. viéùx. Je connaissais les rois, les.prêtres, l'envieux, Le méchant, l'imposteur, l'hypocrite, le juge. 147/315.. 1856. Océan, p. 409. Un bruit profond.roulait dans les souffles de, l'air; Les barques se hâtaient vers le port, et la mer Les chassait avec des huées; Le soir disait : salut! le jour disait : adieu! Au couchant flamboyait le soleil, oeil de feu Sous le' lioir'.sourcil des nuées. F° 252 -, 1858? Un soir, j'errais, passant débile, Comme à Delphe errait' la sybille; Près d'un cromlech presque détruit, Et je regardais, immobile,. . Ces sombres pierres de la nuit. Une voix triste, à mon approche, Sortit de ces spectres de roche, Et me dit :, , F° 253 148/36. 1860. boude Le vieux mont Lothian, appuyé sur son coude, Rentra dans son silence auguste, 'et se' rèmit - A regarder les cieux, et le lac qui frémit, Et l'astre, et- le passage orageux `des nuées... 146/200. 1858-60. ... et-cependant au bas de la montagne Un pâtre dit.: - j'ai chaud. Le,ciel est bleu. C'est bien. Et je vis tout nu, comme un coureur nubien:. Personne plus que moi, dans les saisons nouvelles, N'a de coeur et 'de force à rentrer les javelles; Je suis bon moissonneur et je suis bon - glandier; Et je n'ai pas besoin d'aller étudier '. Chez les égyptiens, les mèdes et les perses, Pour.- faire d'un pipeau.sortir des voix diverses. F° 251 F° 254 F° 256 edalumu, diable ut vos ede-i-ora 29 67/103. Fin, 1853. Le visage effrayant de la morte exprimait cette immense douleur du corps désespéré. d'avoir perdu l'âme. - princes - ... Je brave vos archers, vos tireurs d'arbalète, Vos colères, vos cris, vos donjons, vos fossés, Et vos casques hideux aux ailerons dressés. F° 258 Fin de l'exil. Tous les crimes sacrés, tous les vices célestes Rayonnent sur ce faîte, et les haînes, les pestes, Le vol aux pieds ailés, l'inceste aux yeux lascifs, La guerre, secouant des éclairs convulsifs, La colère, l'orgie ivrogne, la débauche, Tous les fléaux, tyrans du monde qui s'ébauche, Resplendissent, groupés sous le firmament bleu, Et tout le mal possible à l'homme est là, fait dieu. F. 260 7/230. Vers 1865. Tant qu'on n'exigera de lui d'autre besogne Que de bénir un tas de coquins, que d'avoir La louange du crime et du mal pour devoir gageure D'apostiller., devant.l'éternel un parjure, D'ajuster l'Evangile avec la trahison, D'approuver Les règles, à la bourse et la pêche en eau trouble, Le clergé satisfait, ayant râtelier double, Râtelier chez César et râtelier chez Dieu, Obéira, fera bonne mine à beau jeu, Rira, suivra; paîtra, touchera. sa prébende, Arrondira sa poche 'et servira la bande. C'est juste, puisqu'au fait ce qui souffre ce n'est que le droit, la vérité, l'honneur, la conscience humaine. ' Mais qu'il s'agisse De,la moindre rature à faire au Syllabus' Et voyez se cabrer les évêques fourbus! Et voyez, etc. ' L'empereur 'n'est plus bon qu'à jeter aux Baroches. 61 70/165. 1869-70. À lady Diana B -30 (qui se souvenait, disait-elle, d'avoir été chatte à mon service dans une existence antérieure) 1852-1870 1019 Je t'aime mieux femme- que chatte. Tu.donnes encor mieux la patte,. Plus qu'un. matou tu m'attendris; Mieux qu'une chatte tu soupires. Femme, tu donnes des sourires, Chatte, tu prendrais des soùris. . J'ai interverti les deux derniers 'Vers en les lui disant : Chatte,. tu. prendrais des souris; Femme, ni donnes des sourires. Et j'ai ajouté : Au fond, c'est la même chose. 62 151/164. 1861. Océan, p. 447. -.Le père vieillissant gît malade en son lit. On entend les enfants pleurer. La bise est aigre. La mère tremble. au vent et découvre un sein maigre Où pend le derniér-né, blême et nu comme un ver; On doit son terme, on n'a pas de feu, c'est l'hiver, Aucun travail né va,.la, saison, est contraire, Le bouge affamé,râle et grelotte; et le frère, Sombre, frémit du pain, que. rapporté la soeur. F° 263 68/105. Fin de l'exil. Denier de Saint Pierre Pour être humble, indigent, Contrit, pareil au Christ.il lui faut de l'argent, Et pour dire.la messe' et pour faire la.guerre; Tenez, pour se coiffer, savez-vous qu'il n'a guère Que cent tiares d'or et vingt de diamants? Delesvaux, Grandperret, Glandaz, Boudet, Brunet, Aulois, ,Cazeaux, Fourchy, Bazire 31! F° 264 77/94. 1861-62? Ainsi je méditais Dans Villers 32, l'abbaye écroulée et farouche,. Où l'on voit chaque soir, quand le soleil se couche, Pour regagner leurs nids cachét dans les tombeaux, Arriver à, grands cris des 'troupes de corbeaux. F. 269;.. - 1874. Océan, 67. À S.-B. " Que dit-on? on annonce un libelle posthume De toi. C'est bien. Ta fange est faite d'amertume; Rien de toi ne m'étonne, ô fourbe tortueux! Je n'ai point oublié ton regard monstrueux Le jour où je te mis- hors de chez moi, vil drôle; Lorsque, sur l'escalier, te poussant par l'épaule, Je te dis : « N'entrez plus, monsieur, dans ma maison! » Je vis luire en tes yeux toute ta trahison, J'aperçus ta fureur dans ta peur, ô coupable! Et je compris de quoi pouvait être capable La lâcheté changée en haine, le dégoût Qu'a d'elle-même une âme où s'amasse un égout, Et ce que méditait ta laideur dédaignée; On devine la toile en. voyant l'araignée. 21 octobre [1874]. F° 270 147/257. Fin de l'exil. Préférons l'honneur pauvre à la honte prospère, rejoignons, ainsi que deux tisons, L'art 'avec la nature éternelle, et puisons Dans la beauté des cieux dés motifs de colère; Que la création qui brille et notis éclaire, Tout entière, azur, vie, aurore, firmament, Soit un grand combustible à notre emportement! Si, nous, les descendants des vieux briseurs de chaînes, Nous étouffions le feu sacré des justes haines; Si... la foudre .... cette serpente rampa dans le nuage et vint mordre au front la montagne F° 274 66/9. Printemps 1870. pensifs O soldat, te voilà' dans le rang, et tu penses; A quoi donc? Au devoir, aux saintes récompenses, A la mort glorieuse et sacrée, à l'honneur, a la femme aimée A la patrie à la rentrée -au lit [nid] - Où t'attendent-les mains du père qui bénit. Nous allons, s'il te plaît, continuer, César. F° 275 ' 66/11. Février-mars 1870. Que tu t'appelles Isaïe, Que tu sois Jean d'herbe vêtu, Que tu sois la face haïe De l'honneur et de la vertu, 1852-1870 1021 passe et va comme le javelot Indifférent à tout ce qui n'est pas la cible. bique dithyrambique F° 276 Autour de 1870. Quand monsieur le curé dénonce dans sa chaire L'idylle d'un bouvier avec une vachère, Quand madame Beacher plaide pour l'oncle Tom, Quand le diable choisit Bismark pour factotum, Quand Shakespeare à côté d'Ariel met Bottom, ADDENDUM F° 273 Après l'exil. Ils reconnaîtront l'homme étranger aux partis, Penché sur les souffrants, les pleurants, les petits, Qui n'a d'aucune mort voulu faire sa fête, Et dans l'ombre est resté fidèle à la défaite; Qui, faible ou fort, n'a rien combattu que le mal; Qui, du camp terrassé ni du camp triomphal, Ne s'est fait le tribun et ne s'est cru l'apôtre, Et n'a jamais voulu d'un vainqueur ni de l'autre. Fo 195 1858? Une nuit je courais la poste au clair de lune Sur la route qui lie Irun à Pampelune, Regardant l'horizon s'enfuir, et pour régal Ayant le mayoral compliqué du sagal; Les forêts frissonnaient au loin, d'ombre remplies; Et huit mules de feu, secouant des folies De grelots, de plumets, de houppes, de pompons, Faisaient dans les ravins trembler l'arche des ponts. LE MANUSCRIT 24 789 1870-1884 F° 1 -144/14. 1874. Quand Roland. appelait Charlemagne, Charlemagne! et sonnait 'du cor à Roncevaux;: Lorsque Hippolyte était traîné par ses chevaux, Quand Bayard expirait sans réproche et saris tache, Quand madame Roland disait devant la hache Que de crimes commis en ton nom, Liberté! C'est de l'ombre, 'et pourtant' c'était de la clarté, Car une grande mort rayonne. - Mais... Fo 2 1874-75. Sache qu'un bon flatteur, c'est l'insulteur; on flatte Mieux en perçant un sein qu'en baisant une patte; Lécher Néron, c'est bien; mordre Caton, c'est mieux; Romieux Lèche un' tyran, c'est bien, mords un proscrit, c'est mieux. Les Proudhons sont meilleurs valets. que les Romieux. Les prêtres ont un art, c'est d'insulter les femmes; Par des lascivetés dévotement infâmes, - Ils les attaquent, vils, obscènes, sans rougir. Pilez dans un mortier Margoton, Zéangir, Crébillon fils, Vadé, Corydon et Bathylle, Vous aurez une pâte assez semblable au style De Veuillot, quand il.cherche à salir par l'affront La grande George Sand, calme et l'aurore au front. F° 4 70/207. 1871-73. l'an neuf Que Georges pour sa fête ait un pantin tout neuf, Que Nodier aperçoive un Elzévir qu'entr'ouvre Le frais zéphir d'Avril sur le vieux quai du Louvre, Qu'un pêcheur de morue arrive à Lofoden, Qu'Adam s'éveille et voie Ève errer dans l'Eden, Ce qui sort tout d'abord de ces hommes de proie, De science et d'amour, c'est un long cri de joie. Fos 5 et 6 144/5. Autour de 1872. Rose au bal essayant sur nous ses yeux vainqueurs, Douce et belle, et faisant le massacre des coeurs, Voltaire ayant Garasse et Nonotte à fouailler, Romieu gris, un renard soupant d'un poulailler, Un chat plein de souris se léchant les babines, Romulus, casque en tête, enlevant les Sabines, L'abbé Gaume, tapant sur l'université, N'ont pas plus d'allégresse et de férocité. L'avenir vient, déluge. Oh! je serai content Pourvu qu'en cette mer qui monte, et qu'on entend, La. justice ait le sort d'Arion, et parvienne, Tremblante, à surnager sur. le dos de Devienne. espèce Pour que la conscience humaine s'en repaisse Je cherche une lueur dans la nuit, plus épaisse Et plus mêlée au ciel que les branches des bois. Les bêtes et les rois, ces mornes somnambules. bulles FO, 7-8 ' '66/73. 1871-72. N'être pas grand, c'est fort contagieux; Le nain donne sa peste, et tout se rapetisse; On trouve la police où l'on vit la justice; En un ruisseau d'égout il changerait le Nil; On appelle Sénat ce qu'on nommait chenil; Ô. Louis, roi des rois, roi soleil, il étrique Ton sceptre d'or jusqu'à n'en faire qu'une trique. J'ôte la pierre, amis, de dessus l'in-pace. Quand tu ferais vibrer sous un archet de soie Le violon persan fait d'un os de poisson. 1870=1884 1025 . Or -ton honnêteté, cuistre, Eh bien, je n'y crois pas éperdûment. Pan aux pieds- fourchus. - tout cela Est moins grand que le Cid en habit d'écurie Supposons que la reine Ecrevisse Prenne un'jour le soudard Chacal à son service; Vous aurez Changarnier servant la droite; on lit dans ce lexique Fiasco, voyez Strasbourg; Chute, voyez Mexique. Alimenter, mon :âme aux gamelles de Rome! Point. ' - Sur ce, droit au but et pas de faux-fuyants.,. * Où Juvénal jeta sa plus superbe écume. Le sud Harmodius et le nord Ankarstrom. Un crime pour un monde est un faux point d'appui. Ce Sénat.! quelle,horreur!.tremblons, -tremblez, je tremble ça se.conjuge l'anarchie. les hurleurs les spectres rouges et noirs je te dis,'-à' juge = séquelle En tirant. du panier une tête à laquelle. Adhère' en'çoré un peu de sciure de bois : - Mange.