La Messe Là-Bas. (1919) Par Paul Claudel. (1868-1955) TABLE DES MATIÈRES Introït. Kyrie Eleïson. Gloria. Lectures. Credo. Offertoire. I II III Préface. Consécration. Pate Noster. Communion. Ite Missa Est. Le Pain Bénit. In Principio Erat Verbum. L’Offrande Du Temps. Note. Introït. Une fois de plus l’exil, l’âme toute seule une fois de plus qui remonte à son château, Et le premier rayon du soleil sur la corne du Corcovado! Tant de pays derrière moi commencés ans que jamais aucune demeure s’y achève! Mon mariage est en deçà de la mer, une femme et ces enfants que j’ai eus en rêve. Tous ces yeux où j’ai lu un instant qu’ils me connaissaient, tous ces gens comme s’ils étaient vivants que j’ai fréquentés, Tout cela est pareil une fois de plus à ces choses qui n’ont jamais été. Ici je n’ai plus comme compagnie que cette augmentation de la lumière, La montagne qui fait un fond noir éternel et ces palmiers dessinés comme sur du verre. Et quand la Création après le jour sans heures se condense une fois de plus du néant, Fidèle à l’immense quai chaque soir, je vais revisiter l’Océan: La mer et ce grand campement tout autour avec un million de feux qui s’allument, L’Amérique avec toutes ses montagnes dans le vent du soir comme des Nymphes couronnées de plumes! L’Océan qui arrive par cette porte là-bas et qui tape contre la berge haute, Sous le ciel chargé de pluie de toutes parts ces chandelles de cinquante pieds qui sautent! Mon esprit n’a pas plus de repos que la mer, c’est la même douleur démente! La même grande tache de soleil au milieu sans rien! et cette voix qui raconte et qui se lamente! Voici la contagion de la nuit qui gagne tout le ciel peu à peu. Le jour après six jours qui fait sept et pas un qui ne me rapproche de Dieu. Quand mes pieds connaîtront le repos, quand mon coeur aura fait alliance avec la nuit, Qu’est qui commencera pour toujours aussitôt que tout sera fini? Est-ce que je verrai quelque chose pour moi dans le ciel se dédoubler comme les feux qui marquent l’entrée d’un port, Ou cette étoile près de la Croix-du-Sud qu’on appelle Alpha du Centaure? (1) Vous aurez beau m’avoir mis près de Vous pour toujours d’une manière qui est au- dessus du sens, Je ne serai pas plus sûr de Vous, mon Dieu, que je ne le suis à présent. En cette heure vide, où je suis avec Vous, d’autre chose que de sa durée, Toutes choses dont on dit qu’elles passent, je suis Votre témoin qu’elles ont passé. Sans doute elles ne passent pas inutiles, elles épuisent jusqu’à la dernière strophe le Poëme, Jusqu’à ces palmes dans le vent du soir! le spectacle de ce qui est autre chose que Vous-même. Ce chaos de feuilles et de fougères dans le soleil, ce séjour de ma cinquantième année, Ce ne serait pas plus difficile, rien qu’à l’oeil en se fermant, de l’abolir, que ce ne fut de la patrie où je suis né. Ce serait ce visage jadis aimé quand naissait ce charmant sourire, Que ce ne serait pas plus difficile aux yeux en se fermant d’en faire pour toujours un souvenir. Qu’est-ce qu’elles feraient, mon Dieu, toutes ces pauvres choses qui ne subsistent pas, Sinon, par leur nature qui est de naître et de cesser, témoigner que Vous êtes ici et là? Dommage qu’elles ne puissent cesser aux yeux sans qu’elles déchirent le coeur. Mais pour ce qui est de les voir mourir on est aussi bien ici qu’ailleurs. Là-bas dans le pays que j’ai quitté, l’Europe, on trouve que les choses n’allaient pas assez vite. Cette espèce de grande Exposition Universelle dont ils étaient si fiers tapageante, point de cesse pour eux qu’ils ne l’aient détruite. Cette vie de soixante minutes, c’était trop long et trop ennuyeux! A nous cette grande Coopérative, la guerre, pour détruire toute autre chose que Dieu! Ici je n’entends plus rien, je suis seul, il n’y a que ces palmes qui se balancent, Ce jardin mystérieux à Votre image et ces choses qui existent en silence. Elles existent pour un moment, mais tout de même c’était beau! Il faut ignorer son art pour trouver au Vôtre quelque défaut. N’avoir écrit une phrase jamais, l’art pour deux mots ensemble en une seule image de s’éteindre, Pour ignorer que c’est bien, ce papillon sur la rose tout-à-coup, muet comme le pinceau du peintre! C’est un mot qu’on nous propose nécessaire et qui de lui-même sur la lèvre vient se placer. Comment les choses auraient-elles un sens si leur sens n’était de passer? Comment seraient-elles complètes, si leur sort n’était de commencer et de finir? Et moi-même qui parle, qu’est-ce qui parle, sinon ce qui est immortel en nous et qui demande à mourir? Sinon ce qui se meurt d’ennui au milieu de ces choses si belles! Si le monde ne parlait tant de Vous, mon ennui ne serait pas tel. Si leur voix n’était si touchante, si elles ne parlaient si bien d’autre chose, Les créatures n’auraient pas de question pour nous et nous serions en paix avec la rose. Mais les mots, s’ils ne servent à parler, à quoi est-ce qu’ils peuvent servir? Et s’ils ne vous restituent ce qui est en eux, à quoi savent le rossignol et le saphir? Pour trouver ce qui avait, besoin d’être dit, pour nous expliquer de nous-mêmes avec Vous en ce mot que nous avons découvert, Ce n’est pas trop de fourrager la mer et le ciel et d’aller jusqu’au bout de la terre. Où est-il, ce mot essentiel enfin, plus précieux que le diamant, Cette goutte d’eau pour qu’elle se fonde en Vous, notre âme, comme l’amante en son amant? Ce mot qui est comme le consentement à la mort, Votre présence au delà de toutes les images! Ce n’est pas payer trop cher de mourir, mon Dieu, afin que Vous existiez davantage! Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous repoussé? Mon âme, pourquoi êtes-vous triste? Que me veut cet ennemi en moi qui s’attarde et qui résiste? Debout! de ce lieu où j’étais pour aller à celui où je ne suis pas encore. Quand la lampe du ciel pâlit, c’est pour cela que je me suis levé avec l’aurore: A l’heure où les grands palmiers se réveillent, tout ruisselants de la rosée matinale, Et l’on voit une raie d’or la mer au bout de la chaussée coloniale. De ce qui n’était que beauté pour passer à ce qui est amour, Il faut profiter de cet appel qui précède celui du jour. Le mal que ce serait d’être seul, le bonheur que Vous soyez là, Si je n’étais là pour Vous le dire, peut-être que Vous ne le sauriez pas. Pour m’expliquer ce qui fera tout-à-l’heure cette beauté profane et visible, Il y a quelqu’un là-bas qui m’attend avec une suavité indicible. C’est peu de Vous connaître si je ne Vous vois, peu de Vous voir si je ne Vous touche, C’est peu de m’ouvrir les yeux si je ne Vous ouvre ma bouche. Comme le poisson dans l’eau vive qui avale et remonte à