Une étoile d'or là-bas illumine
Le bleu de la nuit, derrière les monts.
La lune blanchit la verte colline:
-Pourquoi pleures-tu, petite Christine?
Il est tard, dormons.
-Mon fiancé dort sous la noire terre,
Dans la froide tombe il rêve de nous.
Laissez-moi pleurer, ma peine est amère;
Laissez-moi gémir et veiller, ma mère:
Les pleurs me sont doux.
La mère repose, et Christine pleure,
Immobile auprès de l'âtre noirci.
Au long tintement de la douzième heure,
Un doigt léger frappe à l'humble demeure:
-Qui donc vient ici?
-Tire le verrou, Christine, ouvre vite:
C'est ton jeune ami, c'est ton fiancé.
Un suaire étroit à peine m'abrite;
J'ai quitté pour toi, ma chère petite,
Mon tombeau glacé. -
Et coeur contre coeur tous deux ils s'unissent.
Chaque baiser dure une éternité:
Les baisers d'amour jamais ne finissent.
Ils causent longtemps; mais les heures glissent,
Le coq a chanté.
Le coq a chanté, voici l'aube claire;
L'étoile s'éteint, le ciel est d'argent.
-Adieu, mon amour, souviens-toi, ma chère!
Les morts vont rentrer dans la noire terre,
Jusqu'au jugement.
-Ô mon fiancé, souffres-tu, dit-elle,
Quand le vent d'hiver gémit dans les bois,
Quand la froide pluie aux tombeaux ruisselle?
Pauvre ami, couché dans l'ombre éternelle,
Entends-tu ma voix?
-Au rire joyeux de ta lèvre rose,
Mieux qu'au soleil d'or le pré rougissant,
Mon cercueil s'emplit de feuilles de rose;
Mais tes pleurs amers dans ma tombe close
Font pleuvoir du sang.
Ne pleure jamais! Ici-bas tout cesse,
Mais le vrai bonheur nous attend au ciel.
Si tu m'as aimé, garde ma promesse:
Dieu nous rendra tout, amour et jeunesse,
Au jour éternel.
-Non! Je t'ai donné ma foi virginale;
Pour me suivre aussi, ne mourrais-tu pas?
Non! Je veux dormir ma nuit nuptiale,
Blanche, à tes côtés, sous la lune pâle,
Morte entre tes bras! -
Lui ne répond rien. Il marche et la guide.
À l'horizon bleu le soleil paraît.
Ils hâtent alors leur course rapide,
Et vont, traversant sur la mousse humide
La longue forêt.
Voici les pins noirs du vieux cimetière.
-Adieu, quitte-moi, reprends ton chemin;
Mon unique amour, entends ma prière! -
Mais elle au tombeau descend la première,
Et lui tend la main.
Et, depuis ce jour, sous la croix de cuivre,
Dans la même tombe ils dorment tous deux.
Ô sommeil divin dont le charme enivre!
Ils aiment toujours. Heureux qui peut vivre
Et mourir comme eux!