=''I1 en sort du sang, juge,' et je té dis : bois. - et je te l'offre Et l'on a ce héros Rampon (ajoutez' 1'n) Volis avez canonné ' le peuple; vous.tirâtes Sur Rome et sur Paris ainsi que des pirates. F° 9 70/250. Vianden, 1871? La ligne` droite est-bonne, 'et le juste la suit'; Mais ce n'est pas toujours -la même qu'on fréquente; alors Ô Larabit, vers toi, frémissant, j'ai soufflé. Quel noir fourmillement de monstres, Duruflé! Le sage a la tangente et le fou la sécante. Jamais sur cette terre et dans notre horizon, On n'a tout à fait tort ni tout à fait raison. Est-ce que tout n'est pas matière à controverse? Dans notre certitude un peu de doute perce'. plus hagards La Corse et ses bandits, la Vendée et ses gars. Il s'agit que le peuple ait enfin tout son droit. Fo 10 173/42. Vers 1873. Heureuse d'entrevoir Dans le frais clair-obscur 2 du bois des asphodèles Plein de nids murmurants et de battements d'ailes, Le doux temple d'Hébé que les Amphyctions Consacrèrent avec des imprécations. recueilles Le doux bruissement des ailes et des feuilles. F° 11 141/2. 1872. Ainsi la même énigme et le même mystère Est.sur Jasomirgott luttant contre Lothaire; Sur la tour d'Elseneur et sur la tour d'Argos, Sur les derniers saxons et sur les derniers goths; Fo 12 126/9. 1872. (comptez si vous pouvez,) Tout ce qu'en se fourrant dans les branches, s'attire De coups de becs, de coups de pattes, un satyre Lorsqu'il veut essayer de regarder de près Ce qui se passe aux plus ténébreux des forêts. Demandez au satyre Pourquoi ces coups de becs furieux qu'il s'attire, Ce songeur vous dira : c'est parce que je vois De près ce,qui se passe au fond obscur du bois. Fo 13 147/234. Vianden, 1871. il est L'homme à qui la victoire ivre et folle déplaît. 1870-1884 1027 Et dans nos temples, nous qui croyons, nous allons Prier celui qui met sous clef les aquilons, De ne plus déchaîner de tels vents sur la terre. il fait pàrtie Du tombeau, dont il est le porte clefs; il est À la Mort, puisqu'il est son spectre et son valet, O victime! ô forçat! quel, mort qu'un tel,esclave! Eh bien! celui qu'il tue avec son sang le lave; Il faut le patient pour sauver le bourreau. ressusciter celui qu'il fait entrer celui qu'il jette dans la tombe Dans la mort, dans la nuit,..sombre, l'en fait sortir. Qui donnera la vie au,bourreau? le martyr. Paris délivrera Berlin * Moi, je vis dans dix ans d'ici. Je vois la fin. Oh! je la vois. Je suis content. Et je serais -' Il faudrait que je sois d'un coeur bien peu tenace De borner ma colère à la simple menace. L'avenir lumineux viendra voir les décombres Qu'on appelait jadis Honneur, justice, droit justice, vérité Grandeur d'âme, respect des peuples, droit, raison * On les trouve ' bien... ' changées: F~ 15 1873. Ô souvenirs! regard des faunes à travers Les roseaux où se cache une nymphe aux yeux verts! O familiarités divines échappées À Méléagre avec les Grâces Ménippées! Tutoiement d'un. Satyre à- la bacchante! élans 4 70/309. 1873 ou fin de l'exil? Car le bourreau n'est pas.vivant; il n'a plus d'yeux Pour voir les' champs, les, fleurs, et le.ciel radieux; C'est une âme sinistre et du monde sortie D'Alphésibée autour de Phillyre aux bras blancs! Méléagre Fo 17 1872. Sont-ce des vérités ou sont-ce des mensonges? Et moi-même, en disant ce que je dis, je sens Monter l'horreur sacrée en mes os frémissants, Je sens une fureur divine et vagabonde Qui dans mes yeux flamboie et sur ma lèvre abonde; Car cet homme parlant aux hommes, et qu'ici Une sorte de vie éternelle a saisi, Cet homme consolé, résigné, grand, sinistre, Il est ton spectre, ô gouffre, et n'est pas ton ministre. F. 18 151/195. Début 1875. Tant l'homme est altéré d'abîme et d'infini! Tant il est malaisé dans ce monde puni Où tout est fièvre, faute, avidité, souffrance, D'apaiser cette soif terrible l'espérance Tant il est malaisé d'apaiser l'espérance! [Cf. ci-après fo 75] Fo 19 1874. Je dédaigne Satan malgré son piédestal, L'autel. ce monde où les pires sont rois Les démons sur le trône, et les dieux sur la croix. J'ai pour muse une pâle déesse les heureux malfaisants Qui porte ce manteau d'étoiles, le suaire, Qui parfois dans un coeur ne voit qu'un ossuaire, Qui regarde en haut l'homme et non le piédestal, Et qui, sombre, au-dessus de ce monde fatal Où quelquefois la honte est extraordinaire, Passe dans la nuée, et comme le tonnerre Sent l'immense besoin de châtier quelqu'un. au regard sérieux les insensés, mais non les furieux 1870-1884 1029 Fo 21 70/199. Autour de 1871. Messaline, Hideuse et belle, en proie au démon inconnu, Entre au lupanar, prend le premier lit venu, S'y couche, et toute nue, aux passants; dans cet antre, Elle montre le flanc de ta mère, son ventre, O fier Britannicus! Fo 22 70/352. Après le 16 février 1849. La révolution montre quelque surprise Quand Pasquin fait l'aimable et se familiarise; La fauve liberté s'étonne quand Crispin Lui vient dans son cachot tendre un morceau de pain, * délicate... La France au triple front qui parfois est Hécate Fo 23 70/173. Fin de l'exil? Tout cela, marabouts, synodes, sanhédrins,- Eddas, Korans, Talmuds, bonzes, rabbins, conciles Et Sorbonnes, s'appuie au. tas des imbéciles. Quel bloc que la bêtise humaine! quel granit' Pour porter l'édifice énorme des mensonges! Base à l'échafaudage effroyable des songes. prêtres leur véracité Va de la mère l'Oie au Père Loriquet. les pauvres curés comparés aux évêques Oui, d'autres ont l'épine, et vous avez les roses, Messeigneurs. Fo 24 70/197. Fin de l'exil. Madame, vous aviez un père que j'aimais. mais si Clémence Isaure, La même qui jadis fonda les jeux floraux coraux Ce que je vais conter, est-ce un rêve? une fable? Je l'ignore. Est-ce écrit par un saint, par un diable? Est-ce en un livre grec? est-ce en un livre indou? C'est tombé de là-haut, du ciel, je ne sais d'où. J'ai ramassé ce fait comme un aérolithe, Cela vient-il de notre effrayant satellite, La lune? Je n'en sais, ma foi, rien. Cela dit, Je commence : Sans crier gare, et sourd à ce que nous disons Nous mortels, le bon Dieu nous jette les saisons A la tête, et tant pis, dans ce noir pêle-mêle, Si juillet nous rôtit et si janvier nous gèle. Fo 25 92/199. Vers 1872. le soir, leur journal fini Après avoir bâclé leur crime du matin Dans tous les cabarets et dans tous les tripots ... Ces hommes, ces marchands joyeux de leur honneur, Serviteurs ricanants de toutes les vendettes, Dépensent tout l'argent qu'ils n'ont pas, ont des dettes, Des filles, des chevaux, un tailleur, un coupé, Grisent Javotte avec du champagne frappé, Et font, de ce qu'on aime et de ce qu'on admire, Et de leur conscience, un long éclat de rire, Soupant, buvant, mangeant, riant à pleine voix, Gais, exquis et pendant ce temps-là, le bourgeois Leur,bête, leur jouet, leur maître et leur esclave Rôde farouche ayant dans sa gueule leur bave. Que Georges lira quand il sera grand. Fo 26 147/558. Vers 1875. Océan, 143. fuite des nuées Avenir. La fraternité pacifique Chaque jour plus vaste abritant Sous son ombrage magnifique Le genre humain calme et content, Reliant toutes les contrées, Couvrant les têtes éclairées, Dans la plaine et sur la hauteur, Croît, et jette d'immenses lierres Des- Apennins aux Cordillières Et des pôles à l'équateur. 1870-1884 1031 Fo 27 147/538. 1872? Venise tes prisons sont pleines d'innocents Les cours- par où l'on sort, ville, d'herbes sont vertes, Le délateur te dit tout bas ses découvertes. ou : Venise, pour vivre, tu fais pacte avec toutes les infamies, tous les crimes Tu dis courage au lâche et tu fais signe au traître. L'ami livre l'ami, le. disciple le maître. Des spectres sourds, rôdant la nuit, sont' tés soldats. L'espion masqué sort de tes geôles géantes, Et les bouches de bronze en ton mùr noir béantes Causent avec Judas:' Fo 29, 69/123. l'Ancienne Rome Et Juvénal s'écrie : on compte moins de justes En notre siècle, impur cloaque, affreux chenil, Que de portes à Thèbe ou de bouches au Nil °. poëtes Spurinna 5, vieux consul, était joueur de lyre; Rufus jetait le sceptre et refusait l'empire Afin d'avoir du temps pour écrire des vers. Virginius Rufus. Fo 31 - Fin 1871. Et les êtres qu'on nomme anges, forces, esprits Nous regardent du haut de Dieu, lointaine cîme Vous perdez votre temps. Fouetter la mer. Ensuite? Egratigner une montagne. Après? ce nain, Du beau, du vrai, du grand, insulteur ordinaire, Montre le poing à Dante, à Shakspeare, au tonnerre. De plus il est payé par. la. police. F.33 1871. Le peuple indocile - La mer n'obéit pas; et toujours son flot bouge, Le fît-on présider par un beau poisson rouge Pris dans un tribunal, souple, agile, et plongeant Entre deux eaux, avec des nageoires d'argent. à la princesse S.G.` Vous aussi! vous frappée! à quoi donc sert d'être ange? F° 34 Fin de l'exil? C'est pourquoi je vous dis Que ce sera demain votre dernière aurore, Que vous êtes perdus, que vous mourrez ici, Ce qui me trouble peu, voulant mourir aussi, Et vieux, vaincu par l'âge et.l'exil solitaire,, Je n'ai pas de raison pour mentir sur la terre. F.35 69/121. Fin de l'exil. Quelque chose de plus redoutable que l'homme Est dans l'enfant Et l'on sent que devant cette blancheur suprême Si Dieu voulait que l'oeil de l'homme la pût voir, Le cygne serait sombre et le lys serait noir. La colombe elle-même aurait un peu de honte. Il y a en lui de l'enfant. F° 37 Vers 1870. Et le roi stupéfait songea. Son Dieu, sa Bible, Son Talmud, son Koran, les faits de ses aïeux, N'avaient jamais montré rien de tel à ses yeux. Et pendant qu'il parlait toute l'armée Fut un feuillage énorme et vague, et disparut. La montagne Et tout, tremblant, au fond des cieux s'évanouit, Fut un feuillage énorme et vague, et disparut, Le roi se dissipa, la montagne décrut Et cessa d'être un lieu quelconque, et les abîmes, Les gouffres entrevus, les profondeurs, les cîmes Firent on ne sait. quel tumulte dans la nuit, Et tout, au fond des cieux, tremblant,.s'évanouit. Alors on entendit passer des voix.étranges 1870-1884 1033 Disant,des mots compris des spectres et des anges, Et dont le sens était.: - Sachez que Dieu voulant... Défense, pas un mot dé plus, homme insolent. 8 245/41. 1872-73. Quelle fête après le rude hiver! Un rayon sort de l'ombre,.une aile sort du ver. - `G sources! ô clartés! éclosion d'aurores.! Tous les petits oiseaux pendent leurs nids sonores A la branche sacrée et tremblante de mai L'antre énorme aboutit au radieux jardin; Et c'est pourquoi mon vers d'acier; changé soudain, Chassant subitement les strophes vengeresses, Va tutoyant les dieux et baisant les déesses. Fo 39 :213/98. Août 1873. Ma correspondance avec M. de Broglie au sujet de Rochefort' Un regard d'ombre. entraîne une barque sur l'eau. Cette ombre est Paola femme.de Paolo, Paola"venait voir si Paolo demeure Toujours au même endroit et sort à la même heure. ,le soir -. .. .:... toute Margot qui passe est uné -Eleétre;- Le bois a l'air d'un songe et l'arbre semble un spectre. 