contre-courant. Celui qui est attaché à Vous remonte au rebours du temps. Les choses me quittent peu à peu, et moi, je les quitte à mon tour. On ne peut entrer que nu dans les conseils de l’Amour. La cloche sonne. Le prêtre est là. La vie est loin. C’est la messe. «J’entrerai à l’autel de Dieu, vers le Dieu qui réjouit ma jeunesse.» Kyrie Eleïson. Dieu qui Etes tout entier, -Dieu qui Etes tout à la fois, -un seul nom en trois consonnes, Kyrie eleïson! Principe en qui tout commence, -fin à qui tout aboutit, -Kyrie Eleïson. Gloria. Lectures. Credo. Offertoire. Préface. Consécration. Pate Noster. Communion. Ite Missa Est. Le Pain Bénit. In Principio Erat Verbum. L’Offrande Du Temps.. Gloria. Lectures. Credo. Offertoire. Préface. Consécration. Pate Noster. Communion. Ite Missa Est. Le Pain Bénit. In Principio Erat Verbum. L’Offrande Du Temps.i tout consonne, Kyrie eleïson! Père qui êtes tout le Père, -source qui êtes ma source et chose par qui nous sommes, Kyrie eleïson! Fils qui Etes l’Energie, le Verbe et la seconde Personne, Christe eleïson! Hypostase en qui se rejoint ce qui expie et ce qui pardonne, Christe eleïson! Jésus qui êtes mort sur la croix pour le salut de tous les hommes, Christe eleïson! Esprit qui êtes la respiration ineffable entre les deux Personnes, Kyrie eleïson! Esprit qui comprenez tout, Esprit en qui tout est compris, Esprit en qui tout se donne, Kyrie eleïson! Fulminant qui touchez les montagnes, elles fument! Majesté dans le Ciel qui tremble et qui tonne! Kyrie eleïson! Gloria. Le soleil quand on veut l’envisager éblouit, la cloche qu’on entend de trop près rend sourd. Il n’y a chose si belle qu’on puisse la regarder autrement qu’un temps bien court, Comme le vers sur le papier que le blanc interrompt par intervalles, Et comme l’idée qui pour reprendre vers le but avec toute la force originale A besoin que d’autres idées l’une sur l’autre la préparent et lui rendent cet élan une seconde qui emporte tout! Ainsi après la grande acclamation pour commencer qui s’empare du ciel et de la terre, ces espèces de cris coup sur coup: C’est Vous, c’est moi, je Vous loue, je Vous bénis, je Vous glorifie, je Vous aime, je Vous rends grâce, Seigneur, non pas à cause de moi, mais à cause de Vous- même! Et non pas seulement parce que Vous êtes nécessaire, mais parce que c’est beau D’être dans cet iris autour de l’immense déploiement de Votre soleil moi-même cette parcelle de feu et d’eau! Loué soit Dieu qui ne nous a pas permis d’être rien de continu! Et qui de ce Souffle qu’il a déposé en ce vide qui nous constitue Nous a forcé de faire une parole vers Lui et nous rouvre inépuisablement Pour célébrer Cela qui Est le recours à notre néant! Ah, comme c’est donc fragile, un être humain! et comme c’est touchant, Cette voix aveugle qui veut voir et qui est forcée de s’interrompre à tout moment! Et nous savons que de toute façon Votre grandeur surpasse notre rusticité, Et que c’est seulement pour nous faire plaisir, et d’ailleurs pour notre utilité, Que Vous avez fabriqué ce beau soleil dans le ciel comme une lampe qui pend au bout d’un fil. Mais il y a de nous à Vous sans la voix des chemins plus secrets et plus difficiles. La souffrance, c’est à nous! et il a fallu que Vous Vous fissiez un homme pour la connaître. La guerre continuelle contre tout, cela, c’est notre domaine peut-être! L’humiliation, c’est pour nous, la trahison de ceux qu’on aime et qui fait pleurer beaucoup! Le désir insatiable sans rien, c’est pour nous, la misère, c’est pour nous! la mort, c’est pour nous! C’est nous qui sommes capables d’avoir faim, ce n’est pas vos Anges! Cette chose seule nous est commune à Vous et à nous, et ce lien directement au travers de tous vos Anges! Celui pour qui tout au monde est fini et qui n’a plus de paroles pour chanter, Il se tait, mais son coeur bat, et le Père l’écoute respirer, Et quand la douleur est trop grande et que l’on est forcé de reprendre haleine, C’est Dieu même qu’on appelle l’Esprit bouche à bouche qui entre dans la poitrine humaine! Quand l’être que nous aimons disparaît, ce n’est pas lui qui meurt seulement. C’est ce monde habituel qui fâne et qui perd pour nous saveur et sens; Lui, pour nous rendre ce que sa perte révèle et ce que sa présence nous cachait, Ce ne serait pas assez pour nous qu’il revînt tel qu’il était. Ainsi ces matins dorés et diaprés et brillants, Pleins de choses amusantes qui bougent, suffisent tels quels à l’enfant. Mais celui que l’amour simplifie et que la mort a une fois enseigné, Ce n’est pas la peine de lui rendre ce qu’il aime, si c’est la même chose encore capable de lui échapper. -Bien que, -ce visage chéri, -ne le verrait-on qu’un peu, Tout de même ce serait la peine de dire merci et de rendre gloire à Dieu! Et ce serait bon d’avoir son enfant de nouveau, et ce serait doux, Cette main dans la main de la femme qui dit: O mon cher mari, c’est donc vous! Lectures. Etait-ce à Notre-Dame jadis à la sombre messe de sept heures, Quand Geneviève bénit sa ville dans le brouillard, qui s’éveille au cri jaune des remorqueurs? Etait-ce dans cette rue sale de Boston? Etait-ce en Chine, Où le prêtre a sur la tête encore ce boisseau qu’inventa le dernier des Ming? Etait-ce à Prague dans l’éclat de rire doré d’une de ces belles églises rococo, Pleines d’anges qui s’y sont posés partout comme une volée d’oiseaux? A Francfort que la neige obstrue? A Hambourg où la pluie claque aux vitres? Ou je ne sais quelle chapelle entre deux trains engloutie parmi de petits magasins sinistres? Dans la fumée comme du goudron qui brûle, dans le matin limpide comme de l’or Un livre est là sur l’autel qui contient tous les secrets de la vie et de la mort. Silence! pour tout savoir, pour tout nous expliquer il suffit D’ouvrir à la place marquée d’avance les feuilles et de mettre assez près la bougie. Je regarde le visage de l’acolyte qui dans le reflet des cierges paraît rouge, Je suis les yeux du prêtre qui descendent et ces lèvres lumineuses qui bougent. Credo. Celui qui dégageant des choses temporelles ses sens et sa pensée peu à peu Refait entre ses puissances l’unité et se met en présence de Dieu, Il est comme le commandant d’un bateau de guerre qui a pris son poste dans le blockhaus, Il écoute et tous ses moyens sous lui sont autour de lui qui l’attendent, lui- même qui est énergie et cause. Car, comme l’existence de l’oreille est d’entendre et comme celle de l’intelligence est de savoir, La fonction de tout être qui dans une autre volonté que la sienne se connaît créature, est de croire. Au delà de toute sensation comme au delà de toute connaissance, L’homme fait remise de