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Poésies!
Les Naufragés.
Extrait Des Poésies Completes

Par Honoré Harmand







O vous qui passez dans la rue
Au sein de tragiques douleurs
Dans le bruit sourd de la cohue
N'entendez-vous pas des clameurs.

N'est-il pas des jours où votre âme
S'attendrit au son d'une voix
C'est un malheureux qui réclame
Et que la faim pousse aux abois.

Quelle page plus saisissante
Au livre noir des miséreux
Que cette cohorte tremblante
Sur le passage des heureux.

Quelle souffrance qui s'exhale
Plaintive aux portes du bonheur
Défroque humaine qui s'étale
Aux yeux si doux du bienfaiteur.

Mais dans cette foule ô misère
Que ne montres-tu à nos yeux
Un enfant, au sein de sa mère
Pendu, buvant le lait des gueux.

Une fillette jeune encore
Qui s'en va au souffle du mal
Une rose qui vient d'éclore
Et que froisse un baiser brutal.

Des mendigots de tous les âges
Traînent ainsi sur le pavé
Leur vieil habit que les usages
Sur leur corps ont détérioré.

Mais en passant près d'un asile
Que ne voit-on pas, pour la nuit
La foule qui attend docile
Une soupe ainsi qu'un bon lit.

C'est là que l'on voit amassée
La misère en un gros paquet
Par la faim le soir ramassée
Quand le besoin a fait le guet.

Tout est là au seuil de la porte
La grandeur des jours disparus
L'épave que le vent emporte
Ils se regardent inconnus.

D'un côté le troupeau des hommes
Attend son entrée au bercail
De l'autre chair de toutes sommes
Les femmes sont sous le portail.

Arrêtez vos yeux sur la page
Qui s'ouvre aux générosités
Ne regardez pas avec rage
Le tableau des fatalités.

Songez en voyant ces chimères
Que du coeur le rêve arraché
Conduit aux heures meurtrières
Les élus de la pauvreté.

Que voyez-vous des vieilles femmes
Au visage pâle et ridé
Des fillettes des faces blêmes
Où le vice honteux s'est gravé.

Des filles venant de Bretagne
D'autres même de l'Etranger
Des bergères de la montagne
Que l'amour vint décourager.

Des enfants aux bras de leurs mères
Fruit obscur de la volupté
Moisson des crimes adultères
Pour le pain de la charité.

Voilà ce qu'on voit dans la vie
Au seuil de l'asile de nuit
La bave qu'exhale l'orgie
Quand le bonheur trop, nous sourit.

Voilà ce qu'on voit sur la terre
Dans le monde des malheureux
C'est les larmes de la misère
Sur le tombeau des jours heureux.

O vous qui passez dans la rue
Au sein de tragiques douleurs
Dans le bruit sourd de la cohue
Prêtez l'oreille à leurs clameurs.

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