0 144/20. Postérieur au 22 février 1874. Moi, je faisais des vers, mais lui c'était un sage Il mangeait, regardant fort peule paysage Une armée, c'est comme une nuée . Il ne regardait pas beaucoup'. le paysage, Buvait, mangeait, dormait, se- battait, s'amusait Il préférait Goton une fleur au corset, Ou Toinon retroussant sa jupe en grosse toile, A Pallas Athéné, déesse aux yeux d'étoile. Ah! la postérité t'admirera! Fort bien, il nous plaît d'être odieux devant elle, Et nous allons railler ta couronne immortelle! Et comment voulez-vous qu'il en soit autrement? Mon sabre coupait- mal, je l'aiguisais au cuir De ma botte, et voyais les ennemis [croates] s'enfuir. J'eus alors un succès populaire étonnant. F° 41 147/21. Vianden, 1871. Le flot heurte la plage et le vent heurte l'onde; Cybèle par moments jusqu'à Phoebé la blonde Étend son long bras d'ombre et lui. donne un.sôufliet. Le faux trébuche aù vrai; le beau se cogne au 'laid; Paul-Louis cherche noise à'monsieur de Genoùde 8; L'église à la mosquée-offre des coups de coude; L'agneau pascal se gourme avec le boeuf Apis. Le marteau bat le fer, le fléau les épis. Le mari bat sa femme, Urbain bat Galilée, Homme, et de tous ces chocs ta science est fêlée. F° 42 92/43. 1873? Ainsi rugit le tigre, et le monstrueux: chat Resta rêveur. Misérable pareil à la taupe, au cloporte, A la limace, aux vers du sépulcre et plus qu'eux Abominable,'.vil, rampant, fangeux, visqueux, joyeux Avec une lueur sinistre dans les yeux. Fo 45 6/67. Après le 6 avril 1876. Océan, 118. Les morts -. songez aux morts et laissez là vos bibles! - Ne sont point les absents, ils sont les invisibles. Ces yeux toujours ouverts, nous les croyons fermés. Les morts mystérieux ont besoin d'être aimés. Dans leur ascension' comme dans leur descente; O ciel noir,je demande à l'haleine innocente 1870-1884 1035 Qui sort des fleurs et semble une âme éparse au vent De calmer le sépulcre obscurément vivant Et sur qui le silence impénétrable pèse, Et je veux que l'étoile en le baisant l'apaise, Et je ne trouve rien de-trop grand, de trop beau Polir faire une caresse aùx pierres dû tombeau. F° 46 .. 6/33. 1874-76. Océan, 73. Lueur du soupirail Est-on de son vivant renseigné sur la mort? Faut-il croire l'espoir ou croire le remord? Sait-on, tandis qu'on rampe en cette obscure sphère, Les surprises qu'un jour l'abîme doit nous faire? Sait-on, lorsqu'un cadavre entre au tombeau dormant, Quelles ailes ce mort ouvrira brusquement,? Connaît-on ici-bas l'envergure des âmes? Nous sommes ~ des foetus 'nés du ventre des femmes Et des géants formés de lùmière et d'effroi. Quelle espèce de spectre un homme porte en soi, Le sait-on? Nôtre vie.est un radeau qui sombre. Nous avons 'tous en nous une quantité d'ombre Qui' doit plus tard, à l'heure où plus loin nous fuyons, Se pénétrer de flamme ou s'emplir de rayons.; En fantômes sereins ou noirs la mort nous change, Et l'un est un vampire et l'autre est un archange. F° 47 Après le 31 janvier 1865. Ce poète a aimé. On l'a trahi.' Homme infortuné. Maintenant, il est fou. Pleurant, riant, criant, Nuit et joùr, sans sommeil;. sans trêve, - Il délire, et du haut des radieux sommets Son génie effaré tombe et roule à jamais Dans les précipices du rêve. F° 48 1874. Je n'aime pas qu'un roi fasse "pousser des cris. Rois, j'ai dans ma main droité une plume, et j'écris. Et je ne sais quel glaive est 'dans ma main sinistre. Cette main gauche-là devant tel vieux ministre, Tel vil sultan, tel bonze affreux, tel lâche émir, Sent vaguement l'épée effrayante frémir. De là les châtiments farouches. . Schoelcher Comédie .. il est, mon cher,, deux genres de folie; La.première, c'est d'être un viveur à vingt ans, La seconde, c'est d'être un avare au printemps. On entendait, dans l'ombre immense des campagnes, Un bruit de foudre au loin derrière les montagnes. C'était dans l'affreux Champ d'Endor, lieu détesté. L'hiver, le froid, ces nuits, ce vent, quelle inclémence! F° 50 1870 ou 1871. Une ville finit- par être une personne. Peuple de France,rien ne dépasse ici-bas Tes tempêtes, tes deuils, tes travaux, tes combats. La Révolution..est ' ton effort suprême. Tu changes de. Vaisseau, mais ta route est la même. C'est pour 89 que travaillé Austerlitz Tes drapeaux ont toujours. des 'rayons dans leurs plis. Choisis la terreur rouge ou bien la terreur noire D'abord je ne crois pas à la terreur. Après Je choisirais la rouge. * Que venez-vous m'offrir? Le pouvoir? Permettez. Si l'on avait le temps, je ne dis pas - Or le pouvoir étant toujours interimaire, J'aime mieux les enfants, et j'aime mieux la mère. * Paroles à Jeanne - entre deux bombardements'.- dans un entracte du bombardement .. Fo 52. 1874? Nul n'était entré là, nul n'en était sorti. Le monde était quelqu'un qui n'est pas averti; Attendu sur les,monts, attendu sur les nues Par l'éblouissement des choses inconnues; Qui dira cette horrible et profonde stupeur? = et l'on sent qu'on a peur. Après la mort de Napoléon III. 1873? après la perré laissez faire la fourmilière! Fo 54. 1870-1884 1037 Laissez la ruche autour des fleurs se réveiller! Laissez l'énorme foule humaine travailler! O paix! aurore! ô paix! avril! ô paix! richesse! et là-haut Tu vois Morny, ton frère et bâtard de Flahaut, Si vous vous conservez des-roideurs.imbéciles, Je n'ai sien à vous dire, ô jacobins fossiles F? 55 141/45. Fin de l'exil? cieux étoilés, forêts-asiles de loin - D'où je regarde avec une vague épouvante Les rois, leurs jeux, leur joie affreusement vivante, Les Louvres, les tyrans chantant : nous triomphons! L'orgie et la rougeur sinistre des plafonds. Je songe à l'Orient profond ... et je jette la sonde Parfois jusqu'à Bagdad et jusqu'à Trébisonde F? 56 1869-70. C'est une erreur de croire que la fleur.est stupide, Et, ne hait pas. Quand les tyrans sont là, l'idylle est indignée. la rose les prés verts Et mettent pour les coeurs furieux quelque chose Au fond des vers. Alizon deviendra Lisette, Et Marot sera Béranger. [Suivent des ébauches pour Années Funestes, VI] Fe. 57 77/158. 1877-78. Je voudrais bien savoir de quoi vous vous mêlez. Un poète Voix dans. la foule - -Bohème! Un autre poète Voix dans la foule Avare! J'éclairerai la vaste obscurité des âmes. L'ombre est. une descente obscure de prodiges. Aimez les jeunes, vieux. Jeunes, plaignez les vieux. Ô génie, aie un peu pitié de l'envieux. pour le brin d'herbe Qui tremble et pour l'esprit qui monte, âme superbe, Tout est enveloppé d'inconnu, rien n'est sûr, Rien n'est fixe, excepté les astres dans l'azur. ou : Rien n'est fixe et n'est vrai que l'astre dans l'azur. [Verso. Ébauches très cursives pour Le Pape] Fo 58 1874. Et la terre qui veut l'air pur, la moisson mûre, Les hameaux fraternels, les fleurs, les fruits murmure : Sois maudit, sceptre affreux des princes, qui me vaux Tous les 'piétinements d'hommes et de chevaux'!' F~ 59 1874. Que le père enseigne l'enfant, Que l'enfant inspire le père! Il parle à Tyr, il prie à Delphe, il pleure à Thèbes. Une mauvaise action n'est pas plus tôt faite qu'elle, vous punit. Le grand chêne offre une *ombre utile au nid qui tremble. Quand cet homme se vit plus grand que tous les autres, Il songea que Jésus avait ses douze apôtres, Que Bonaparte avait ses douze maréchaux, Que pour la pourpre, pour les coups, pour les cachots, Il importait .. d'avoir d'autres vous-mêmes. ... à nous deux nous faisons le tonnerre; Toi tu le fais en haut,.moi je le fais en bas. Bruit du tonnerre Houumm! . Le volcan Mais je te vaux.. Je vaux mieux même. Un pet 1870-1884 1039 Me suffit et quant au résultat flagrant effort très faible, effet très grand. Iras-tu comparer Ton tremblement de terre avec ma chiquenaude. Pour la tombe, il fallait s'appuyer sur des tailles Hautes dans les débats, fières dans les batailles, Dût-on, jouet de tous, des prêtres, des soldâts, Finir, l'un par Marmont, et l'autre par Judas. Ce qu'un Achille ignore, 'un Thersite le sait. Fo 60 67/83. Mars-mai 1872. Océan, p. 304. L'oiseau. A un enfant Ne t'accoutume pas à mettre en ta maison Pour joujou, pour hochet, pour joie, une- prison. Enfant, ne' te fais pâs 'un bonheur d'une cage. Fo 61 1872? J'avais des nations, je veux un continent. Pas de pire vainqueur qu'un vaincu revenant. Supprimons les bonheurs, les malheurs, la fortune, que l'Europe soit une. Qu'elle ait un intérêt et qu'elle porte un nom. Que nul, lorsqu'elle aura dit Oui, ne dise Non; Qu'on sente que Demain vit en elle, et qu'on voie Poindre en elle l'amour, sortir d'elle la joie,. Et qu'on dise : Ce peuple est le peuple promis. ennemis sommes Il ne connaît, étant le frère aîné des hommes, De loi què la nature et de maître que Dieu. Fo 62 148/290. 1874? Imprécation .... au cirque le *cadavre du César Que les tigres, les ours, les loups et les lions Posent sur le tyran leur patte familière, Et qu'on traîne le monstre au fond du spoliaire 9! F° 63 1873-74? Le vent, propre et soigneux ... et le vent avait pris Dans un coin de l'azur les brumes balayées. Trois princesses, qui sont parfois trois ennuyées, Tant le ciel pèse, et tant il est fastidieux Et bête, de n'avoir pour amants que des dieux, Flore, Vénus, Hébé, ces déesses grisettes, Erraient sous la feuillée et cueillaient des noisettes. Les enfants Alors... Je me mis à conter le conte que' voici - Près de Chandernagor et de Mémorency Dans une antiquité si vieille qu'elle est noire, Il était une fois un roi nommé Magloire, Magloire, nom royal et bête comme tout, F° 64 1874. Est-ce qu'il, n'est pas beau que tant d'ouragans noirs Soufflent sur toi, dès l'aube et dans l'horreur des soirs, Sans changer ton âpre attitude? F° 65 Vers 1875. Une. voix Oh! quel commencement! Une autre voix (du démon) Si ce n'était la fin! Voix La fin de rien. Rien n'est fini. Tout continue. La nue est dans l'abîme, et'l'astre est dans la nue; Et de-là nue en deuil l'astre sort éclatant. Il règne, et quand il a fini, moi, je commence; Il était le grand astre et je suis l'astre immense. F° 66 - Vers 1875. Drame ... un homme Peut, de.quelque forfait qu'il s'entende accuser, Etre grand de s'absoudre et non de s'excuser. On répond : ce jour-là j'ai sauvé le Pactole. On répond : ce jour-là j'ai pris le Capitole; On répond.: ce jour-là,- j'ai délivré Paris. On est, grand. Mais, grand Dieu, répondre par des cris A des pleurs:! Mais... 1870-1884- 1041 ... 144/12. 