lui-même totale à la chose dont il a reçu naissance. Qui nous attaque, c’est clair! mais ce n’est pas être attaqué que d’être envahi! Et quand on a horreur de la mort, comment faire pour se défendre contre la vie? Toutes ces choses que nous aimons tant et qui dans le fond nous dégoûtent, Quelle joie de s’entendre dire enfin qu’il nous faut les abandonner toutes! Puisqu’elles ne nous permettaient pas de passer outre et voici la vérité qui est tellement autre et mieux, La joie de les avoir, jadis, ne vaudra jamais celle que nous avons à leur dire adieu! Autre? mais ce que nous aimons précisément, c’est cet air de parenté sublime, De sorte qu’habitants des vallées, cependant nous ne sommes pas dépaysés sur la cime! A travers les Articles éternels tout cela qui nous est révélé. Il nous semble que nous l’avions toujours su, tellement c’est humain et familier. Et si pour tout nous expliquer on ne nous apporte que des mystères, Ce sont mystères comme entre les époux et comme entre l’enfant et la mère, Réels, ceux qu’il nous fallait, source d’intérêt dévorant, et de joie poignante, et de vie! La Foi donne leur dignité pour toujours à ces choses qui seront éternellement comme ici. Pas de ces inventions blêmes pour nous et les mots faits de main d’homme de la philosophie! De quoi est-ce que le catéchisme nous parle et de quoi sont faites nos prières? Un père de qui sont complètement ses fils, des enfants qui sont complètement à leur père. Des frères sous le même toit ensemble, une mère admirable et charmante, (Et comment parlerai-je de Marie jamais sans que des larmes montent à ma face pénitente?) Du pain qui est vraiment du pain et qui nourrit, De l’eau véritablement qui lave, du feu véritablement qui échauffe, qui éclaire et qui détruit, Des fautes qui sont vraiment péchés et dont nous sommes un peu là pour répondre, Un dieu qui s’est fait un homme pour nous et qui est capable d’écouter et de répondre, Toutes les possibilités du coeur entre lui et nous, Vivant, Celui qui nous a aimés plus que lui-même, Sauveur, ami, médecin, conseiller, enfant, frère, père, époux! Et bien que ce soit tellement beau, et que ce soit vrai, et que le Paradis Soit autour de nous à cette heure même avec toutes ses forêts attentives comme un grand orchestre invisiblement qui adore et qui supplie, Toute cette invention de l’Univers avec ses notes vertigineusement dans l’abîme une par une où le prodige de nos dimensions est écrit, Cette préparation à travers tous les siècles du corps et du sang de Jésus- Christ, Ce Dieu qui a réussi enfin à se faire homme et le Verbe à se faire entendre, Ce cri d’entre les quatre membres écartelés qui jaillit, ce coeur sur la croix qui se brise dans un suprême effort pour se faire comprendre. Tout cela pour nous, aux pieds de notre Néant, qui lui demande la permission d’exister, S’arrêterait devant notre refus et notre mauvaise volonté. Et de même toute la science et toute l’histoire et toute l’exégèse, La machine de la controverse et l’énorme appareil de la catéchèse, L’âme comme par des mains exquises débridée et dessinée devant nos yeux fibre à fibre, L’enfer et le ciel, tous les deux éternels, et parfaitement nets, et livrés au seul choix de l’esprit clairvoyant et libre, Tous ces chemins étranges et bénis, corniches, ponts, défilés, tunnels, et qui mènent tous à Rome, Ne sont là que pour aboutir à notre consentement gratuit comme la grâce, tel qu’un pacte conclu d’homme à homme. Je n’ai pas besoin d’aucune preuve, et l’oreille tendue à ce que le prêtre récite, Je crois cela, Seigneur, simplement parce que c’est Vous qui le dites. Offertoire. I Le Curé, (dans cette église de Paris que je sais), après qu’il a chanté le Credo, quand il dit: Dominus vobiscum, Se retourne vers l’assistance qui est de femmes et d’enfants et il y a encore pas mal d’hommes, Tout cela tout de même qui est là pour dire la messe avec lui et qui est son petit troupeau. L’un fait semblant de lire dans un livre et l’autre est bien embarrassé de son chapeau. Ce n’est pas que ce soit intéressant, et ce n’est pas positivement que l’on s’ennuie, Chacun sait simplement qu’on est là pour attendre que ce soit fini, Et regarde vaguement le prêtre à l’autel qui trafique on ne sait pas trop quoi. «Le Seigneur est avec vous, mes frères! Mes frères, êtes-vous avec moi? Ce n’est pas seulement la patène, ce n’est pas seulement le calice avec le vin, C’est toi, mon petit peuple, tout entier, que je voudrais tenir et soulever entre mes mains, Ces mains, indigne que je suis, dont il est dit qu’elles sont saintes et vénérables! Voici le plateau qu’on tend, n’as-tu rien que ce sou misérable, Cette pièce sans nom sous la crasse à m’offrir, et le seul porte-monnaie qui s’ouvre? Rien de plus? quoi, n’y a-t-il personne ici qui souffre? Vraiment, quand je me retourne vers vous, ô mes frères et mes soeurs, Il n’y a pas d’affligés parmi vous? c’est vrai, il n’y a pas de péché et pas de douleur? Point de mère qui ait perdu son enfant? pas de failli sans que ce soit sa faute? Point de jeune fille que son fiancé a lâchée parce que le frère a mangé sa dot? Point de malade que le médecin a jugé et qui sait qu’il n’y a plus d’espoir? Pourquoi donc frustrer votre Dieu de ce qui est son propre et son avoir? Vos larmes et votre foi, votre sang avec le sien dans le calice, C’est cela comme le vin et l’eau qui est la matière de Son sacrifice! C’est cela qui rachète le monde avec Lui, c’est cela dont Il a soif et faim, Ces larmes, comme de l’argent jeté à l’eau, grand Dieu, tant de souffrances en vain! Ayez pitié de Lui qui n’a eu que trente-trois ans à souffrir! Joignez votre Passion à la sienne puisqu’on ne peut qu’une fois mourir! Et ne l’entendez-vous pas tout bas qui vous parle et qui vous dit: «Proebe mihi cor tuum. Donne-moi ton coeur, ô mon fils!» II Le pain et le vin sont ces choses que le prêtre avec une profonde gravité Présente l’une après l’autre à Dieu en lui disant: Accipe. Ce pain que Vous nous avez donné à manger, ce vin que Vous nous proposez à boire, A notre tour, les ayant goûtés, nous vous en offrons votre part, Connaissant que par eux entre nous la communion est possible. -J’ai quitté le pays de mes pères et je sais que c’est ici Salem comme dans la Bible! Je vois l’autel et le feu, et ce grand linge entre Dieu et moi, et sont postés Des gardes, je le sens, derrière nous pour nous défendre comme avec des épées tirées! Tel Elie sur le Carmel autrefois, et le peuple meurt de soif depuis sept ans, mais lui, La tête entre ses genoux, déjà entend le son immense de la pluie! - Ces choses que Vous avez faites, Vous estimez qu’elles ne sont pas à Vous, tant