Ce poème a été écrit en 1852 et publié dans les poèmes antiques sous la rubrique
Poésies Diverses. Il a eu un succès considérable ce qui d'ailleurs agaçait
Leconte De Lisle qui lui préférait d'autres poèmes qu'ils pensait plus en
accord avec la conception parnassienne.
Ceci constitue pourtant un magnifique exemple de la puissance poétique du poète.
La versification est, comme presque toujours avec Leconte De Lisle, spectaculaire.
Rien n'est laissé au hasard et la force évocatrice de l'ensemble est saisissante.
Leconte De Lisle décrit une nature grandiose pleine de mystères mais aussi pleine
d'indifférence.
Ce qui est moins typique par contre est la présence de l'homme que le poète
apostrophe dans les trois dernières strophes. C'est cet apostrophe,
peut-être, qui constituait la source de l'irritation du poète, parce
qu'elle s'éloignait trop de l'impassibilité tant prôné par lui même et dont
il a fait une des règles d'or du parnasse.
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MIDI.
Midi, roi des étés,
épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d' argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L' air flamboie et brûle sans haleine:
La terre est assoupie en sa robe de feu.
L' étendue est immense et les champs n' ont point d' ombre,
Et la source est tarie
où buvaient les troupeaux;
La lointaine forêt dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls, les grands blés mûris, tels qu' une mer dorée,
Se déroulent au loin dédaigneux du sommeil:
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.
Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S' éveille, et va mourir à l' horizon poudreux.
Non loin quelques boeufs blancs, couchés parmi les Herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu' ils n' achèvent jamais.
Homme, si le coeur plein de joie ou d' amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! La nature est vide et le soleil consume:
Rien n' est vivant ici, rien n' est triste ou joyeux.
Mais si désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l' oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté;
Viens, le soleil te parle en lumières sublimes;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le néant divin.