1874. Et dans ma compagnie il mourut cinquante 'hommes, Non dès vieux comme moi, qui ne sont bons à' rien Qu'à mourir De là d'horribles deuils et des larmes amères Pour des femmes, des sceurs,'des promises, des mères, Et de bons vieux parents, et 'de là mon dédain Pour le sort; qui souvent en guerre est un gredin. F° 68 147/383. Vers 1875. Une villa bâtie en pouzzolane. Style réticulaire brique ` Dans lés temps d'indigence et d'honneur féddal, Siècles au fond desquels resplendit Durandal, Quand les' barons venaient se chauffer aux cuisines Du donjon qui jetait de l'ombre aux tours voisines, Quand la grand seigneurie était pauvre,' - ét vivait Sans un 'liard én poché et I 'épée - au chevet, F° 69 Vers 1875. La 'terre sent quelqu'un hors d'elle qui la tient. ', Est-ce un dieu de l'umiëre? est-ce un dieu de ténèbres? Prenez garde au ruisseau 'qui - se change en- torrent, Prenez garde au torrent 'qui se 'change en rivière; Prenez garde à la mer qui ne submerge guère Que les deux tiers du globe, et qui tâche d'avoir Ce qui reste en donnant l'assaut matin et soir. Qu'est-ce que ce serait qu'une sphère noyée? Ah! du moins, la comète, heureuse, est foudroyée! Quel chaos! quelle fuite étrange dans les cieux! Un dieu de braise, un dieu de nuit, aux deux essieux Rugissent, essayant de vaincre l'Enflammée L'un à force de brume et l'autre de fumée, Elle les dompte, elle est superbe, et fièrement, Jette à. jamais sa vie au pâle firmament; Mais un globe noyé . Fos 71-72 148/392. [Océan, 59.] 'Nuda Elle me dit : Veux-tu que j'ôte ma chemise? Et je lui dis : Jamais la femme n'est mieux mise F° 67 Que toute nue. Ô jours du printemps passager! On commence par rire, on finit par songer. Joie! Astarté sans masque! extase! Isis sans voile! Avez-vous vu parfois se lever une étoile? Ce fut superbe. - Eh bien, dit-elle, me voici. Et devant Adonis Vénus était ainsi; Et c'est ainsi qu'Aglaure apparut comme, un rêve A Socrate, et qu'Adam a pu contempler Eve. Et je m'agenouillai devant elle, ébloui. Tout sur terre est refus; la nudité, c'est Oui, C'est la voluptueuse et sombre hardiesse De la femme osant être effrontément déesse; C'est un tel idéal mêlé d'un tel réel Que l'âme voit l'Eden, et le préfère au ciel! Car, dit l'âme, ce sein, ce bras rond, ce pied leste, Ce cou blanc, ce flanc pur, ce n'est donc pas céleste? C'est de la cendre. Eh bien, j'aime la cendre, moi! Et je ne, restai pas à genoux. Lutte,,effroi, Pleurs, sourires, extase, et qu'avez-vous à dire? Est-ce qu'au fond de L'ombre une invisible lyre Ne, chante pas le chant que nul n'écoute en vain? Êtes-vous donc exempts du passage divin Des nuages en fuite au-dessus de vos têtes? Comment donc ferait-on pour s'excepter des fêtes Que l'été donne à tous les êtres à la fois? Est-ce qu'on n'entend pas des flûtes dans les bois? Tous les souflies, du vent sont des rêves; l'aurore Là-haut sur la colline.est une voix sonore; Les nids sont doux, il est des fleurs.dans les vallons, L'eau, coule, et savons-nous jamais où nous allons? 30 mai 1874. [ébauche de Nuda, 1-3; 7-10] [ébauché de Dans le jardin, 39-44] Puisque vous êtes belle entre toutes les belles, Puisque l'oiseau ne peut chanter que son amour, Puisque je ne peux faire autrement que t'aimer Je dis que l'ombre est douce et je dis Et qu'il faudra toujours nous aimer dans les bois. F° 73 66/30. Mai 1874. J'ai vu l'énOrmité des tempêtes profondes. Comédie 1870-1884 1043 [ébauche de Nuda, 26-32] çar l'homme est souvent.glorieux 'ceci : l'azur des.yeux ' Et je suis - la vertu que juge l'innocence. Fo 74 , Mai juin 1877. Tout ce qui, vers l'ombre et la tombe, En'nous se dérobe et fléchit,' Du premier cheveu qui blanchit A la première dent qui tombe. -Le Mage Moadgogmu J'adjure ceux qui nous gouvernent de s'arrêter devant ce seuil terrible. Un de ces trois partis est déshonoré. Que les deux autres réfléchissent. J'ai déjà eu dans mes bras ma mère expirante. Vais-je revoir cette heure affreuse? Fo 75 256/154. 1875? Partout Christ Socrate Le droit triomphe de la force, et c'est déjà. Wilberforce Qu'on voit poindre en Léonidas. Que ton nôm soit le fier complice De tous ces noms qu'il faut bénir! Que de ses rayons il emplisse Le mystérieux avenir! Qu'il - soit haï de' la bassesse! Qu'il s'épande, augmentant sans cesse. Son bruit comme les grandes 'eaiix l' Qu'il sorte pur des catacombes! Qu'il-ait' la majesté des tombes Et 'la lumière des berceaux! - l'univers'. Tant on garde la soif qu'on a de l'infini! Tant la foule a besoin dans ce monde puni,.. D'une fin à 1a -peine, au meurtre; à la souffrance! Tant est inapaisable en l'homme l'espérance! le vil conseil : enrichissez-vous! F° 76 70/291. Début 1874. Quand les plaines du Dieu vénérable ont servi A des batailles,.l'homme y sèmble épouvantable; Comme un repas hideux sur une horrible table ' La mêlée a laissé des restes effrayants. (cadavres-crânes-ossements) [ébauches pour les deux versions d'Être aimé (14-15 mars 1874).] F° 77 245/38. 1875. Ce Dieu, malgré le roi, le sénat, le conclave, L'erreur, le mal, Fit la matière, énorme et souveraine, esclave De l'idéal. si bien Qu'on sent le diable auprès de l'ange; et qu'on devine Une patte infernale en ta marche divine. Les femmes aiment fort à sauver qui les perd. F° 78 Juillet 1878. Pas assez! ... pas assez De la dispersion de ce cortège immense! Il te faut voir l'endroit où la chute commence, Il te. faut voir le point où la chute finit. Les tout petits oiseaux chanteront dans leur nid Quand tu termineras ton oeuvre colossale! F° 79 7/100. Mars-avril 1875. Le regard indigné du peuple est sur cet homme. Sombre envieux! Zoïle et Thersite mêlés. Ainsi Barbès, ainsi Manin, ainsi Baudin Garibaldi Louis Blanc Pas un grand nom que n'ait mordu ce misérable. Se sentant odieux, il abhorre Quelle,ombre! en lui la rage et hors de lui la honte! Après avoir... il était - 1870-1884 1045 Farouche comme à Rome et bourru comme à Sparte, Et le voilà,. léchant les pieds de Bonaparte. il tend la main pour un fauteuil renté 30 000 F. ce candidat laquais Et maintenant, . Regarde, Juvénal, regarde, d'Aubigné, Il compare en son scoeur, mendiant dédaigné Pas même admis parmi les valets de. l'empire La haine qu'il éprouve; au- mépris qu'il, inspire. Brûlé du double feu d'un tourment implacable La haine qui le ronge au mépris qui.l'accable, [au verso, une ébauche, pour Le Titan] ' Fo 81 67/179. 1874-76? jadis ' L'état semblait fragile et faux s'il n'avait pas Le porte-sceptre en haut, 'le coupe-tête en bas; La Grève soulignait la royauté;. De Maistre Fit du roi sur le tigre une statue équestre. Quand Balthazar Gérard terrible et sans crier Laisse broyer son' poing dans l'ardent gaufrier; Fo 82 1875. Ah! tous à la manoeuvre! aidez-vous! aidez-vous! Ah! malheur, sur la barque effarée et flottante, A celui qui se fie aux gouffres décevants, Et qui lâche la barre, et qui met son attente Dans les flots et les vents! Car vous serez trahis par l'abîme terrible. Fos 83-84 8/55. 1875? Tu n'as pas vu ses nuits farouches; Il répond à qui l'appela; Il parle à d'invisibles bouches; S'il passe un prodige, il est là. Le prodige aux hommes. Est un grand fait mystérieux Incompris de l'ombre où nous sommes, Parfois même incompris des cieux. Il allume une vérité, Saisit ce feu, prend cette Bible, Et plonge, superbe et terrible, Dans le prodige épouvanté! Que se passe-t-il'? on l'ignore, Ce qui sert comme ce qui nuit! Est-il ébloui par l'ambre? Est-il aveuglé par la nuit? Sait-on ce qu'en son noir délire L'immense Empédocle a pu dire Au cratère criant : Va-t-en? A-t-on connu ce choc étrange? A-t-on vu Jacob saisir l'ange, A-t-on vu Christ tenir Satan? Ainsi quand un prodige [un vers illisible] Je te saisis, divinité! - Et, secouant la flamme horrible, Il plonge superbe et terrible Dans le prodige épouvanté. Fo 85 92/22. 1876-78. nous aperçûmes au loin cette chaîne de sommets l'honneur, le droit, la vertu; la vérité,. la justice hauteurs éternelles cela nous fit modestes Nous nous sentîmes nains devant ces majestés, Et, honteux du faux lustre humain, nous l'obscurcîmes De l'ombre qui tombait de ces augustes cimes. Fo 86 164/48. 1875-76? Les cénobites sont hagards au haut des monts; Ils écoutent le vol farouche des démons; Ils regardent la nuit des silhouettes noires 1870-1884 1047 Passer... ... et sur ces faîtes Le vent furieux tord la barbe des prophètes. F° 87 7/47. 1875-76. Comme on voudrait d'Horeb suivre les noirs sentiers volontiers Comme on voudrait toucher, ranimer, déranger Ces doigts glacés, depuis cinq mille ans immobiles Dans Endor, sur la bouche obscure des sybilles! Comme on voudrait fouiller et percer jusqu'au fond La claire-voie étrange et sinistre que font Au-dessus des songeurs les 'chênes de Dodone! Oh! comme on a besoin de lafraîcheur que donne Une espérance, un dogme, une affirmation! Désaltérer Sysyphe [sic], Encelade, Ixion, Prométhée, Isaac Laquedem, Pyrrhon; Danté, Pascal, Byron, le doute amer, là soif ardente, Et derrière eux,' tous ceux qui pensent 8 126/10. 1875-76. ... nous sommes Auteurs du saint journal que Dieu, fait pour les hommes, Qui, sans cesse, partout, toujours, à tout moment, Récréativement, mélancoliquement...; Une voix dans la' foule Ment. (on rit) le chien aboie aux astres. l'ombre insulte les dieux. finir par enténdre et par voir - Oh! la profonde angoisse et l'affreux désespoir! - Tomber un corps, passer une ombre, et de l'abîme Sortir un Cri» d'amour, mêlé d'horreur sublime! La rose n'a pas peur du tigre. F° 89 1876. Ils disent : la foudre, c'est le cri deicolère de Dieu, De sorte qu'ils feraient blasphémer le tonnerre! alors le mage Regardant de ses yeux fixes le paria, Le damné, le maudit, le réprouvé, cria : - Délivrez! Délivrez! Dieu, délivrez ces âmes! Fo 90 245/50. Cf ci-après fo 177. Si, parmi ce qui s'ébauche Près du néant, Dans l'orgie et la débauche De Rien, créant, Dans les antres, dans les roches, Dans Faune nu, Dans les sinistres approches De l'inconnu, Dans les endroits insondables, Noirs, redoutés, Au milieu des formidables Obscurités, Parmi les objets sans forme, Sans fleur,. sans fruit, Que fait la Nature, énorme Soeur de la Nuit, Si tout à coup, en mantille En blanc corset, Une belle jeune fille Apparaissait; Si je rencontrais des roses Dans les forêts, Nymphes! oh! les douces choses Que je dirais'! F° 92 92/185. Après le 7 juillet 1876. Le seigneur à la grosse tête Vient de sortir de son palais. Son palais s'ouvre à la tempête Et n'a ni maîtres ni valets. Ce palais, c'est l'antre farouche, Qui n'appartient qu'à des passants. . Quand le mage vient, il y couche, Et le lion dit : j'y consens. 1870-1'884 1049 Le matin, la roche est vermeille Et le lion boit au ruisseau; Le lion laissé entrer l'abeille, Le lion laisse entrer l'oiseau. Bonjour, l'oiseau, bonjour, la mouche. Que se passe-t-il dans les fleurs? Fo 95 Fo 97 . 