que nous ne sommes pas là pour les donner à Votre Fils! Et tout de même ce serait difficile à nous de les lâcher, si Vous n’aviez en nous ce coeur de chair qui est Votre complice. Le pain et le vin, nous savons ce que cela veut dire! Ce n’est pas pour rien que Vous avez créé l’homme capable de mourir! Il y a une voix en lui comme la mort et cela qui en lui tressaille et qui parle plus haut que l’avarice et le plaisir: C’est l’idée qu’on a besoin de lui, et qu’on le veut, et qu’il y a donc quelque chose à faire de lui, et il y a quelqu’un qui est capable de lui demander son être! Ça, il n’y a pas un fils de la femme qui ne le comprenne, et c’est beau, et c’est cela même sans doute jadis qui l’a obligé à naître! Celui qui se croît maître de lui-même c’est qu’il n’a jamais entendu l’appel terrible de la Patrie! Tous ces gens qui Vous refusent la foi, Seigneur, si Vous essayiez de leur demander la vie? Bien que, notre volonté étant courte, et notre intelligence petite, Ne me laissez pas d’issue, et si c’est vrai que Vous avez de moi urgence, prenez-moi vite! -Mais est-ce vraiment un sacrifice? est-ce là ce que Vous appelez Votre exigence. Seigneur? Et si vraiment Vous êtes mon ennemi, quelle est cette mortelle douceur? Ainsi la femme qui croit avoir un grief contre celui qu’elle aime sans le savoir, Et qui sous son petit front borné, maints jours et mainte nuit longue et noire, A préparé sa vengeance et ses reproches en rangs bien ordonnés, Si tout à coup celui-là qui est le seul pour elle vient à se présenter, Ah, qu’il n’aille pas lui mettre les deux mains à cette place où est son coeur, De peur qu’il ne s’arrête de battre et qu’elle ne reconnaisse son seigneur, Et qu’il ne voie, au lieu de ce juge qu’elle avait composé et de cette contenance sévère, Sa tête peu à peu qui se rend et sa main qui peu à peu qui se desserre! III Il y a un homme qui a jugé inutile de regarder autre chose que le soleil; Il y a un homme qui a jugé que la Cause de tout suffit à lui apporter des nouvelles de tout; Il y a un homme qui juge inutile désormais de se déranger, à cause de l’existence du soleil! Il s’est mis pour toujours à genoux. Il y a un homme qui a reçu sa tâche le matin et qui ne fait plus qu’un avec elle! Médecin, poète, soldat, laboureur et bâtisseur de maisons, Il offre à Dieu, entouré de cette oeuvre de toutes parts sous lui peu à peu qui s’exhausse comme un autel, Une chose qui porte son nom. Mais il y a aussi un homme qui n’a jamais su se défendre contre la mer! Il y a un homme qui est professionnellement hors de tout et son domicile est de n’être pas chez lui. Nulle tâche n’est en propre la sienne, c’est lui éternellement l’Amateur, et l’Invité partout, et le Monsieur précaire: L’exil seul lui enseigne la patrie. Tant d’oeuvres diverses l’ont reçu et tant de gens disparates l’ont accueilli! Il y a des moments où l’on aurait presque juré que c’était sérieux et l’on se serait habitué peut-être à le traiter sur un pied d’égalité, Mais lui avec un sourire de plus en plus aimable et des mots qui se rapportent de moins en moins à ce qu’on lui dit, Brûle du seul désir de s’en aller. Donc à lui de nouveau le ponton sous ses pieds qui oscille et l’échelle au flanc noir des transatlantiques! A lui le quai pendant que le train s’ébranle et la longue paroi de tôle marron qui lui passe à deux centimètres du nez! A lui l’absence de nouveau revêtue et cette déréliction entre le Buffet et la marchande de journaux comiques, Ces trois minutes qu’on se donne avant de recommencer à penser! Pas le temps jamais de donner rien à personne sans que de force il n’ait réservé le meilleur. Jamais ce sourire pour lui, mortel ou non, qu’au travers de l’impossibilité! Quelque camarade émergé lui rappelle qu’il a fait ceci ou cela jadis, lui qui ne fut jamais au hasard des circonstances que leur coopérateur Impromptu autant que momentané. Du moins ces montagnes noires sous la pluie, et ces deux cocotiers là-bas dans la mer, maintenant est-ce assez l’exil? Ce cri sauvage dans les bois, -est-ce clair que je ne suis pas d’ici? Est-ce assez clair, ce pain, que la terre tout autour de moi en est stérile, Et que le vin suppose ailleurs d’autres fruits? Mon Dieu, je Vous offre l’absence de tout! Ce pain dérisoire sur ma table, ce vin fugitif, c’est comme si je communiquais avec Rien! Ces choses en qui toute Apparence se résume, j’ai en moi de quoi les détruire assez bien Pour qu’il ne reste plus que Vous! Mon Dieu, je Vous offre ce grand désir d’exister! Mon Dieu, je Vous offre ce grand désir d’échapper au hasard et à l’apparence! Dans l’Amour qui est ma fin face à face, dans la Cause qui est la Vérité, Là seulement je trouverai ma résidence. Ce corps, il ne tient pas tellement à nous qu’il n’y ait moyen de le secouer! Ce sang, les soldats de France sont là pour dire qu’il y a moyen de le répandre! Ces choses pour nous éloigner de Vous si nous le voulons que Vous nous avez données, Il y a moyen de Vous les rendre! Préface. Les deux pieds solidement assurés sur la base inébranlable de la Foi, Les deux bras de toute leur longueur étendus jusqu’à la mesure de la Croix, Le Pontife, au nom de tout ce peuple derrière lui qui le députe, lui-même à son offrande réuni, L’oeil avec tranquillité levé sur Dieu, confesse, chante et définit. Le Ciel et la Terre font silence pour écouter cette voix grêle Qui dit les choses l’une après l’autre qu’elle sait et Dieu à la portée de notre main devant nous qui est réel. Et si la Foi encore ne suffit pas à libérer ce corps déjà altéré d’une autre balance, Si, cette gloire qui emplit l’âme, la chair opaque encore suffit à lui opposer résistance, Il y a l’esprit trois fois libre déjà qui répète le mot trois fois saint, Il y a, à tous les Anges mêlée, la voix qui chante Alléluia dans le matin, Il y a ces larmes solennelles qui coulent, il y a cette face qui se tourne passionnément vers l’Aurore! Il y a ces bras qui suffisent à peine à soulever cet immense vêtement d’or! Consécration. La chose qui a mis Rimbaud en marche et qui l’a chassé de lieu en lieu toute sa vie, (On m’a montré son portrait à demi effacé là-bas la face noire près de ce fleuve d’Ethiopie.) Il est pareil à cette femme qui n’a point de repos à cause de cette pièce d’argent qu’elle sait qu’elle a perdue, A ce marchand à qui on a parlé d’une perle unique, il quitte son toit aussitôt et déjà il a tout vendu, Il n’y a point de repos pour lui, il n’y a point de patrie pour lui, et l’art est une dérision, et l’amour est une équivoque, A cause de cette clef du festin ancien qu’il a perdue, à cause de ce bonheur perdu jadis qui l’avertissait au chant du coq! Le