1876. Des rythmes sont en moi; l'ombre apaise mon coeur Et le remplit, d'éclairs célestes traversée; Des strophes font un bruit d'ailes dans ma pensée; Des voix fêtent la nuit, des voix fêtent le jour; Une voix dit. :. Sagesse! une voix dit Amour,! Je pleure' comme. Job, je ris comme Epicure; Une forêt d'oiseaux >chante en mon âme obscure. 7/148. 1875-76. Océan, 106. La vérité C'est de.,tous les orgueils, de toutes.les raisons, De tous les..pas qu'en sens contraire nous faisons, De tout l'aveuglement humain, de. la démence; Du rêve et de l'erreur,, le rendez-vous immense; C'est le lieu d'arrivée énorme des esprits. C'est là que le savant dit : Je n'ai rien appris.. C'est là que l'imposteur dit : J'ai menti. Pardonne. Quand jadis, échappé d'Horeb ou de Dodone, Le mage parvenait aux lieux mystérieux Où.l'on ne voit plus rien que la terre et les cieux, Lui, l'ascète absorbé dans- sa sinistre' étude, Il s'étonnait, dans l'ombre et dans la solitude, D'entendre s'approcher des voix de plus en plus. On lui criait son nom Lucrèce! - Circelus '°! Pythagore! Thalès! - Tels, sont ces lieux terribles. Et lui restait pensif devant les invisibles. Ainsi Fos 99-100 Océan, 105. Oh! je.compte sur l'ouverture Sur l'issue et+ sur l'infini! ' Je trouve toute la nature Trop noire, et d'homme assez puni! Mais j'espère [biffé; ici la place pour un quatrain] Toute la terre est effarée. Que de prêtres! que de soldats! Ce Bonaparte indigne Atrée, Ce Bazaine étonne Judas. [ici la place pour un quatrain] Gouffre sans borne! écueils sans nombre, Sable à Memphis, neige à Thulé; Mais je vois au fond de cette ombre L'énorme portique étoilé! 7 nov. 1876. FO5 103-104 Après le 4 mars 1876. Lâcher la guerre, et puis crier : Bellone, arrête! J'ai peur de toi! fût-on Napoléon, c'est bête. Mars ne s'arrête pas comme on veut. Fo 105 Fin de l'exil? Dans ces formations successives de l'homme, Gour " doit précéder Tyr, Tyr doit précéder Rome, Rome doit précéder Paris. Après Paris. Une ville où jamais on n'entendra de cris, Sereine, ressemblante à l'éternelle aurore, Apparaîtra Fo 106 92/134. Après le 14 février 1876. l'or faux Des guerriers, 'des lauriers et des arcs triomphaux. Sous l'armure et sous les lierres, Préférant l'aigle aux vautours, Du bon droit auxiliaires, Les tours sont des chevalières, Les chevaliers sont des tours. F° 107 92/95. Peut être de 1876. parle ... es-tu de ceux qui mettent La muselière à l'hydre et la chaîne aux dragons, De ceux qui font tourner la foudre sur ses gonds, De sorte que faisant on ne sait quel partage Elle frappe tantôt Rome et tantôt Carthage? 1870-1884 1051 De sorte qu'elle frappe, et selon la rencontre Tantôt le roi, tantôt le peuple, Pour et Contre! Fa 109 92/238. Août 1873. L'Arc de Triomphe était sinistre, et l'on eût dit 12 Que sur la haute cime où son front resplendit, Triste, il se demandait : comment rentrer sous terre? Que lui le grand témoin et le grand solitaire Ô porte, la plus grande où la gloire ait passé ' Vas-tu laisser passer la honte? B sous ta voûte B l'archange survenant (aux anges). - Ah! que vous êtes hommes! Oh! quel accablement! chute affreuse! A quoi bon Avoir fait écrouler Habsbourg, Capet, Bourbon, Vingt trônes, en chantant l'immense Marseillaise? Avoir devant les rois dressé Quatre-vingt-treize, À quoi bon avoir mis en déroute la nuit En être venu là que tout s'évanouit, Et qu'il ne reste rien de ces fières batailles! Être un Arc de Triomphe égal aux fières tailles D'Achille, d'Annibal, de César, de Cyrus! A quoi bon tant de jours d'histoire disparus Grands travaux acceptés, grandes pages vécues! Avoir sur son fronton des victoires vaincues! F. 110 92/237. Suite du fo 109. le jour 'est odieux devant la honte Sentir que Marengo voudrait prendre la fuite, Ou qu'Austerlitz voudrait éteindre le soleil! Avoir sur son fronton des victoires-vaincùes! Et sachant, à. travers leur t meurtrie Que le ciel est à.ceux qui sauvent la patrie, Avaient l'impatience auguste de mourir. .bâtard Se demander avec angoisse si plus tard Les nations voudront fatiguer leur paupière A lire ce qu'on lit sur ce livre de pierre, Si le froid avenir croira ce monument, Et s'il ne dira pas que votre histoire ment Et que ces pages-là n'ont pas été vécues? Avoir sur son fronton des victoires vaincues! Elle fait cercle avec les planètes du ciel Et ce groupe se chauffe au soleil éternel, [cf. La Terre, 4-5] * 24797 f 495. 92/242. La haute porte était sinistre et l'on eût dit Que sur l'auguste cî[me] F° 120 92/241. Vers 1875. Comme les anciens preux, ils dressaient une lance, Ils dressaient au-dessus des peuples leur épée Amoureuse du jour, de l'éclair et du vent; Si la guerre tardait à crier : « En avant! » Ces hommes, comme on sent un cheval qui se cabre, Sentaient dans le fourreau la' colère du sabre; Ils songeaient au tombeau que tu leur bâtissais, Histoire! Ils s'appelaient Hoche, Marceau, Desaix, Et, sachant à travers leur fière rêverie Que le ciel est à ceux qui sauvent la patrie, Avaient l'impatience auguste de mourir. Ces hommes étaient grands Joubert, Hoche, Desaix 24739 fo 475. 92/240. 1872-73? La sombre grande ville était abandonnée. L'aigle fut autrefois prise par l'araignée; Rome fut autrefois prise par Attila. La toile épouvantable et sombre que fila La guerre '- ' L'invasion autour de Troie, autour de Thèbe,, Et qui ressemble aux noeuds des fleuves de l'Erèbe, Cette hideuse étreinte avait saisi Paris avait pris, Meurtri, mordu, saigné Saisi, cerné, mordu pendant cinq mois Paris Et, hideuse, étouffé pendant cinq mois Paris. Ces râles 'effrayants épouvantaient l'histoire gloire Qu'était-ce que cette porte? Cette étreinte du meurtre aux cent bras. 1870-1884 1053 24740 fo 286. 92/243-4. Ils savaient triompher et surtout secourir. Ils ajoutaient l'épée au rire de Voltaire, Toute la France était en eux, toute la terre Saluait des esprits dans ces soldats de fer, Jean-Jacques dans Marceau, Rabelais dans Kléber. Ces hommes étaient grands. F° 112 6/218. Océan, 72. Les prêtres ont levé les mains vers les étoiles. Ils ont dit : Il nous faut des flambeaux sous nos voiles; Il nous faut des rayons montrant un peu de Dieu.; Pas trop; une lueur, et.le dogme au milieu; A nos temples, afin qu'on Ÿ 'vienne en grand nombre, Il faut une clarté qui soit aussi de l'ombre; Soyez donc ces flambeaux dont nous avons besoin; Notre mystère prend le vôtre pour témoin; Car c'est noûs' le miracle et c'est vous le prodige; Notre Dieu, tel qu'au fond du temple on le rédige, Veut n'être regardé qu'avec précaution; - Complétez sa lueur par votre vision; Soyez le saint rayon qui sur nos livres tombe L'homme marche en tremblant 'de la crèche à la tombe; De l'enfer peu certain le dogme est la vapeur; Rassurez juste assez pour qu'on ait encor peur; . Étoiles, rangez-vous autour de notre Bible; Et, d'accord avec nous, d'un feu vague et terrible, Eclairez la naissance, éclairez le trépas. Et les astres ont.dit : Non. Nous ne mentons pas. Nous sommes les soleils et nous sommes les vierges. Entendez-vous avec ces intrigants de cierges. 28 septembre 1876. F° 113 66/14. 1876. Quand... Et quand les bataillons déchirent de la toile 13, Le moindre caporal croit avoir une étoile Et se dit : Dieu me suit des yeux sous le drapeau. Pour me laisser crever, il tient trop à ma peau. Et l'admiration De toute nation civilisée.et digne D'avoir un empereur et de payer l'impôt Va du mortier Armstrong au fusil Chassepot. Donc on ne me rendra justice qu'à ma mort. Soit, j'attendrai. Fo 114 126/11. 1880. Ô marcheurs de la marche humaine, D'autant plus triomphants qu'ils sont plus foudroyés, Foule française égale à la foule romaine, Allez, montez, régnez, soyez! Fos 115-116. 92/? 1876? La sombre grànde ville était abndoninée. Oh! sois à jamais grande et sainte dans les âges, Ville où ces insensés qui, plus tard, sont les sages, Couvent, puissants rêveurs, les révolutions! Tu enserres en loi toutes les nations, Ton âme est faite avec les Spartes et les Romes, Et tes petits enfants protègent tes grands hommes! ....: Ces hommes tout-à coup s'arrêtent... - il pleuvait sur leurs casques des pierres. Ils lèvent les yeux. . des enfants les lacs de feu, les bitumes, les soufres, Des entrecroisements de branches dans des gouffres. F. 117 Copie Daubray. 1877? Rien que de vrai ne doit descendre de l'église Sur le peuple, : en son âpre ét ' rude région; Et que pensera-t-il d'une religion Qui, myope au milieu des lampes et des cierges, Pour faire un temple, ayant le choix entre deux vierges, Ne comprend pas le beau, ne connaît pas le grand, Veut dresser sur Paris un ange, et préférant A l'astre une chandelle, au Louvre une bicoque, Quand elle a Jeanne d'Arc, prend Marie Alacoque "! F° 118 245/21. 1876. Tant fut farouche et grand l'enfantement de Rome '5! Traverser l'infini, franchir.l'-inabordable, 1870-1884 1055 Tant, fonder Rome, fut une oeuvre formidable.. Soumets la force à la clémence, Combats l'éclair par le rayon, Sois aigle dans le calme immense, Dans l'orage immense, alcyon. ' ou (le contraire. Mieux) Montre ta joie à la clémence, Montre aux tempêtes ta fureur; Alcyon d'ans le calme immense,- - - Sois aigle dans l'immense horreur. " F° 119 1876? De même quand Lucrèce écrit De Naturâ, Quand la Genèse dit : Personne ne tuera! Quand l'Iliade au Styx pousse les héros ivres, On sent que le mystère est dans ces puissants livres. En se contredisant ils sont d'accord au fond. Moi je sauté à pieds joints. Par-dessus l'orgueil bête et la sottise humaine. Fos 122-123 245/112. 1876? (Voir l'album de 1843) je contemplais, accoudé. Et les monts étaient là, groupés; de leurs flancs mornes Montaient sinistrement dans l'horizon sans bornes Des flots de brume, épars sur l'horizon noirci. Ô 'chevaux monstrueux, quelle course ont-ils faite Que leurs croupes fument ainsi!. Salomon, c'est le jour, et là nuit, c'est la reine 1fi (De là Melchisedech),(Tune regina Saba, etc.) Contempleront avec stupeur, dans 'le tombeau,. Ce livre monstrueux ét superbe, âpre et beau, Marqué par une griffe et touché par une aile. Je regarde la, nuit, j'écoute le silence; Quel tumulte;en cette ombre où l'abîme est resté, Et quel entendement dans cette surdité! Galatoea me. jette une pomme, et s'enfuit Vers les saules, et tâche avant tout d'être vue ". F° 124 70/176. 1876? Vision Il faisait jour encore, et je ne sais comment, Ni pourquoi, mais au fond du sacré firmament La clarte du couchant me montrait des fantômes; Et, comme on aperçoit des fresques sous des dômes, Pensif, je subissais l'effrayant charme obscur D'un rayon modelant des spectres dans l'azur. Peu d'hommes ont été pires que celui-là. .. Darwyn qui fait descendre l'homme Du singe catarrhin de l'ancien continent. remplace Adam plus Ève, par un couple De singes catarrhins de l'ancien continent. Si omnes, Hugo non l8 F. 125 245/,115. 