seul devoir est de se tenir libre, il échappe à toutes les mains, Et puisque ce monde est désert, la consigne est d’y marcher comme Caïn. Ce qu’on appelle réalité des choses, à force de nous faire anonymes nous finirons bien par la trouver en défaut, nous finirons bien par la trouver assoupie! A force d’être étrangères les choses finiront bien un jour par le Paradis! (Il faut trouver le poste juste et que rien ne distraie ma surveillance. J’ai besoin de trop d’attention pour ne pas faire silence.) Le délice qui est associé à leur être et la communication qu’elles contiennent, Je finirai directement par l’entendre, autrement qu’au travers de ces paroles païennes! A moi le maximum de désolation dans le maximum de lumière! Tant que je n’ai pas trouvé le Paradis, la vraie place pour moi est ce qui ressemble le plus à l’Enfer. * * * Rimbaud, pourquoi t’en vas-tu, et pourquoi est-ce toi une fois de plus comme sur les images, L’enfant qui quitte la maison vers la ligne des sapins et vers l’orage? Ce que tu cherchais si loin, l’Eternité dès cette vie accessible à tous les sens, - Lève les yeux et tiens les fixés devant toi, c’est là, et regarde l’Azyme dans la montrance. Furieux esprit contre la cage, plein de cris et de blasphèmes, C’est par un autre chemin que nous armerons nos pieds vers Jérusalem. Tu ne te trompais pas quand tu dévorais les choses ainsi, poète sans le pouvoir du prêtre, «Ceci est», voici l’une d’elles tout-à-coup qui est capable de servir de voile à l’Etre, Cet objet entre les fleurs de papier sec, c’est cela qui est la Suprême Beauté, Ces paroles si usées qu’on ne les entend plus, c’est en elles qu’était la vérité. Ce qui ressuscitera les morts, la parole, mais est-ce donc qu’elle s’use ou meurt? Que le prêtre la profère, il lui suffit de ce pain pour qu’elle demeure. La Parole qui est l’homme tout entier, cet homme qui est Dieu en même temps, Nous n’avons qu’à ouvrir la bouche, lui-même pour le recevoir entre nos dents. Cela qui à notre chair s’est fait chair, la Cause en un corps qui m’est accessible, Je vois à la fin de mes yeux que la suprême possession est possible! Possible non seulement à notre âme mais à notre corps! Possible à l’homme tout entier dès cette vie qui sait qu’il est plus puissant que la mort! Le voile des choses pour moi sur un point est devenu transparent. J’étreins la Substance enfin au travers de l’Accident! Je comprends maintenant l’échec de cette chose tant de fois essayée, La combinaison de notre âme avec les choses créées. Ne finirons-nous pas par désirer ce qui est vraiment le vin et ce qui est vraiment la chair, Quand Dieu même sur la croix pour nous s’est rompu et nous est ouvert? * * * Ce que tu cherchais si loin derrière la Forêt au delà de la Mer et des Iles, Ta mère et tes soeurs le savaient, sans qu’elles eussent à bouger de Charleville. Dieu leur avait mesuré leur tâche et le devoir était sévèrement d’y rester, Mais le tien, comme la Sulamite, était de redemander ton âme à tous les gardiens de la Cité! Les parts du monde et de Dieu bien dosées et le confort dans un établissement bourgeois, Voilà ce qui était habitable par d’autres précisément que par toi. Jamais l’Arabie ne te parut plus étrange, l’Afrique plus mystérieuse, Que ne fut ton pays natal à tes yeux en ce jour où Dieu t’éveilla sur la Meuse. Comme les tentures pompeuses et les milliers de cierges en feu et l’appareil empanaché des catafalques N’ont de sens qu’amplifier la mort en ce quelqu’un d’entre nous qui se défalque, Ainsi toute la nature, et ce grand vent amer qui des houles de la forêt tropicale passe à ce pin unique sur la triste pointe de Penzance, C’est lui qui fait résonner notre exil en ce quelqu’un dont toute la terre est l’absence! Que le soleil disparaisse, et les voilà donc de nouveau ces lampes où ne manquera jamais l’huile! S’il n’y avait rien à attendre, qu’est-ce qui allume le ciel ainsi en cette éternelle vigile? Un cri d’oiseau, ce n’est pas si long, un sanglot de colère et de volupté, Que notre oreille déjà n’appréhende ininterrompu le silence qui va lui succéder. Toutes choses sont situées dans une comparaison ineffable et c’est avec le coeur Que nous nous sentirons faits de ce mot même qui leur est intérieur. D’où vient ce surgissement en nous d’innocence comme une eau claire qui nous lave? D’où cette initiative étrange et cette touche sur notre coeur soudain si pressante et si suave? Tu le savais, Rimbaud, et dans ta chambre de Roche pleine de tant de visions et de batailles, J’en veux pour témoins cette croix, ayant fini d’écrire, que tu gravas sur ta table de travail. Mais d’abord tout ce grand territoire sauvage que ton siècle, rompant ses barrières, avait conquis, C’était ta charge de l’arpenter de ton pied même et de l’inventorier au nom de l’esprit. (C’était rouge, le coucher de soleil hier sur la forêt! Ce matin de ton départ, en pleine nuit encore, que le souffle du matin était frais)! Tout d’abord il y avait à faire le Tour du Monde! Il y avait à être comme aux temps primitifs cette particule regardante du milieu des Eaux énormes et rondes. (A cause des choses interposées le soleil de Dieu fait d’étranges jours sur la terre. Voici le passant tour-à-tour blanc et noir à travers ces découpures d’ombre et de lumière), Qui aurait pénétré dans ces lieux où les Anges mauvais sont liés ainsi qu’il a été écrit dans la Bible? Qui aurait déchiffré ce texte d’or une seconde dont deux ou trois lignes au soir deviennent lisibles? Qui se serait mêlé si intimement à la nuit? qui aurait coopéré du fond des ténèbres avec l’Aurore? Qui eût marché ce terrible chemin toute la nuit dans la communion des êtres qui ne sont pas encore? Toute la nuit au troisième étage du ciel annonçant le temps nouveau cette espèce de Géant stellaire! Toute la nuit l’oeil à l’Etoile des Mages et cette flamme rose tout à coup sur les Eaux-salées dans le désert! Ton siècle étant redevenu païen, tu avais à recommencer la recherche et l’attente avec ta vie Des hommes de l’Ancien Testament qui marchaient à la rencontre du Messie! Il n’y avait pas de rencontre à l’auberge arrangeable entre toi et l’éternelle Présence. Il n’y avait pas de rapport possible entre vous que la communication de substance à substance. Il n’y avait de moyen pour toi d’arriver à la vie que de mourir! Ce n’est pas le pain, c’est le calice qui était réservé à un si grand désir! Piéton de toutes les routes vers le désert, le temps vient que tu ne peux plus avancer. L’équilibre de ces deux jambes en marche, Dieu lui-même te l’a retranché. Jusqu’à ce que dans ce port suprême où tu demandas à ta soeur de te conduire, Tu entendes une voix disant: Rimbaud, pensais-tu toujours me fuir? Pate Noster. L’homme déjà vieux et la femme encore jeune sont couchés ensemble pour la dernière fois dans leur lit et ils causent. La journée fut tellement occupée et il reste encore à régler bien des choses. Car l’Allemagne nous a déclaré la guerre et c’est demain que partent les territoriaux. Cet homme qu’elle serre de toutes ses forces dans ses bras et qu’elle ne reverra plus jamais, elle dit que c’était un bon mari avec tous ses défauts. Voilà dix ans que l’on est ensemble et que l’on avait tout en commun, Peines, joies, espérances, pensées, les enfants, et la mort de notre petit qui fut ce resserrement entre eux et ce grand chagrin. C’est à son tour maintenant de partir. Il lui donne les derniers conseils, humbles et courts, selon ce qu’il croit bon. Elle, sait seulement qu’il est là et elle a trouvé une chose ou deux dont elle lui demande pardon. Elle a ce peu de temps pour se mettre avec tous ses petits une fois encore entre les bras de ce fort qui était sa citadelle. Après quoi ce sera le réveil, et le jour, et la gare, et le grand baiser cruel. Et l’immense foule qui fait ah! et les wagons l’un après l’autre qui se meuvent, Et toutes les longues années qui commencent pendant lesquelles ce ne sera jamais fini d’être veuve! Seigneur, tout ce qu’il y avait de viril dans le pays peu à peu Vous l’avez réuni à Votre absence. Ecoutez le cri qui vers Vous s’élève de toutes les femmes de la France! Sion n’a plus de chef et le sort à tous les enfants commun est de n’avoir plus aucun père. Prenez donc Vous-même la place de l’homme qui nous était nécessaire. Rapprochez de nous un peu la façon que Vous avez de Vous taire, Puisque tous ces êtres à qui notre âme et notre corps adhéraient maintenant ne font plus qu’un populeusement avec Vous! On nous a coupés trop près pour que notre chair cesse si facilement d’être à nous! Notre père qui êtes aux cieux, ayez pitié de nous! Il faut que notre Père au ciel prenne la place jusque dans le détail de celui sur la terre qui nous est ôté. Nous ne sommes plus que des enfants et notre orgueil est dépouillé. Mais qui connaît mieux le Père que la femme que jadis il a désirée? C’est elle qui l’a connu avant tous et elle était avec son coeur la première dans le conseil de donner la vie. Sans elle il n’aurait pu être le Père et ceux-là n’auraient pu être ses fils. Eux n’ont connu que sa bénédiction, mais elle a connu ses caresses. Ils n’ont connu que sa force, mais elle a connu sa faiblesse. Communion. Ah, ce serait le désert, -et l’on ne me donnera pas de plus grand désert que cette ville, (Un tramway passe, et j’entends le soleil du matin qui flamboie sur la mer et sur le Brésil), Ah, ce serait la nuit, -et il n’y a pas de plus grande nuit que le conseil en nous et l’autorité Qui veut que nous fermions enfin les yeux à toutes les choses créées, Ah, ce serait la mort, -mais déjà ce sont les cierges et les fleurs, Et le linceul, et le tombeau béant que garde l’Ange exterminateur, Ce serait tout cela qu’à l’anéantissement de l’âme à genoux comme une femme qui se voile et qui adore, Cependant il manquerait ce parfum peu à peu qui se dilate et cette rose peu à peu qui se décolore! Amie de mes jours coupables, adieu! je renonce à ton épine, Je ne retrouve plus la rose au milieu de la respiration divine! Et cependant ce qui est venu vers moi, je l’accueille avec le même coeur de chair! «Il n’y a pas deux amours», comme l’a écrit Lacordaire. Avec le même transport d’admiration naïf d’un coeur qui charge sur tout ce qui est la beauté avec la joie! Cette chose qui sait mon nom, comment lui refuserais-je ma foi? Invasion de la rose jadis, ah, n’en fus-je pas embaumé? Il me fallait un vin fort pour me la faire oublier. Le vin que font une âme et un corps mis ensemble sous le pressoir, Rien de moins que ce qui en un homme d’un Dieu exsude dans la même épaisse goutte de sang noir! Le vin mystérieux que jadis préfigura l’ivresse de Noé, La passion de cette grappe pour nous qui sur la croix a bouilli et fermenté! Avec des mots qui sont des paroles moins qu’une intensification de sa présence, Ce qui est venu en nous parle, -moins qu’il n’approfondit notre silence: «Où sont tes pieds désormais pour me fuir et comment t’y prendras-tu? Tes mains, à qui les tendre, dis-moi, maintenant que je t’ai ôté la vue? Où est le rivage que tu n’aies pas épuisé? quelle aventure te reste et quel amour? Il n’était que juste temps que je te rende aveugle et sourd! Est-ce vrai que je suis ton Dieu? pensais-tu si facilement m’échapper? Et malgré tout ce que j’ai fait contre toi, est-ce qu’il est si facile de ne pas m’aimer? C’était dur, ces choses que je t’ai cruellement interdites en te les donnant, simplement parce que je n’y étais pas, Ce repas qui dès la première bouchée te dégoûtait, à cause de l’absence de moi? Mais que dis-tu de ce festin maintenant que nous consommons seul à seul et corps à corps? Le pain que je te donne à manger est-il pur et le vin que je suis est-il fort? De quoi te servirais-tu pour séparer ta personne de la mienne? Quelle est la partie de ton être où je ne sois et qui ne m’appartienne? EGO SUM. C’est moi. Ta maison est assez grande pour qu’elle me contienne. Avant que tu le saches, j’étais là, et je demeure avec cet homme que j’ai fait. Tu cesserais d’exister si je me retirais. Viens avec moi, où Je Suis, en toi-même, et je te donnerai les clefs de l’existence. Là où Je Suis, c’est là éternellement qu’est le secret de ta naissance. C’est en vain que tu te débats, tu ne te défendras pas éternellement contre ma paix. Le sens-tu ou non, que je suis là, ce convive que tu attendais? Mon repos est-il assez profond pour toi? que dit-il, ce pauvre coeur? La crêche est profonde qui s’ouvre à tous les agneaux du Seigneur. Si nous n’étions différents, il n’y aurait pas ce désir, il n’y aurait pas ce besoin, il n’y aurait pas cette grande étreinte comme entre les époux! Si tu n’étais pas mon fils, je ne serais pas aujourd’hui ce Père à qui l’Enfant Prodigue jette les bras autour du cou. Depuis qu’enfin nous nous sommes atteints dans cette abdication et dans cet effort, Depuis que le temps que nous sommes unis, qu’est-ce que nous avons fait de la mort? Pour ne pas me préférer, il aurait fallu ne pas me connaître. Comment fera-t-il pour mourir, celui que j’ai admis jusqu’à mon être? Où sont tes mains qui ne soient les miennes? et tes pieds qui ne soient à la même croix fixés? où est toi, qui ne m’écoute? Je suis mort et je suis ressuscité une fois pour toutes! Nous sommes très près l’un de l’autre et il nous devient de plus en plus difficile