1876-77. Petit, j'étais déjà rêveur à ma manière : La muse m'entraînait furtive en sa tanière ". (At mihi jam puero, etc. etc.) Nous aurons - du bétail, des boeufs, des porcs, des truies; Nous prendrons un terrain peu touché par les pluies; Nous bâtirons un toit avec du bois cloué; Nous nous appellerons moi Daphnis, toi Chloé; Nous coucherons avec la femme qui nous aime; Nous lui ferôns des fils qui seront elle-même; Nous mangerons du pain et nous aurons du feu; Et nous reconnaîtrons ainsi l'éternel Dieu. (I nunc, et ferrum, turba molesta, nega!)' Et refusez-moi donc à présent une épée! Et 'refusez-moi donc une épée, imbéciles! 26 1876-77. Ensuite' Après ' Alors Son vers puissant, chassant les strophes vengeresses, 1870-1884. 1057 Va tutoyant les dieux et baisant les déesses. Il vole du cloaque infâme au firmament. Il est le papillon fier, éperdu, charmant, Du tas de fleurs éclos sur la double colline. On le voit, à cette heure où la lune décline, Où, quand Vénus paraît, Il fait rentrer le spectre, il fait venir le songe. Fo 127 92/186. 1876-77. il est au fond des rêves' Des édifices noirs que le sommeil construit Qui sont pleins de silence ou qui sont pleins de bruit, Et que le vent des nuits fait et défait sans cesse bassesse. princesse. les mages ils énumèrent Les villes que les feux célestes consumèrent. FO, 128-129 1876-77. Après une éclipse 'totale De rayons dans mon ciel jaloux, Après cette fuite fatale - De tout ce qui me semblait doux! Tu ne pourras pas plus faire le monde dieu Qùe tu n'as fait le monde athée. ou : Pas plus qu'elle n'a pu faire le monde dieu, Ta voix ne pourra pas faire le, monde athée. Tourterelle de coeur, mais par l'âme hirondelle. ou : Mon coeur est tourtereau, mon,âme est hirondelle. Le vaincu regarda longtemps le ciel -, enfin Il dit ô toi l'esprit, le dieu, le séraphin, L'effrayant possesseur de la gloire infinie, Toi, conscience! toi, vérité! toi, génie! Lointains écroulements, éclosions terribles, Tumultes racontés en d'effrayantes bibles, Par des prophètes fous sous des cieux ignorés, Sombre apparition d'êtres démesurés,' Naissance des Vénus, fracture des Saturnes, Fracas qui remplissez les silences nocturnes, 30 92/191. 1876-78. Eglogue Tityrus 20 pour moi, je ne perds pas Mon temps à distinguer un aegipan d'un faune, Un satyre au pied noir d'un psylle à corne jaune, Je hais tous les danseurs, c'est bien plus. vite fait. 33 92/166. 1877? La hideuse Arachné qui jaillit de l'Hekla Ou du Vésuve, ayant pour tête le cratère Et pour pattes les jets de feu rongeant la terre, C'est ce que l'homme appelle Invasion, Torrent De peuples, gigantesque et vaste, jamais grand Ce monstre enveloppait depuis cinq mois la Ville. ... ainsi l'a décidé la justice, mot que M. le garde des Sceaux Dufaure grâce à son nasillement prononce l'injustice. comme si l'on entendait le chant D'une flûte entre deux tonnerres. Etre injuste! jamais! Jamais, sachant que toute iniquité s'expie, Je n'aurai ce remords ni. cette myopie. La gazelle. L. XV -... elle vint à lui avec la forêt innocente dans les yeux. et lui, l'enfant roi, .. Fixa sur elle,l'ceil horrible des tyrans 21. il étonnait Pour la: grandeur des pas qu'il faisait tout petit. Et faisait, pour sauter maint gouffre redoutable, Des sauts.de chevrier de l'air d'un connétable. Celui qui parle.ici marchait Voir Surgir subitement l'épouvantable proue De cet- univers.sépulcral?. 1870-1884 1059 F~ 134 1877. Ces quatre chevaux.qu'il attelle, Droit, Liberté, Vertu, Devoir, Traîneront l'aurore immortelle Hors du passé, ce gouffre noir. De cette sinistre écurie, Il te fera sortir, Patrie, Sereine sur ton char vermeil. Dès à présent, l'univers sombre Voit aller et' venir dans l'ombre Ce palefrenier du soleil. il prépare l'avenir 35 92/230. 1876. il ressemble, Chandos, A ces, fuyards qui sont balafrés dans le dos, Et je suis stupéfait, s'il,faut que je le dise, Qu'il ait la malechance ayant la couardise. Les lâches sont heureux d'ordinaire. Soyez tranquilles. Je continuerai ce que j'ai commencé. Seulement la situation de la France étant critique et,devant être ménagée, laissez-moi choisir l'heure.. F° 136 68/184. le coquin Arrive après avoir mangé son saint frusquin Trop longtemps les canons furent nos cauchemars. Peuples, nous voulons tous la paix. Au diable Mars! Nous en avons assez de- ce vieux militaire. Le talon est plus lourd si la bête est plus fière. Ton maître est scélérat, tu n'es, toi, que hideux. Je vous écraserai difféfeminent tous deux Et llii comme un serpent, toi comme' un vér de terre. F° 137 8/88. La distribution.des prix. J'ai vu Clio donner des prix. Les tueurs d'hommes Pharaons des Memphis,. et:sultans des Sodomes Étaient ses lauréats proclamés à grands cris, L'empereur d'Allemagne avait le premier prix; V.H. Innocent III brillait plus haut que tous les trônes. Le grand Napoléon. tout chargé de couronnes Revenait d'Iéna, de Wagram, de Tilsit; Et Lacenaire avait le premier accessit.: 25 juin 1877. Fo 138 127/59. 1875. Platon dit à Campaspe : écoute, tu le sais, Aristote est un vieil idiot, puisqu'il t'aime Pourtant, c'est notre maître, et c'est l'homme suprême. Tâche de profiter de son amour pour toi Fais-le parler (dérobe-lui le secret des choses etc.) et Campaspe lui dit : Platon... j'y songerai. et Campaspe à partir de ce jour Sentit la grandeur' sombré 'et triste de l'amour Elle en avait la cendré; elle en'sentit la flamme, Et n'étant qu'une chair; elle devint une âme 22! Fo 140 1877-1878? Quand de son vaste esprit- sortira ta lueur, O poème, la: femme en 'pleurs, l'homme en sueur, - Le peuple qui travaille et le penseur ' qui fonde, - Attendris, aimeront cette clarté profonde, Et, puissant livre, ainsi qu'on salue un ami, Te salueront, chacun se sentant raffermi, Rassuré, relevé, consolé, traversée Par ce grand jour que fait une grande pensée. Fo 141 92/107. 1877? Sachez qu'à l'ennemi je donne un coup d'épée, Jamais deux, le tuant.toujours d'un seul coup. Roi, Ainsi fait le lion avec le singe, et moi Avec l'homme. Didacus de Sylva, Vicente de Lisbonne, Paramo, Salazar, Placentinus,.Sanchez Grillandus torturait par l'insomnie. 14e 'espèce de tortures 1870-1884 1061 Fo 143 245/37. 1879. L'homme est là, nu sur l'herbe, il dôrt sous les étoiles. l'instrument - De lui sort la pudeur, sainte honte.' Il expulse l'ordure, il introduit l'esprit. Il est le vestiaire insondable de l'âme, Il sait le noeud de l'homme et le noeud de la femme On y sent par instants le passage de Dieu. la.sais-on, l'heure, le lieu, L'éveille, et par instants on y sent passer Dieu. Il expulse l'ordure, il introduit l'âme, est l'instrument mystérieux de la vie terrestre. On y sent par moments passer Dieu. Fo 145 1877? Et le grave Hérodote,.effaré sous la crypte De Minerve au sommet le plus noir de-l''Egypte, Etait rêveur devant tous les sombres pays Que lui montrait du doigt le prêtre de Saïs Z;. F° 146. 1878? Emporté par-dessus les choses de la terre, J'ai laissé le précis, le moi, le volontaire, Le distinct, le cherché, le tenté, le voulu, J'ai quitté l'idéal et sondé l'absolu; . J'ai trouvé là le fond mystérieux de l'être'; Ignorant ce que c'est que toucher ou connaître A peu près, de côté, par hasard, par essai, Et ne sachant qu'un mot redoutable, le Vrai, Mot qui tient Tout. Avec tes chants, tes cris, bruits de feuilles et d'ailes, .Ta sans regrets, tes soupirs sans ennui, viens, aurore, viens voir. ta nuit Viens, terrestre aube, voir tes clartés éternelles! F° 147 92/283. 1878? A une médisante (à Dieppe) Être prude et médire! Eh bien, je vous en veux À vous, femme charmante et fraîche, aux blonds cheveux. Mal parler du prochain, vraiment, cela, madame, Gâte une bouche rose et tache une belle âme. Haïr sous le ciel pur, haïr dans les prés verts! Non, il vaut mieux aimer, même un peu de travers. voyez cette mer bleue avec ses larges lames; Ecoutez le doux rire. innocent de 'ces femmes Qui traînent des filets et qui mêlent leurs 'eux, Leurs chants et leurs pieds nus aux grands flots orageux; Le travail assainit les ames apaisées Par les astres, les vents, les fleurs et les rosées; Elles, ne sauraient pas dire les mots méchants, Car ces filles des mers sont les filles des champs; Elles n'ont pas de. fiel, elles n'ont pas d'envie. Si par trop de vertu vous attristez la vie Désapprouvant toujours ce que les autres font, Moi le contemplateur de l'océan profond Je me fâche, et. je sens,mon blâme qui se dresse. Soyez plutôt pêcheuse; et même pécheresse. 6 mars. F° 148 126/7. Fin de l'exil? Fraternité Les peuples; si calmes naguère, Sont 'prets à s'entredévorer, Et, montrant.les canons, la guerre N'attend plus qu'un bon à tirer. Fo, 149-150 66/33. Mai 1874. Ne t'inquiète point dés affronts au génie. Avoir l'envie' au coeur, aux lèvres l'irônie Poète, c'est un peu l'habitude' d'en bas. Ces tumultes ne sont pas même des combats, C'est du bruit, rien de plus et quel bruit? [Suivent des ébauches pour Toute la Lyre, III, 2 et V, 36] F° 151 77/165. Fin 1874. L. l'Inde - '. Ils font, manger les morts aux vautours sur les monts. en Inde Quand on voit des vautours sur les cimes planer on dit dans les campagnes C'est qu'on a mis des morts sur le haut des montagnes. [cf. Toute la Lyre, V, 45] 1870-1884x 1063 Rois causant du détrônement possible. Et nous en serons là dans l'avilissement Qu'on parlera de vous et dé moi simplement Comme si nous étions dés vivants ordinaires. - Ah! plutôt allumer là-haut tous les tonnerres! idylle à épines Mais qu'est-ce que cela me fait à moi rêveur? Fo 152 1878? Brusquement, il fait nuit, C'est. Juvénal qui vient, c'est Tacite. qui passe; A l'éblouissement que jetaient dans l'espace A l'azur que faisaient Néron, l'ibère, Othon, Succède tout à coup le nuage des foudres. Succède la nuée énorme des tonnerres. Fo 153 88/35. 1878? Tout sur terre s'attaque, et' dans l'âpre vallon, Comme dàns le destin plein de pièges infâmes On entend se heurter les branches et les âmes. Si je ne devais pas mourir bien avant eux, Je me dirais, j'ai tort d'être faible et trop tendre, Mais qu'ils aiment mon ombre. : Faisons grâce à qui sôuffre et supplie.'" Ne croyons pas être à l'abri de la revanche divine Il n'est rien de si haut qui ne soit châtié. Prenons garde de mettre en courroux la pitié. Sois un homme puissant, un prince aie à ton service la Sainte-Wehme ,ou la Sainte Hermandad Sois Haroun-Al-Raschid, calife de Bagdad, le cloître Ce paradis qui tient les âmes en prison. Les âmes des héros refusent de vieillir, Et luttent jusqu'au bout contre l'âge, indignées Du refroidissement sinistre des années. FO, 154-155 141/8. 