d’être ailleurs. Comment faire pour te séparer de moi sans que tu m’arrache le coeur?» - Que fait l’âme cependant qui depuis sa naissance a compris que le bonheur était son seul devoir, Et qui de la jointure de ses os vers celui qu’elle sent dans la nuit élève ce cri plein de tendresse et de désespoir! Elle est comme une femme inopinément dont les voeux sont accomplis, Et qui tend avidement l’oreille, et cependant elle voudrait être ailleurs, et qui se trouble et qui rougit. Que faire quand elle s’aperçoit qu’à tous les moments de sa vie, les plus secrets et les plus deshonorants Elle a fait participer l’image du Dieu vivant? Elle est comme une femme sur son lit d’hôpital jadis belle et qui essaye encore A l’amant qui l’a demandée de cacher ce côté de sa face que le lupus dévore. Elle est comme une femme au bagne, (pendant qu’elle dormait), que l’ami de son coeur a visitée, Elle pleure et sous ses vêtements violemment serre sa plaque d’identité. Ite Missa Est. Allez, la messe est dite. Ame forte et compétente, lève-toi et va, Où l’affaire inachevée t’attend et le vers hier suspendu sur le papier plat. Jour à jour, comme l’humide papillon qui déplie et développe ses ailes, La chose qui est née tout autour d’elle suscite, et l’idée implique une idée nouvelle. Va vers l’oeuvre qui t’est appropriée sans que tu la comprennes et qui est bonne, Comme l’abeille qui ne sait rien, mais qui a à la fois le sentiment de la fleur et celui de l’hexagone. C’est bon de savoir qu’on est dans le principe avec qui toutes choses sont naturellement en harmonie, Et que tant d’êtres sont en débrouillement vers nous qui de nous attendent l’ordre, l’explication et la vie, Quand tu comprends tout-à-coup ce que c’est que ces enfants qui se sont placés parmi tes bras, Faisant sortir, parce qu’ils en ont besoin, de ton âme et de ta pensée, et de vouloir! ces idées et ces ressources qui n’y étaient pas. Le métier, la trame un moment interrompue, à la porte se rattache par tous ses fils à tes membres et t’accueille. La tâche que tu n’as pas demandée est si grande que le refus est aussi impossible que l’orgueil. «Allez, la messe est dite», et le devoir nécessaire est acquitté. La terre pendant que tu priais poussait et vois la qui est prête à être moissonnée! La même chose qui dans les plantes et les bêtes devient farine, suc et chair, C’est cela qui en toi devient idée pour, les autres, la cueillir, et la voix, et le propos de ce qu’on va faire. Sens, égal de l’arbre qui dure et de la moisson qui dort, Un monde à l’intérieur de ta pensée jaunir dans le même souffle d’or! Le Pain Bénit. L’endroit de la messe en France que les petits garçons aiment le mieux, C’est quand l’enfant de choeur à la fin se détache de l’autel et vient vers eux Avec une grande corbeille pleine de morceaux de pain où il n’y a qu’à prendre. C’est dimanche, quelqu’un déjà ouvre la porte pour sortir, il y a des masses d’oiseaux qui crient et la terre est grande! Mais précisément au moment où lui aussi va plonger la main dans le panier, Avant que, comme Adam dans le Paradis Terrestre, il ait mis ce fruit qu’on lui apporte solennellement dans sa bouche et l’ait mangé, Qui dira s’il n’est pas un de ces enfants a qui d’un seul coup d’avance vient d’être communiquée toute la vie, Et qui connaît pour la première fois cet étrange sentiment fait d’expérience préalable et de langueur et d’ennui, L’idée de quelque chose de meilleur, et de poignant, et de seul désirable, Dont il sent que toutes les choses autour de lui sont essentiellement incapables? C’est cela que ce qu’on appelle l’amour, ou tout simplement le plaisir, Se charge, chez la plupart, de transformer, et de faire semblant de satisfaire, et de détruire. Mais lui, (pendant qu’il serre ce morceau de pain dans sa main et ne songe pas à le porter à sa bouche), Sent qu’il est regardé avec attention par quelqu’un qui est peut-être prêt à s’avancer mais encore farouche. Il sait seulement que celle-ci, parmi les autres présences, est là, et rien ne servirait de lever les yeux trop tôt. Mais dans son coeur déjà se réunit et se prépare tout ce qu’il faut Pour accueillir, pendant que les gens déjà se lèvent en tumulte et que l’alouette chante éperdument dans la plaine, La main impérieuse pour un autre chemin dans la sienne et le sourire de cette soeur soudaine! In Principio Erat Verbum. L’Océan, comme la Vallée en mouvement de la Mort parcouru par les suçoirs des trombes, A vu jadis cet homme qui portait le Christ et qui avait le nom de la Colombe, Quand il tirait à coup de canon sur les noires colonnes d’eau qui le pressaient comme des géants, Et pacifiait la Création déchaînée en lui faisant du haut de la poupe lecture de l’Evangile de Saint Jean. Et plus tard pour les navigateurs qui revenaient de Mozambique et de Timor, Le fait, au-dessus des vapeurs de la cuisine, et des armes qu’on astique, et des faibles conversations du bord, Etait le craquement d’une poulie ou de l’autre là-haut, toutes voiles travaillantes dans le grand souffle régulier Jour et nuit qui du Pôle jusqu’à la Ligne prend toute la largeur de la Mer, Moi de même aujourd’hui je suis là, et pendant que la plume à la main je transforme les sacs de sucre et de café en milreis et que je dépouille la Bible, Je lève de temps en temps la tête et j’écoute, et dans les palmes j’entends le même souffle irrésistible, Celui, le même, qui jadis précéda le sommeil de l’Auteur du genre humain dans le Paradis, Avant qu’Eve lui fût tirée du flanc sous les ombrages de l’Arbre de la Vie. Pendant que je dors, ou que je marche, ou que j’écris, la Mer ne cesse pas d’être à mon côté, Et je ne puis rejoindre la Patrie là-bas de nouveau sans que j’aie à la traverser; Là où la terre n’existe plus, là d’où vient ce mouvement sur la forêt, D’une rive du monde jusqu’à l’autre il n’y a de chemin pour moi qu’à travers la Paix, Cette Paix que le vent sans jamais en émouvoir la source ne cesse d’interroger avec mystère ou avec furie! Sur les choses qu’il a créées ne cesse pas l’interrogation de l’Esprit. La mer des hommes et des feuilles, il ne cesse de la brasser et de la remuer, la mer des peuples et des eaux! C’est de lui qu’il est écrit: J’ai cherché en toutes choses le repos. Et pourtant ce souffle impatient du monde il y a quelqu’un qui a su l’emprisonner. Il a suffi naïvement pour le prendre de cette Vierge qui lui dit: Mon bien-aimé! Un enfant dort sur son sein et la joue contre sa joue. «Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous» Rio de Janeiro, Mai-Décembre 1917 Fin. L’Offrande Du Temps. Le militant, plein de déchirures et de boue, et qui certes n’est pas un saint, Mais qui porte audacieusement la grande croix rouge sur le coeur comme Saint Georges, afin que chacun sache qu’il est dans les ambulances et chrétien, N’a pas fait quatre pas de sa route qu’il n’entende de tous côtés Le gémissement de ces Ames qui sont dans la captivité. Que lui parle-t-on, comme s’il ne les connaissait pas, de l’Enfer et du Purgatoire? Son pas chaque jour dès ce monde en emprunte le territoire Et réveille sous la terre tout un peuple embouteillé En des vases si étroits que la tête ne peut y passer! Ils ne bougent aucunement, ils cuisent et crient avec desespoir! Et certes, on voudrait les secourir, s’arrêter et leur donner à boire. Mais bonnes âmes qui parlez d’altruisme, allez-y! voici notre frère humain, Croyez-vous que ce soit une chose facile à faire que de lui faire du bien? Je dis de lui arriver pour de bon à l’unique moment opportun. Dieu seul qui ne nous a pas lâchés en série mais nous a faits tous un par un, Dieu qui seul nous prend au sérieux, son oeuvre, à Lui seul cela est possible. Et quand l’homme nous est fermé, Lui toujours nous demeure accessible. Il n’y a qu’à faire ce que nous pouvons et à prier, Nommant ce grain avec foi dans la terre dont on ne ait ce qu’il va sortir ou fructifier. Mais vous, prêtres, vous n’êtes pas à nous pour un seul moment. Votre prière n’est pas comme la nôtre cette fumée qui se dissipe à tous les vents, Vous n’êtes que prière vous-mêmes, vous êtes la jointure et le ciment, Vous ne faites qu’un avec Dieu; vous ne faites qu’un avec nous aussi, Vous commandez à Dieu, vous le faites et le tenez à votre merci, Nous vous tenons, vous le tenez, et tout tient dans une seule Eglise, Vous êtes l’Ordre par excellence en qui tout le corps s’organise. Tout ne fait qu’une seule obsécration, tout ne fait qu’un seul malheur et tout ne fait qu’un seul sacrifice, Quand vêtus d’or et de lin à l’autel vous vous retournez vers vos frères, Prenant le peuple obscur avec vous et l’offrant entre vos bras ouverts! Mais, prêtres, tous ces morts-vivants, ah s’ils savaient comment faire pour parler, Sur qui vous avez juridiction et sur qui vous serez un jour interrogés, Ils vous diraient: Ce n’est pas tant de nous qu’il faut tout d’abord vous occuper! Ce n’est pas nous par nous-mêmes tels quels qui sommes intéressants. Premier est Dieu Notre Père à qui nous faisons détriment. A quoi bon tant de mains jusqu’à nous et de machines profanes et compliquées? Ce n’est pas de ne pas mourir pour nous qu’il s’agit, c’est de ressusciter! Ce n’est pas tant la terre au hasard la gratter qu’il faut pour en retirer des morts, C’est Dieu courageusement qu’il s’agit d’entreprendre corps à corps. Il s’agit de tenir bon, là où nous nous sommes achoppés. Là où votre frère n’est pas, il s’agit de le remplacer, La prière qu’il ne fait pas, c’est en elle que vous êtes constitués, Il n’y a pas d’autre moyen d’obtenir que de demander, Il n’y a pas d’autre prière à Dieu que l’exécution de Sa Volonté. C’est pourquoi l’Artisan de tous les êtres qui les a faits avec tant d’esprit, Et qui a tellement rédigé la Charte des Abeilles et des Fourmis, Une Constitution si maligne et compensation si ingénieuse d’intérêts Que la petite Cité pour toujours ne puisse pas périr quand elle le voudrait, La bénédiction qu’il donne à tous les êtres qui vivent ensemble, Cette invention de l’équilibre à chaque instant, et cette enceinte stricte et ample, Nulle part, mais qui de tous les bourgeois en corps fait une seule personne sensible, Outre la Foi écrite et Pierre distinctement intelligible, Dieu a voulu que Sa ruche aussi en fût jusque dans chaque cellule pénétrée, Je dis de ce sens, au regard du Prochain et de Lui qui porte le même nom de Charité. Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que chacun de nous, c’est l’Eglise. Quelqu’un qui a plus de vertu qu’un homme seul qui fait ce qu’il peut faire à sa guise. Et c’est l’Eglise tout entière, ô prêtres, qui est à votre service comme un engin Et comme une puissante armée que son chef pèse et et balance dans sa main, Toute l’Eglise une seule chose avec vous par l’Ordre et par la sainte hiérarchie, Une seule chose avec vous et par vous qui s’ébranle et qui vous obéit! Un homme tout seul qui prie, quand il serait un saint, qu’est-ce qu’il offre pour ce qu’il demande à Dieu? Mais nous savons que pour l’obtenir il nous suffit d’être deux. Il n’est pas deux hommes en Son nom sans que Lui-même soit au milieu. L’Office qu’un prêtre dit, c’est le devoir de toute la nature. De l’hommage qu’elle doit il acquitte la Créature. Il ne prie pas seulement, il ne demande pas seulement, il satisfait. Il ne Vous demande pas seulement l’ordre, mais il le fait. Il ne prie pas seulement «Advienne Ton Règne!» il y est. Le Temps qui passe par lui participe à Votre Eternité. Chaque Heure de ce Temps qu’il célèbre et qu’il sacrifie avec solennité, (Et ce qui parle par vos bouches, ô prêtres, et qui demande ce que vous ne savez pas, Ce n’est pas vous, c’est le Saint Esprit en vous qui supplie et qui dit: Abba!) Témoigne par son ornement qui varie tout à l’entour de Sa gloire L’inclinaison de l’Eternel soleil qui éclaire notre séjour transitoire. Voici la prière complète, le jour plein et la Louange Pérennelle! L’Acte par excellence vers Dieu et Jésus entre ses ministres vers le Ciel! Non plus un homme qui prie, mais l’Eglise en sa personne officielle. Heureux qui du Pauvre et de l’Indigent a reçu l’intelligence! Et de Celui-là, le plus délaissé entre tous, qui a sa résidence, Si loin de nous et si près, selon que l’Evangile nous le décrit, «Eloigné d’un jet de pierre» dans la Peur et le silence de Gethsémani! Il veille, et nous, ne pouvons nous veiller et soutenir une heure avec Lui? Une heure de cet Office fraternel en la continuation des Apôtres Qu’au regard aussi de Dieu nous devons nous prêter l’un à l’autre. Chacun prend les devants tour à tour; l’un parle, l’autre répond; L’un offre, l’autre est offert; l’un chante et l’autre donne le ton; L’un propose, l’autre l’assiste, et chacun est tour à tour enseigné; Quand l’un cesse, l’autre aussitôt va le reprendre et le rechercher. Le Verbe devient parole et l’homme lui est attentif. Tout dans le ciel et sur la terre est conclu dans le devoir alternatif. Tout est devenu religion, tout est ensemble solidaire. Tout est gloire à Dieu dans le Ciel et paix entre les hommes sur la terre. Il n’y a plus de temps, mais Dieu seul, et le soleil est arrêté, Comme par ce Jésus jadis que nous appelons Josué. Hambourg, 1914 Note. (1) Omnia duplicia, unum contra unum, et non fecit quidquam deesse. Eccles., xlii, 25. Source: http://www.poesies.net