1877-78. Avec ses courses buissonnières Et sa vaste rébellion,. Grandi de toutes les manières Le lionceau devient lion. Émile Deschamps fait deux vers, Pater, Ave, Qu'il met dans un album; pour couronner la paire, Il signe É.D. - C'est doux d'être aidé, dit mon père. Pas pour vous, dit Deschamps; vous êtes acheve. F°s 156-157 Vers 1877-78. Tityre, sous ce hêtre où tu t'assieds parfois,. Tu médites le chant mystérieux des bois, Tu tires de ta flûte une note attendrie, Exquise et douce, et nous, nous quittons la patrie 24. Et tu ne sauras rien de tous ces sombres môndes, Habités et roulant on ne sait quelles moeurs, Si tu n'écoutes pas les confuses rumeurs Qui composent la nuit le silence sinistre. F° 158 1874. La Révolution fait le tour de l'Europe; Chante, ô peuple. Toujours la gloire fredonna. Théocrite entendait la flûte du cyclope Pendant l'éruption farouche de l'Etna. F° 159 1874. Le lion est lion et n'a pas d'autre règle; L'aigle a pour habitude unique d'être un aigle; Et vous l'étonneriez beaucoup en lui disant : quand un vieillard est seul Il sent que son manteau fait des plis de linceul. [Suivent des ébauches pour La Paternité] F. 160 1878? La source les dieux ont nos défauts É.D. H.V. (Vers de mon fils Charles) -1870-1884 1065 normandes Les déités parfois sont comme nous gourmandes, Sous les arbres profonds pleins d'obscures rumeurs; La nymphe devait être une nymphe à primeurs Car la source sentait vaguement les asperges. Fo 161 7/32. Vers 1875. Car ces hommes,' ce sont les grands bandits. arabes. Le vent, balbutiant de magiques syllabes, Féconde la cavale ardente qui leur sert A traverser d'un bout à l'autre le désert 25,, Et qui, s'il leur plaisait de prendre Dieu pour cible Et d'aller droit aux cieux, ferait l'essai terrible. Que de fleurs! tout cela naît et meurt, recommence, Ensemble, pêle-mêle, à la fois, redescend, Puis remonte; va, vient, fuit, reparaît, versant La paix aux coeurs meurtris, la joie aux fronts moroses. Fo 162 245/40. 1879? me! me! adsum qui feci! 26 - etc. - (Ainsi parle Nisus d'horreur interrompu) Moi! c'est moi! J'ai tout fait. Celui-ci n'a rien pu, Rien tenté. C'est moi seul. A moi tous. les supplices. J'en atteste ce ciel, ces astres, mes complices! Mais il a trop aimé son misérable ami! Seulement il a trop aimé son triste ami. (Moins bien. Seulement y est cependant) . enivrée c'est ainsi qu'inspirée, Dans l'espace, à travers l'ombre et les tourbillons, Ma pensée, ô.Dieu juste, arrive où -nous allons, Aux paradis. profonds où les. mondes sont frères, Sans se laisser étreindre aux obstacles contraires, Sans geôlier à gagner, sans payer de tribut, Avec l'activité du projectile au but. Fo 163 Été 1877. Orion, Allioth, Bételgeuse, Céphée Marquent l'heure éternelle au fond du bleu cadran; Et la poursuite de trois astres Tournant l'un après l'autre,.ô mornes Zoroastres, C'est le sinistre Aldebaran. Fo 164 88/36. Vers 1880? Comédie Le poète entendit ceci sur la montagne : le diable Je vous parie Adam contre Eve. Dieu Qui perd gagne. Soit. Puisses-tu gagner la femme! lé diable Merci, Roi. Dieu Que diable en pourras-tu faire? le diable J'en ai l'emploi. (Pour Toute la Lyre) Vers 1875. Océan, p. 546. Le passereau, la huppe et la bergeronnette Discutaient, entre oiseaux on jase, on est honnête, Mais on est susceptible, et quelquefois les becs Font comme les troyens ennuyés par les grecs; On se chamaille; ainsi les bons rapports s'altèrent; Les trois oiseaux ayant discuté, disputèrent; C'est la pente; on descend par cet escalier-là; On s'aima dans l'Eden, puis on se querella; Sitôt que la discorde amère fait un signe, Le sage à ne plus être sage se résigne. Les oiseaux sont un peu des hommes et des femmes. Et nous, n'avons-nous pas des ailes dans nos âmes? F° 166 Vers 1880? Pendant que je vais dans l'abîme, Sans savoir comment ni pourquoi, Faire le mal, créer le crime, Sois sublime, Toi! Fo 165 1870-1884 1067 F° 167 141/9. Vers 1880? .. Si le monde croulait, le monde Écraserait le corps sans ébranler l'esprit. L'Auster; chef orageux de,l'Adria. profonde, Ne le, ferait pas reculer; Si le monde croulait, le monde L'écraserait sans l'ébranler 27 ... comme vous apprêtez Vos adoucissements d'après nos âpretés. prononciation Une composition de trois syllabes âpre donne trois résultats différents. F° 168 Vers 1880. Solitaire, tranquille et sinistre palais, Salut! sois dur à ceux que tu tiens! garde-les Nus et tremblants au fond de la terreur obscure! S'ils osent remuer, qu'ils sentent la-piqûre. De l'éternel geôlier (le mal) 69 92/160. 1879-80? Soudain la porte s'ouvre et les danses, les pas, L'orchestre, les chansons, les rires, tout s'arrête. Et la mort dit : Je viens, quoique l'on ne m'ait pas Invitée à la fête. 25 mai. F° 170 Vers 1875. Ni prêtres, ni soldats. Hommes, soyez des hommes! La tonsure et le casque, en ce monde ôù nous sommes, Sont le même affreux cercle autour du front humain. N'ayez ni goupillon au poing ni sabre en main. Le cloître est imbécile et,la caserne est,sombre. Ah! vivez! entendez derrière vous dans l'ombre La femme furieuse acharnée à vos pas Vous crier : - Si je fais des enfants ce n'est pas Pour qu'un Dieu me les vole et qu'un roi me les tue! F° 171 1875-80. Et j'irai le plus loin que je pourrai dans l'ombre Où sous les cieux sans fin croissent les fleurs.sans nombre, Où l'on sent tout qui germe et rêve et se confond, ' Formes, souffles, lueurs, âmes, dans Dieu profond; Et je -verrai quel art le papillon emploie Pour rester le joyeux passant aérien Et tout prendre à la fleur et ne lui laisser rien; J'étudierai, Virgile aidant, la pastorale Dans ses rapports avec le code et la morale, Pour savoir si l'on peut, quand mai donne le bal, Troubler Flore et Zéphyr par un procès-verbal, Fourrer Saturne et Rhée au poste, et si ce dogue Le gendarme, a le droit d'aboyer dans l'églogue. Certes, si Margot montre à Mabille sa gorge. A Samuel Bernard, banquier au pied fourchu, Amaryllis n'a pas beaucoup plus de fichu, Et Glycère n'est pas beaucoup plus habillée Pour Moschus qui la guette à travers la feuillée; F° 172 1875-80. Je m'en irai parmi les frênes et les saules, Entrevoir des blancheurs, des gorges, des épaules, A la condition que cela soit divin, C'est le rêve du mage et l'espoir du sylvain, Lorsqu'attentifs au chant des nids qui les attire, Lui ce.chaste poète et lui l'ardent satyre, Ils rôdent dans cette ombre où sourit floréal, L'un cherchant le réel et l'autre l'idéal. F° 173 1880? Voyant ces fleurs, ces bourgeons, ces feuillages risqués dans les derniers souffles hostiles, toute cette jeune audace d'avril, je me sentis joyeux, j'eus un vague instinct de collaboration avec la nature, je saluai le ciel bleu et la plaine verte, et j'adressai quelques paroles d'encou- ragement au printemps. J'adressai quelques [mots] de complicité tendre Et d'encouragement au printemps; je lui dis : et j'adressai dans l'ombre Un 'encouragement au' printemps; je lui dis : - Printemps, sois amoureux. Rayons, soyez hardis, Prenez les nids pour buts, prenez les coeurs pour cibles! Faites, petits oiseaux, tous les excès possibles! Ce bois mystérieux n'est point assez pâmé! Aie encor plus d'audace, ô jeune mois de mai! 1870-1884- 1069 Fo 174 ' 8/31. 1880? Ce 'sont des ennemis... Mauvais pour le combat; mauvais pour la victoire, Durs à vaincre' vivants, durs à digérer morts. 'vers faits 'en dormant Toute heure apporte ses caresses, Et nous recevons, radieux, L'amour de toutes les déesses Et la force de tous les dieux. (différence des langues) En latin, je m'émeus des charmants vers d'Horace : Dic mihi, 'musa, virum captae post tempora Trojae, Qui mores hominum multorum vidit et urbes 28; Mais en français j'écoute avec fort peu de joie : Muse, dis-moi quel homme, après'qu'on eût pris Troie, Vit les moeurs de beaucoup d'hommes et leurs cités. . Nous sommes furieux -.. Nous emplissons d'horreur les yeux profonds des Muses Nous hurlons, nous grondons, tandis que tu t'amuses, Ô Tityre! et couché sous un- ombrage épais, Tu fais de ce roseau sortir un chant de paix. Fo 175 1879? où commence L'âpre éblouissement de ce qui n'est qu'immense, De ce qui n'a pas d'yeux, pas d'oreilles, nul bruit, De ce qui semble un jour fait avec de la nuit Elle battit des mains, effarée et terrible; Si les déserts, si les sables, Si les grands bois, ' Si les choses formidables Que j'entrevois, Étaient, sauvage nature, Coupés' soudain Par la gaîté toute pure D'un frais jardin. [Suivent les deux dernières strophes du fo 90.] Fo 177 6/171. Cf f, 90-91. FO5 179-180 6/212. 1878. Océan, 51. Chanson Avant que tu me l'apprisses, Je savais ton coeur changé; L'amour, dieu des noirs caprices, Rit, et nous donne congé. Oui, tu souriais, ô femme. Moi, j'adorais ta beauté, Mais je sentais que ton âme Songeait d'un autre côté. Tu me quittes; j'ai moi-même Quitté Lise l'an dernier; Lise est mon.esclave, et m'aime, Moi qui suis ton prisonnier. Je t'aime, Anna, fille exquise Qui ris du qu.'en-dira-t-on, Et qui resterais marquise Même en devenant Goton. Je ne veux plus de Lisette; Anna ne veut plus de moi; C'est ainsi que l'âme est faite; Forêts, savez-vous pourquoi? Sait-on pourquoi, brune ou blonde, La femme change souvent? Non,. dit la forêt profonde, Fais ta question au.vent. 18 avril. Je suis celui qui fait des chansons bégayées Par la flûte, à l'écart, loin des routes frayées, Chansons que. le vent mêle à l'ombre, aux sourds abois, Et qu'on entend le soir se perdre au fond des bois. F°s 181-183 et 192 6/211. 1878. Autre chanson [Tristesse, Chanson triste] Je n'entends plus sonner l'heure; Je n'écoute plus les voix; Ne croyéz pas que je pleure Sans raison au fond des bois; Mon coeur saigne, et ma pensée Est triste, hélas! pour toujours, 1870-1884 1071 Parce qu'Anna s'est laissée Aller. à d'autres amours. En vain la prairie est verte,. L'aurore est joyeuse en vain, Hélas, c'est en pure perte Que le printemps est divin Le rossignol perd sa peine; Et cela ne m'a rien fait De voir près de la fontaine Lise hier qui se coiffait; Je l'eus jadis pour amante; Je m'en suis peu souvenu; Elle était pourtant charmante Avec son sein demi-nu. 19 avril.. [Suit une ébauche pour Chanson, datée 31 mars 1878.] Fos 184-185 6/195. 1878? Océan, 57. Je vous quitte, ô villes malsaines! Les halliers sont des lieux bénis Où les femmes nous font des scènes, Où les passereaux font des nids, C'est à peu près la même chose; On se fâche pour s'apaiser; Le bec pique, mais il est rose.: La querelle est soeur du baiser. On s'injurie à perdre haleine, Puis on passe, aux- roucoulements; L'amour. est une forêt pleine De la bataille des amants. On piaille, 'on crie, on se bécote. La tourterelle dit : voyou! Le moineau réplique : cocotte! Puis on murmure : I love you! Gloire aux bois que les dieux habitent! Où l'on fait l'amour au hasard, Où les petits oiseaux débitent Tout leur catéchisme poissard! 15 mai. Fos 187-190 1882-83? Océan, 45. Si tu veux que je te dise Ce que je t'ai déjà dit, Je conterai ma surprise D'être un enfant qui grandit, Et, devant ce qui se pose Et s'en va, blesse et guérit, .Ma stupeur d'être une chose, Ma terreur d'être un esprit. Quel gouffre! la vie obscure! Epeler oui, dire non. Accepter comme Epicure, Renoncer comme Zénon 29! Ôter à Vénus sa conque Et son chignon à Betsy; Être l'écolier quelconque D'un maître quelconque aussi. Comme un voleur se dérobe, Fouiller tout- et creuser tout, Pétrone jusqu'à Macrobe, Euclide jusqu'à Bezout; Dire : je suis, donc nous sommes! Nier Adam pour Japhet; De ce qu'ont écrit les hommes Conclure ce qu'ils ont fait; Renouveler ses études A chaque pas en avant; Se remplir d'inquiétudes, De batailles et de vent, Et de Bible et d'Odyssée, Et de grec et de latin, Et n'avoir dans sa pensée Que l'étoile du matin. Reculer devant l'abîme, Se revoir dans deux beaux yeux, Sentir l'approche d'un crime, Sentir la douceur des cieux; Être la flèche et la cible, Et tomber inanimé 1870-1884 1073 Dans cette chose terrible, Un baiser au mois de mai! Être bon, pur, vénérable, Noble toujours, grand parfois, Et devenir misérable Plus que la feuille des. bois; Je dirai le fond de l'âme Et le Z de l'ABC. Quand j'aurai fini, madame, Je n'aurai pas commencé. J'aurai l'air d'être imbécile, D'être un tremblant innocent, D'être, sans trouver d'asile, Sans cesser d'être un absent, Plus qu'un ange et moins qu'un homme, De subir ce bonheur fou De marcher sans savoir comme Et d'aller sans savoir où. Être sauvage, être 'tendre, Songer mal et rêver bien, O femmes, et tout apprendre De vous, qui ne savez rien! 31 août. Fo 193 6/121. Vers 1880. Empereur, César, Roi, notre maître est superbe. Il ajoute des morts aux fleurs qui sont dans l'herbe. Que c'est beau, ton monceau de cadavres. Ô gloire! Les rois, quand il leur plaît qu'une plaine 'soit noire, Changent leur pourpre énorme en un vaste linceul. César est fort, César est grand, César est seul. Il règne; et le soleil semble son crépuscule. Tous les monts rédoutés, Caucase, Janicule, L'Olympe éblouissant, le Sina ténébreux Tremblent qu'un jour son pied ne se pose sur eux. ces mondes Dont l'échevèlement d'un astre est l'éclaireur Les Prêtres Bénis César vainqueur, Baal, Jésus; Hercule, Jupiter, Jéhovah, Moloch, Allah, Mithra! La lune cette nuit, pâle, contemplera Comme un amas confus d'obscures rêveries La sombre immensité des bois et des prairies. Les vautours accourront joyeux de toutes parts, Et les morts regardant les cieux seront épars. Car au noir genre humain il faut un conquérant, César guide à travers la nuit le monde.errant, Et la terre a besoin du flamboiement des glaives; Elle ressemble aux cieux entrevus dans les rêves Dont l'échevèlement d'un astre est l'éclaireur. Fo 195 9/2. Océan, 144. Enfant, le peuple te regarde, La foule se tourne vers toi. César te voudrait dans sa garde, Jésus te voudrait dans sa loi. Ne sois ni pour l'un ni pour l'autre; Ce sont deux bien grands hommes; mais De la vérité sois l'apôtre, Laisse-les sur leurs deux sommets. George est à genoux, Jeanne prie; Enfants, l'oeil céleste est sur vous; Inclinez-vous, l'âme attendrie; Le monde est grand, le maître est doux. 30 octobre 1883. 19 avril 1884. les voleurs La nature a des tas de voix qui vous provoquent. Vous obéissez mieux, parmi toutes.ces voix, A celle qui dit : Prends! qu'à celle qui dit : Vois! ces sinistres navires Attachés au rivage et captifs comme lui, Et qui baillent la foudre avec un sombre ennui. 28 avril. justum ac tenacem propositi etc. Fo 196 1870-1884 1075 si fractus illabatur orbis, impavidum ferient ruinae L'homme juste est solide. Il va sans reculer. Ni la foule en fureur, ni le tyran qui gronde, Ni l'auster frémissant, maître de l'eau profonde, Rien qui puisse en sa marche honnête le troubler. Si le monde croulait, le monde L'écraserait sans l'ébranler. l'univers s'écroulant Écraserait mes os sans ébranler môn âme. 9 mai 1884. ... je dis bonjour au chat; Je lui donne la patte, il me donne la griffe; Nous sommes bons amis. (quoique l'heure présente ait, etc.) etsi tristis sit bora praesens, nolo mori30. VERS FAITS EN DORMANT Dans l'avril de la vie Et l'avenir brumeux dans ses ondes charrie Votre gloire mêlée aux débris des tyrans. (vers faits la nuit en dormant le 12 7bre 1834) Fo 199 144/277. Océan, p. 488. Orientale On entendait siffler le serpent javelot. Est-ce que ce n'est pas un désolant spectacle De voir dans notre siècle, immonde réceptacle De vices qu'on étale aux portes du saint lieu, Des femmes secouer la tête d'un air triste Et dire à Jésus-Christ : vous êtes un artiste, Vous n'êtes pas un Dieu! Vers faits en dormant la nuit du 17 au 18 mai 1843. Fo 200 Océan, p. 489. Mon oncle était fort mal. Dans cette extrémité Vinrent quatre docteurs selon la faculté. Il est bien, dit Tant-mieux; Tant-pis dit : qu'on l'enterre! Saignez! dit Sangrado; Purgon cria : clystère! Et le cher oncle, en proie à ces savants malsains, Mourut écartelé par quatre médecins. Fo 198 Nuit du 2 au 3 9bre 1847. 1870-1884 1077 F° 201 147/104. Océan, p. 489. J'ai vu ce Phar'aon superbe 'dans sa tombe. Car devant mon: regard toute" muraille tombe; Je vois avec l'esprit le dedans des tombeaux. Il dormait, pâle et nu, cet homme, de discorde, Assis sur une pierre et lié d'une corde; A terre, et sur ses pieds appuyée à,demi, La -Mort, qu'il a;de sang enivrée et lassée, Dormait aussi, la corde entre ses doigts passée, Et le spectre endormi gardait l'homme endormi. Nuit du 8 décembre 1850. F° 202 139/111. Océan, p. 489. Les frégates couraient éparses et meurtries. futura 14 Xbre jersey ' Elle disait : J.J. Rousseau, c'est beau,' mais c'est trop humide. L.B. restera avec sa courte honte et son long.nez. Et d'ailleurs, écoutons, pensons, ouvrons l'oreille. La conscience en nous, lampe nocturne, veille, Ame du genre humain. tenez les jaçques faites vos. pâques. Souvent, quand. dans les- flots l'orage ailé se plonge, Lorsque l'eau bat ma vitre et le vent ma cloison, Je m'éveille au milieu de la nuit et je songe 'Pendant que la tempête ébranle la maison. Nuit du 14 au.15 Xbre 1852. 03 69/7. Nuit du 21 au 22 9bCe 1853. Boire, manger, dormir, gagner de l'argent - attendre - Cet homme est capable de tout - diable! prends garde etc. Qu'est-ce que.tous, ces. lâches? Sont-ils fils Des vieux Français, des vieux combattants, des vieux braves? D'où sortent ces intrus, ces moujiks, ces esclaves? De quel droit rampent-ils dans l'antre des lions? Dans les.jours abhorrés des deux invasions, Le. cosaque a donc fait bien des enfants aux femmes? Marguerite, le marquis Château! - Margot! (leurs verres se choquent) Fo 204 144/182. Oh! comme vous passez rapidement, années! Vers faits dans le sommeil (nuit du 23 au 24 février 1854) - Qui donc es-tu? - Quelqu'un de l'ombre. - Et que veux-tu? - Quelqu'un d'ici. Fo 205 129/37. Nuit du 4 au 5 mai 1854. Traces au réveil de vers faits la nuit en dormant. Et les français à qui l'abîme n'ose pas Dire : c'est impossible. .le tigre Saute; le lion marche Cet homme, dans son burg infâme, Debout, seul avec l'aquilon, Attend la femme Qui viendra, de son doux talon, Broyer son âme. Vers faits en dormant du 3 au 4 août 1854. Fo 207 144/196. Vers fait en dormant : Les vagues bondissant là-bas, pleines de bruit. (nuit du 25 au 26 août 1854) Fo 208 Là, près d'une masure à la vitre fêlée, Les rateaux d'un cordier dans une longue allée Grincent : le mage vénérable Va de l'homme illisible à l'ombre indéchiffrable Fo 206 1870-1884 1079 la foudre l'aboyeuse des nuées. Océan, p. 490. Le berger. La nuit. Et, soufflant la brume illusoire, Remuant les flots décevants, Guettant dans son embûche noire La mêlée âpre des vivants, .La mort autour de lui tressaille, Comme c'est toujours sous le ciel La veille de cette bataille, Il fait ce bivouac éternel. Vers faits en dormant nuit du 15 avril 1855. F° 209 . 144/108. Quand l'infini paraît, il marque la limite De tout en nous, hormis des choses du tombeau. (vers faits en dormant dans la nuit du 30 au 31 mars 1855) F° 210 1855. On dort le matin, âme à demi submergée, A la surface du sommeil. (Vers faits en dormant nuit du 14 au 15 Xbre.) (fêtes de cour) Or, c'est moi qui vous renseigne, Nos maîtres, pour commencer, Devant l'Europe qui saigne, Vont danser. F° 211 106/60. Les spectres, ces vivants du côté noir des rêves. (vers fait en dormant - nuit du 25 au 26 juillet 1855) amour universel Que les cieux Eblouissentt la terre à force de lumière, Et la terre les cieux à force de beauté! F° 212 147/559. Ô' fuite insaisissable et sombre de la vie! Combien, croyant toucher le but de tous leurs pas, Leur Chanaan doré, leur espoir, leur envie, Disent : « J'irai demain », et demain n'iront pas! Vers faits en dormant. Nuit du 3 au 4 janvier 1856. écrit la nuit sans lumière. Grève d'Azette tempête éclairs écume roulis vagues énormes pluie ouragan perditions au milieu de... la statue de bois qui était à l'avant du sloop semblait rire. Fo 213 106/174. 1856? Création voiles Sombres coups de marteaux aux.têtes des étoiles en dormant nuit du 13 au 14 mars. 256/103. Océan, p. 490. Vers faits en dormant, nuit du 10 au 11 9bre 1858. Les choses ici-bas revirent et chavirent; Peuple, la tragédie. et le journal suivirent Des chemins différents sous tes yeux, ô badaud; Elle vient de Thespis et lui de Renaudot; O lecteur, l'harmonie est au fond du contraste, Thespis et Renaudot s'appelaient Théophraste 31. F. 215 143/123. Satan. Sa face regardant un monde, y fait la nuit. Le pigeon vole haut et l'hirondelle bas. Il pleuvra. À Arnhem. Nuit du 12 âu 13 août 1861. Pas de voile sur Ève et sur' Adam. L'habit Que le climat impose et que l'homme subit, Efface la beauté sacrée, et substitue Une poupée informe à l'auguste statue. Océan, p. 491. Vers faits en dormant cette nuit 26-27 juin 1865. L'effrayant luminaire, Le grand soleil des cieux est sa lampe ordinaire. Il la prend en sa main pour marcher dans la nuit. 8/52. Océan, p. 491. Alors' il se lo,gea chez le vieux prêtre sombre Où 'son predecesseur d'abord s'est établi, Trouvant bon d'habiter, avant la chambre d'ombre, Une chambre d'oubli. F° 214 Océan, p. 491. F. 216 F° 217 Fait en dormant. Nuit du 17 au 18 $bre 1879. 1870-1884 1081 tout me soutient, toi sur terre, Dieu dans les cieux. Vérité parvenue à passer pour mensonge; D'où sa fortune. Fo 218 Après le 31.1.79. la République Il lui a suffi de heurter l'un contre l'autre ces blocs de ténèbres pour en faire jaillir la lumière. Sex homini dormire etc. Six heures de sommeil aux jeunes comme aux vieux; Sept aux quinteux, mais huit à nul. Dors peu, dors mieux. Fo 219 Vers 1880. Océan, p. 491. Vers faits la nuit en dormant. ... cette perfidie Avec une étincelle allume un incendie, Et, liant un abîme à la bouche qui ment, Crée une catastrophe avec un faux serment. La reine de Saba montra sa cuisse au roi (tunc regina Saba coram rege crura denudavit 32) Cette femme sera la Mère pour le fils Et pour le père la Patrie. Source: http://www.poesies.net